L’hôpital de Lussac

Historique de la Chapelle saint Eloi

Le terrier de 1523 mentionne une maison tenant au verger de la Maison-Dieu de Lussac. Est-ce un établissement hospi­talier disparu dans la tourmente des guerres de religion ? Est-ce tout simplement une dépendance de la. Maison-Dieu de Montmorillon qui était positionnée à Lussac ? Les documents ne nous permettent pas de nous prononcer.
Par son testament du 1er sept. 1677, déjà cité, François de Bourdelle donna sa maison du Latier-Lussazois “pour en faire un hostel-Dieu pour tous les pauvres qui y voudront aller ”. Il dote celui-ci de sa métairie de Lessard-aux-Bourdelle, du bien qu’il possède à Lavault et des rentes qu’il a au pays.
Le revenu, dit-il, servira à l’entretien et nourriture des pauvres, entretien des bâtiments et construction d’une chapelle. Dans celle-ci, un chapelain nommé par ses neveux ou leurs descendants dira la messe tous les jours “ et mesme apprendra à lire, escrire les pauvres enfants dud. bourg de Lussac par charité et gratis ”. Il sera logé et recevra une pension de 200 1.
Il fonde aussi 4 saluts dans l’église de Lussac et désire qu’on distribue aux pauvres et aux petits écoliers, qui y assisteront, un gâteau d’un sol à chacun.
Son neveu, Maximilien de Bourdelle, sera administrateur et touchera 30 l. Il sera assisté du seigneur, du curé, du prieur, du sénéchal, greffier et procureur fiscal. Ses descendants lui succèderont.
Les habitants acceptèrent ce legs le 15 janv. 1679, mais il leur fallut 22 ans pour mettre le projet du fondateur à exécution.
Tout d’abord, on songea à édifier la chapelle saint Eloi, et le curé présenta à l’évêque une supplique pour autoriser cette construction ; dans cette pièce, il évalue à 8 ou 900 l. le revenu des biens légués. L’autorisation ayant été accordée, la chapelle fut construite, et le 27 nov. 1682 l’évêque déléguait pour la visiter François Jamet, curé de Saint-Priest-le-Betoux, qui, par son procès-verbal, constate qu’elle est parfaitement aménagée et qu’un tableau de saint François, tout neuf, est placé au-dessus de l’autel ; quelques jours après, on procéda à la bénédiction. (G. 629).

Historique de l’hôpital

Sans doute, à cette époque, les revenus des domaines étaient distribués aux pauvres sous forme d’aumônes, puisqu’on trouve alors des administrateurs en fonction, mais il n’existait pas encore d’hôpital organisé. Les choses sans doute seraient restées longtemps eu cet état provisoire devenu définitif si l’Hôtel-Dieu de Paris n’était intervenu. Une clause du testament portait, en effet, que si l’on ne pouvait établir un hôpital à Lussac, les biens destinés à sa fondation seraient dévolus à l’hôtel-Dieu. Informés de 1’inexécution des volontés du testateur, les administrateurs de cet établissement revendiquèrent ces biens et un procès s’engagea. Les habitants ayant prouvé que jusqu’alors ils n’avaient pas eu assez de fonds pour terminer la construction de l’hôpital et que, suivant les désirs du fondateur, ils avaient plutôt considéré cette fondation  “comme un hospice que comme un hôtel-Dieu ”, un arrêt du Parlement de juin 1701 maintint à Lussac sa fondation, mais à charge d’obtenir du roi des lettres patentes.

Les habitants, la dame du lieu, les ecclésiastiques, consultés, décidèrent, le 13 nov. , de faire toutes les démarches nécessaires pour obtenir ces lettres : Ils demandèrent d’abord l’avis de l’évêque qui donna son consentement le 7 déc.
L’intendant ayant aussi émis un avis favorable, des lettres patentes furent accordées en avril 1702. Eu conséquence, l’hôpital fut organisé.
On conserve à Lussac un unique registre des délibérations qui va de 1748 à 1889. Il contient d’intéressants renseignements. En 1748, le revenu était de 1406 l. et les dépenses de 1384 l.

Un procès-verbal de visite du 8 juin 1763 nous donne une description de l’hôpital : dans la chambre des hommes, il y a 3 lits et le tableau de M. le fondateur* ; dans la chambre des femmes, 3 lits et une petite couche sans rideaux, 2 chaises, 1 coffret et 1 petite table ; la chambre de l’hospi­talière renferme lit, table, maie, buffet, vaisselle, fauteuil servant de salière, armoire contenant les titres et 8 chaises.
Dans une autre pièce, qui sert de vestibule, se trouve l’armoire au linge, un petit lit, un fauteuil à transporter  les malades, une petite armoire suspendue. Suit l’énumé­ration du linge et autres objets : 33 draps gros et fins, 10 courtes-pointes, 6 couvertures de laine, 47 chemises, 43 serviettes, 3 nappes, 5 pots de chambre, 1 porte-dîner, 6 pots à eau, 7 écuelles, 6 roquilles, 16 assiettes, 1 lampe, 4 gobelets, 1 seringue, le tout d’étain ; 1 chauffe-lit et 3 chandeliers de cuivre. Dans la chapelle, 1 calice et 1 patène, dorés en dedans.

Le tableau mentionné dans cet inventaire existe encore au presbytère de Lussac ; il est d’assez grandes dimensions :
M. de Bourdelle y est représenté à mi-corps, sa figure est sympathique, sa tête est couverte d’une longue perruque bouclée, il est vêtu de rouge avec rabat bleu et porte en sautoir une écharpe de même couleur. De la main gauche, il tient une pancarte sur laquelle on lit : Franciscus Bourdel, Prius chirurgus regis anno Dni 1627 hanc domum Jundivit.

Nous n’avons rien trouvé sur le mouvement de la popu­lation de l’hospice, mais les registres d’état civil montrent qu’il y mourait eu moyenne 5 pauvres par an.

Les fonds de l’hospice étaient placés en rentes sur les seigneuries du pays et sur le clergé. A la Révolution, ces rentes ne furent plus acquittées. Le 7 avril 1793, le receveur repré­sente à la municipalité que l’hôpital est dépourvu de tout secours et qu’il est presque impossible de pourvoir aux besoins des plus nécessiteux des pauvres qui s’y trouvent, les fonds ne rentrant plus ; celle-ci reconnaît l’exactitude de cet exposé et décide de prendre des mesures. On sait ce que cette formule signifie. Quelques jours après, l’hôpital fermait ses portes, son budget étant en déficit de 723 l.

En frimaire an V, on tenta de le réorganiser et Madeleine Pillaud, fut chargée de le diriger ; on réclama à la nation, comme propriétaire des biens de la noblesse et du clergé, les sommes prêtées ; mais cette réclamation n’ayant pas abouti. 1’existence de l’hospice fut définitivement close.

Plus tard, on y tint les écoles et, en 1827, on se contentait d’y loger les pauvres.

 Les revenus des bois, mis en coupe réglée depuis 1841, joints aux revenus du domaine de l’Essard donné par le fondateur, n’ont pas permis depuis de rouvrir un hospice à Lussac, mais ils ont été suffisants pour doter largement le bureau de bienfaisance qui est un des plus riches du département. Les intentions de M. de Bourdelle, qui étaient, en définitive, de secourir les pauvres de Lussac, se trouvent ainsi respectées.