Les églises de Lussac


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L’église Saint Martial
L’église Saint Étienne
Le Prieuré

Dès le XIe siècle, comme son nom l’indique, Lussac possédait deux églises :
– l’une paroissiale placée sous le vocable de saint Martial,
– l’autre dédiée à saint Etienne.

L’église Saint Martial

Elle avait pour patron l’abbé de Saint-Martial de Limoges ou le prévôt de La Souterraine, qui dépendait de celui-ci. Elle était administrée, comme à Arnac, par une communauté de prêtres, mentionnée en 1550, mais n’exis­tant plus au XVIIIe siècle.

Presque toutes les dîmes appartenant aux seigneurs ou à des religieux, le curé était à portion congrue.

D’après un compte de 1550, les religieux d’Hérut devaient 10 s. seigle à la communauté des prêtres et 9 s. 2 b. au curé. Le 14 sept. 1654, pour se libérer de cette charge, ils lui abandonnèrent les dîmes de blé sur Le Plan, Le Couret et La Jallebosse. Le 21 juin 1692, nouvelle convention entre les deux parties : le curé renonce à toutes ses dîmes, mais les religieux s’engagent à lui payer une pension de 300l. et de 150 l. au vicaire (MD. 300).

Le 16 août 1697, les Augustins de Limoges reconnaissent qu’ils doivent contribuer pour 8 l. à la pension du curé.

La présentation à la cure appartenait aux seigneurs de Lussac.

L’église, qui s’élève sur la place, a la forme d’une croix latine. Elle est précédée d’un narthex originairement ouvert sur trois côtés. Les baies latérales — l’une d’elles était appelée « Porte des lépreux » — ont été murées anciennement. Au-dessus se trouve le clocher.

Le portail de l’église est ogival. Il est orné de simples tores ; les chapiteaux n’existent plus. La nef est divisée en trois travées voûtées par des croisées d’ogive. Elle est éclai­rée par des fenêtres agrandies récemment.

Cette église renferme encore d’anciennes statues :
–  une superbe Piéta en pierre blanche polychromée où la Vierge, les mains jointes, est vêtue en religieuse : robe rouge, voile bleu et guimpe blan­che. L’artiste a su traduire avec justesse l’expression dou­loureuse du visage de la mère ; le corps du Christ, rigide, est placé en travers sur ses genoux ; ce monument paraît être du XVIIe siècle.
– Statue de bois  de saint Etienne, très vénérée et dont les bras sont chargés de faveurs multicolores placées par des pèle­rins ;
– Statue de bois  de sainte Philomène ;
– Statue de saint Martial
– Un grand Christ dont la couronne, en forme de tortil, était hérissée de clous,
– Un Père éternel, à la figure joyeuse, émergeant au milieu des nuages, etc.

L’abbé Texier a signalé dans son Dict. d’orfèvrerie, vo Ostensions, un reliquaire émaillé du XVIIIe siècle, possédé par cette église ; il n’existe plus depuis longtemps*.

*  Le 10 flor. an II, on envoie au district six grands chandeliers, un bénitier, une petite fontaine, un encensoir, deux croix, la châsse d’un reliquaire en plusieurs morceaux, le tout de cuivre et provenant de cette église. Plus trois cloches, pesant 1700, 300 et 160 l., et une petite cloche venant de Saint-Étienne du poids de 60 l.
Le 30 messidor, on adresse au même les vases sacrés, pesant ensemble 7 marcs d’argent.

En oct. 1605, le clocher fut réparé par Léonard Desgran­ges.
Le 16 fév. 1645, pendant la nuit, raconte Robert du Dorat, un violent ouragan gâta les couvertures des églises de Saint-Martial et de Saint-Etienne de Lussac et enleva les clochers de plusieurs églises, (Cf. manuscrits de l’abbé Dufour. Font., t. XXI, p. 603).

L’église a subi en 1875 d’importantes réparations qui ont coûté 29 000 F.

Les seigneurs de Champeron et de l’Age-Bernard possédaient droits de sépulture et de bancs dans l’église ; ces droits donnèrent lieu à maintes contestations entre eux. Les tom­beaux du seigneur de Champeron étaient sous les cloches.

Les registres de l’état civil constatent la fonte de plusieurs cloches, mais nous laissent ignorer les noms des fondeurs.
3 avril 1605, bénédiction de la grosse cloche dédiée à sainte Barbe (parrain, François Prévost; marraine, Souveraine de Bourdelles).

24 avril 1731, deux cloches furent fondues  pour l’église :
– l’une de 1750 l., sous le nom de Saint Martial, eut pour parrain le marquis de Foucault de Saint-Germain, brigadier des armées du roi, gouverneur de la haute et de la Basse Marche, et pour marraine la marquise de Lussac ;
– la seconde de 300 l. reçut le nom de Saint-Étienne par le marquis de Lussac et la marquise de Saint-Germain-Beaupré.
Ces cloches furent refondues en 1789.

21 juillet 1789, le curé bénit trois cloches :
– la première, pèse 1527 l. Elle est dédiée à Saint Martial. Elle eut pour parrain et marraine le comte et la marquise de Lussac, représentés par Pierre Guillemin de Montplanet et Magdeleine-Geneviève Goudon ;
– la deuxième, sous l’invocation de la Vierge, a été tenue par Mesmin de Bouex, marquis de Vilmort, et la comtesse de Lussac;
– la troisième, consacrée à Saint-Étienne, pèse  272 l. Ses parrain et marraine furent le chevalier Louis-Alexandre de Lussac et Henriette-Marie-Louise de Bouex de Vilmort.
La première existe encore et son inscription a été publiée par M. l’abbé Lecler.

On se rendait autrefois à Saint Martial “ pour tous maux d’estomac et douleurs de reins ”. (Dom Font., p. 941).

M. l’abbé Nadaud, doyen de Lussac, possède un curieux registre contenant les délibérations, de 1597 à 1744, d’une confrérie ou agrégation du Saint-Sacrement établie dans l’église de Lussac. Malheureusement la première page, qui portait les statuts, a été déchirée en grande partie.
Elle comprenait surtout des prêtres et quelques laïcs ; elle ne fut jamais très nombreuse : en 1741, elle atteint son maximum avec 27 membres dont 19 ecclésiastiques. En 1609, elle avait décidé de n’admettre que deux laïcs comme porte-croix et porte-bannière, mais cette délibération ne fut pas maintenue par la suite.
Les confrères se réunissaient une fois par an, tantôt à Lussac, tantôt dans les paroisses voisines ; le baile, élu par eux et pour un an, devait offrir un banquet qui était précédé d’une messe ; les membres qui n’y assistaient pas et qui ne fournissaient pas d’excuses valables* étaient impitoyablement rayés. Les confrères étaient tenus de dire ou faire dire 4 messes par mois, de porter au cimetière les corps des confrères décédés et d’assister aux anniversaires avec un cierge. La cotisation était d’une demi livre de cire.

*  Voici quelques excuses alléguées : en 1666 Léonard Perrin est à Saint-Jacques de Compostelle ; le 23 juil. 1619 la frairie se tient à Lussac “ à l’occasion de la guerre et autres occurrences ” ; le 5 mai 1621, Martin de Mascloux est à Rome ; le 28 juin 1639, le même, qui était alors curé de Jouac, ne peut venir “ à cause des gens d’armes qui sont au pays ”

Une délibération d’habitants du 1er nov. 1733 nous apprend qu’il y avait deux sacristains, l’un nommé par le curé, l’autre par les paroissiens. Pour leur rétribution, ils prélevaient :
–          sur chaque métayer : un boisseau de seigle,
–          sur chaque laboureur à 2 bœufs ou vaches :1/2 b.,
–          sur chaque meunier :1/2 b.
–          sur les principaux habitants du bourg : 5 sols,
–          sur les autres habitants du bourg : 3 s.
–          sur les habitants de la campagne : une écuellée de seigle ou 3 s.
Ils étaient chargés de l’entretien de l’horloge. (M.N.).


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L’église Saint-Étienne

L’église ou chapelle Saint-Étienne, annexe de la précé­dente, avait les mêmes patrons ; elle était placée sous l’in­vocation de saint Etienne, pape. En 1719, quelques murs déjà très anciens s’écroulèrent. Ils furent reconstruits la même année par les soins du curé qui procéda à une nou­velle bénédiction, le 3o juil., en présence de nombreux prêtres ; la statue de Saint Étienne y fut rapportée processionnellement au milieu d’un grand concours d’étrangers. (E.C.).

Nous avons dit que cette église jouissait d’un grand renom dans la contrée : “ L’église de Saint-Étienne, rapporte Robert du Dorat, est recommandée pour tous maux de teste; l’on y va en dévotion le jour de la Saint-Étienne et le lendemain de Noël, mais particulièrement l’on y va en plus grande abondance de peuple le 2ème  jour du mois d’aoust, qui est la feste de saint Etienne, pape et martyre, et le 30 jour dud. mois, qui est l’invention de saint Etienne, comme aussi les laboureurs y vont pour les maladies du grand bétail. ” Plus loin, il dit qu’on s’y rend aussi en “ voyage pour toutes les maladies d’esprit et de douleurs de teste ”. (Dom Fonteneau, t. XXXI, p. 939 et 941).

La Révolution n’interrompit pas cette dévotion et les regis­tres municipaux montrent que, le 14 juil. 1791, le Conseil, considérant que les offrandes faites à saint Étienne ne doivent être employées “ qu’à l’entretien majestueux du culte divin et non tourner au profit des curés ”, décide
1)      d’acheter un registre pour inscrire les messes et les offrandes
2)      d’acquérir 24 l. de cire jaune destinée à faire des cierges pour les voyageurs ;
3)      de nommer 3 prêtres pour faire les offices ;
4)      de désigner 3 commissaires pour les surveiller.

Le 20 août, ces derniers font connaître que les offrandes faites se sont élevées à 270 l. et 32 l. de cire. L’année suivante, pareille organisation fut maintenue.

En 1793, les commissaires encaissèrent 92 l. 10 s., frais déduits, provenant de 596 offrandes; mais, quelques jour après, le représentant Brival blâma cette perception et il fit remettre cette somme au curé.

Le 12 thermidor an V, un membre de la municipalité requiert le maire de prendre des dispositions pour assurer l’ordre le jour de Saint-Étienne, une multitude d’hommes et de femmes, filles et garçons, de tout âge et de toute sorte d’opinions, ayant l’habitude de se rassembler à Lussac, d’autant plus qu’en ce moment les partis s’agitent.

En 1793, cependant l’église Saint-Étienne avait été vendue avec la chapelle de N.-D. de Pitié à Joseph Deguercy, qui céda le tout, le 17 messidor an VII, à François Verdellet moyennant 300 l. Les tuiles et le plomb avaient été déjà aliénés par lui. Ce dernier la démolit et, actuellement, ses traces n’existent plus.

Une cloche de 33 l. est bénite pour cette chapelle le 20 déc. 1722 ; elle est nommée par le seigneur et la dame de Lussac.

Le culte de Saint-Etienne est toujours fort en honneur et le pèlerinage de Lussac est encore très suivi, surtout pour les enfants en bas âge ; ce jour-là se réunissent à Lussac, pour exploiter la pitié des fidèles, tous les mendiants de 20 lieues à la ronde, une vraie Cour des Miracles.


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Prieuré

Lussac possédait aussi un prieuré dépendant de Saint-Martial de Limoges ou du prévôt de La Souterraine ; il y avait un moine en 1216. Le prieur devait tous les ans un prévôt un dîner composé “ d’un chief de pollailhe (1), boulhy à la porée (2) blanche et un dour (3) de plesse sal pris à la sausse des espices, d’un meytz de viande boulhy, c’est assavoir bœuf et porc et de chacune longe ne se doit faire que trois pièces et entre deux et deux en doivent avoir 11 pesses ; deux. doivent estre servis d’une pièce de beuf et de porc et se doivent manger au poyvre chaud ; et oultre plus doit ung setier de vin, plus XII deniers au cuisinier ”. (V.Valadeau, Notice sur La Souterraine, p. 27).

(1)       Tête de poulaille, dans le sens de la pièce de volaille.
(2)       Poireau, anciennement porreau de porrum ; en Poitou, on dit encore pourrée.
(3)       Dour, dor, dorn, mesure contenant quatre doigts qu’on représente le poing fermé ; mensura manus clausœ. (Godefroy).