Forge de Mondon

L’établissement industriel du pays le plus important remonte aux premières années du XVIIe siècle. Tous les documents antérieurs n’en font pas mention. C’est donc bien probablement à Guillaume Pot que revient l’honneur d’avoir doté notre contrée de cette industrie qui dura plus de deux siècles et demi.

Le premier acte conservé dans les archives est un bail du 2 avril 1607, consenti à Philippe Favier, marchand, de Saint-Benoit, et Michel Subtil, écuyer, seigneur du Sauvage, maître des grosses forges, “ de la forge et fourneau à faire fer située au village de Mondon ”, moyennant 40 milliers de fer, prix de forge, pour trois ans. Le seigneur donnera 10 arpents de bois à Mondon ou à Grand-Fa ; il est convenu que les mines de minières et castille pourront s’exploiter partout où elles se trouveront. Michel Subtil promet de travailler à la forge s’en dépar­tir. Cette dernière clause et le mode de paiement fixé pour faciliter les exploitants nous donneraient à penser que ce bail était le premier d’autant plus qu’il n’y est pas question d’une visite des outils (9404).

A l’expiration du bail, Favier se chargea seul de l’exploi­tation pour un an, moyennant 2400 l.

Privé de l’expérience d’un homme de métier, sa gestion ne fut pas heureuse et, l’année suivante, il dut abandonner au profit de deux maîtres de forge de la paroisse de Marval, Jean et Guillaume Pécon, seigneurs de Basleran*.

*  Forge située sur la commune de La Chapelle.Montbrandeix dans la chapelle, inscription de 1624 concernant G. Pecon (Cf. l’abbé Lecler Monographie du canton de Saint- Mathieu , p. 54).

 

A leur entrée, le 2 déc. 1611, ils firent constater par notaire que la forge était en mauvais état “la bouche du fourneau à fer n’est pas assez large pour en tirer les guyses d’environ deux pieds. Les appareils du fourneau sont abbatus et on ne sauroit fondre en icelui ; il doit être refait en entier. L’écluse proche du fourneau est en mauvais état. La roue du fourneau est rompue et les tables des soufflets sont en mauvais état. Les halles du fourneau et la grande halle à charbon ont besoin d’être recouvertes. Les deux roues de la chaufferye et de la bapterye sont mauvaises ; la roue du marteau n’a que quatre bras et il en faut huit ; l’arbre n’a que deux oreilhons et il en faut quatre ; les chandeliers devant l’arbre sont trop petits ; les jambes du marteau sont mi-usées ; les clefs des jambes sont rompues ; la pompe est mi-usée ; les soufflets de l’affinerie ne vallent rien. ”

Ils l’avaient prise pour huit ans, moyennant 3100 l. par an, mais en 1615 ils étaient débiteurs de 10850 l. envers le seigneur qui consentit à résilier : il les accusait d’avoir, par leur négligence, laisser tomber en ruines lesd. forge et fourneau ; eux invoquaient les inondations.

Favier revint alors à la tête de la forge et le 24 nov. 1615 les Pécon lui délivrent les outils : deux cuirs de grands soufflets, 2 bassetonets, 4 chesnevottes, ung grand crochet, 2 petits, 4 ringards, une faulge, 4 clouards, un estocard, etc. Il la conserva jusqu’en 1622 pour un prix de 2400 l. par an. Jean Clerc, maître affineur, lui succéda à cette époque pour le même prix ; son bail comprend aussi le pont proche du fourneau (9404).

Pour les 30 années qui suivent, la forge est affermée avec la seigneurie par des bourgeois du pays qui la font gérer par des hommes du métier. Plus tard nous trouvons des baux dis­tincts ; nous donnerons leur prix comme indication du degré d’activité de la forge :

1654 :  800 l. ;

1728 : 2000 l.

1759 : 3000 l. ;

1752 : 2000 l.

Celui qui la prit à cette époque, Alexandre Vezien du Cluzeau, seigneur de Montgarnault, s’y ruina. Le bilan qu’il présenta le 1er avril 1768 à ses créanciers et qui comportait un actif de 54484 l. et un passif de 58819 l., nous fournit des détails sur ses malheurs:

dans le cours de son bail, nous dit-il, il entreprit la four­niture des boulets de canon pour le port de Rochefort et en fournit pour 12000 l. dont il n’a été payé que six ans après. En janv. 1755 la bouche du fourneau fut emportée par les grandes eaux et comme il n’y avait que 10 jours que le fourneau était en feu, il n’avait pu fournir de fonte et l’on dut chômer 6 mois, d’où une perte de 6000 l.

Le 30 juin 1757 la bouche de la fonderie, du côté de la forge, creva par la force des eaux et par sa chute démolit la chaufferie et la halle de la forge ; on ne put travailler de 5 mois, ce retard, y compris l’indemnité payée aux meu­niers, causa un préjudice de 4000 l. En mai 1760 les grands bourbiers crevèrent, le fourneau étant en feu ; on dut le mettre bas ainsi que la forge, d’où six mois de chômage et perte de 8000 l. Enfin pendant la durée de sa ferme, les bourbiers étant mal placés, il dut mettre bas les four­neaux plus de dix fois, ce qui lui a occasionne 20000 l. de perte ; il invoque aussi les maladies et arrive à un chiffre de 48000 l. de pertes (M.N.).

Quand il cessa son exploitation, le seigneur de Mondon fit pro­céder à une visite par Pierre Dumême, seigneur de la Chapelle, ancien commis de la forge, Pierre Pichaud, marteleur, et Pierre Marzet, dit la Coulisse, maîtrecharpentier.

Au Petit-Mondon, on trouve 2030 pipes de mine, estimées 7105 l. ; 200 pipes de castine, 720 I. ; 1150 pipes de char­bon, 2012 I. 10 s. Les experts examinent ensuite les soufflets du fourneau, de la chaufferie, de l’affinerie ; l’arbre et la roue du fourneau ; les boires, chevalet, chevecie et bec de corbin ; la chambre des soufflets du fourneau ; la halle du fourneau ; celle des menus charbons ; le pont derrière celle-ci; L’affinerie d’en haut et celle d’en bas ; la noé et l’affi­nerie du marteau ; les fonderies ; la boutique du fondeur ; 9 chambres pour les ouvriers ; la chambre des journaliers celles des charpentiers ; celle du petit valet ; la boutique du maréchal, etc. (Communication de M. Valladeau).

Un registre de comptes de la forge pour 1770 montre que cette année on vendit à Mondon 132950 l. de fer pour 21424 l. Ce fer était acheté par les marchands des environs de Saint-Benoit, La Souterraine, Montmorillon et Poi­tiers; le fer marchand se vendait de 18 à 22 l. le quintal (9437).

Le 14 Juil. 1792 une inondation emporta la plus grande partie de la forge qui fut abandonnée pendant plusieurs années.

Les pouvoirs publics se préoccupèrent de son rétablisse­ment; les registres du district du Dorat contiennent à ce sujet une correspondance nombreuse. Une lettre écrite le 21 ventôse an II au Comité des travaux publics dit que depuis 3 ans le fer est tellement rare qu’on n’en trouve plus pour l’agriculture.

Un inventaire de la forge en 1820 montre qu’elle com­prend 3 feux d’affinerie, un équipage de soufflets à piston cylindriques percés pour 3 feux; la fonderie pourvue de son four, table, montants, roues, rouets et lanternes montés; un tennement de maisons pour les forgerons, la marechan­derie et la clouterie; une tuilerie; le haut fourneau avec sa roue et son équipage de soufflets cylindriques à piston, son grapoy, sa moulaire; ce fourneau faisant partie d’un grand corps de bâtiments contenant les magasins et au deuxième étage les chambres des ouvriers; l’étang dont la chaussée est percée de voûtes et ses huches pour conduire les eaux sur les roues; la halle du grand charbon; la maison du maître de forge formant 4 corps de bâtiments réunis en carré avec cour au milieu ; un bocard à eau avec ses pilons pour bocarder les laitiers, piler du ciment et couteaux à piler l’écorce; le grand pacage des landes des Renardières pour les mules de la forge depuis Jappeloup et la brande de Montlambert jusqu’à la rivière de la Tache et au chemin de Saint-Léger à Mailhac contenant 50 h.

Dans l’inventaire des objets qui garnissent la forge, nous relevons 2 modèles de rouets de pistons; 6 modèles de plaques de cheminées; 2 garnitures de modèles de poids; 7 modèles de fourneaux de cuisine; 8 patrons en cuivre de marmites et chaudières; 20 matrices de clous à cheval.

Les magasins contiennent: 566 l. de plaques de chemi­nées ou fourneaux potagers; 2597 l. de fers marchands; 13561 l. de fers fondus; 7365 l. de fers à fondre ; 630 l. de clous à cheval.

La statistique générale de le France pour 1852 fournit t. IV, p.104 des renseignements contradictoires sur Mondon; une première notice assigne aux matières premières employées une valeur de 52710 F et aux produits fabri qués, celle de 74200 F ; tandis qu’une seconde notice donne respectivement 62520 F et 100000 F ; l’une indique 25 ouvriers, l’autre 30, payés 1,50 F.

On y trouve 100 chevaux et mulets et 16 bœufs ; la forge comprend un fourneau, 2 forges, 1 four et 3 autres machi­nes. L’introduction des fers anglais porta un coup mortel à la forge et sa ruine fut consommée par une inondation qui, le 16 août 1868, par suite de la rupture de la digue, emporta les bâtiments.

Les quelques rares plaques de cheminées qu’on trouve encore dans le pays proviennent presque toutes de la forge de Mondon. L’une d’elle, conservée à Saint-Sulpice, porte un écusson surmonté d’une couronne fermée et soutenu par deux rameaux d’olivier avec au milieu de l’écusson, une sorte de médaillon renfermant un objet indéterminé, peut-être un buste. Au-dessus de la couronne on lit Forge de Mondon. On y a aussi fondu au XIXe siècle un buste d’Henri IV en demi bosse ; ces deux objets appartenaient au Docteur Mondelet.

 

Gouverneurs. — Jacques de Montbel. ,1515-1527 ; Maurice de Montbel, 1529 ; Jean de Montbel, 1529 ; Mathurin Pot, seigneur de Lavaupot, 1536-1547.

Sénéchaux. — Jean Regnaud, bach. ès-lois, 1529 ; Pierre Guillot, lic. 1547-1604 ; Jean Guillot, 1610 ; Jean-Joseph Butaud, seigneur du Peux, 1767 ; Antoine Alabonne de l’Enclave, 1774-1776 ; Jean Guillemet, 1776-1782.

Procureurs fiscaux. — Jean Petitpied, 1517 ; Pierre Guillot, 1529 ; Jean Collin, 1604 ; Mathurin Delaforest, 1622 ; Jean Guillemet, 1774-1776.

Greffiers. — Jean Delafont, 1574-1584 ; Philippe Mathieu, 1529 ; Jean de la Forest, 1611 ; Jean de la Forest, seigneur de Blot, 1665 ; Dubrac, 1762-1776 ; Matlhias Aufort, 1767 ; J.-B. Bernut, seigneur des Gouges, 1788.

Receveurs. — Léonard Silvain, 1498-1502 ; Antoine Mathé, 1517 ; Berthommier Mathé, 1522 ; Gervais Chavignat, 1525 ; Guichard de Chavignac, 1571.

Garde de Mondon Luc Deguercy, , 1781.

Maîtres de forge. — Philippe Favier, 1607-1610, 1615-1622 ; Michel Subtil, écuyer, seigneur du Sauvage, 1607-1610 ; Jean et Guillaume Pecon, seigneur du Sauvage, 1611-1615 ; Jean Clerc, 1622-1626 ; André Guillerot, 1633-1646 ; Philippe Guillerot, 1649-1654 ; Alexandre Pousset, 1703-1704 ; René Joubert dit Dubois, 1713 ; Silvain Delacoux, bailly d’Eguson, 1728 ; Jean Guignier, 1729 ; François Nivert, 1729-1740 ; Ch.-Alexandre Vézien,

seigneur de Montgarnaud et du Cluzeau, 1752-1767 ; Jean Boyer, 1769 ; Jacques Goursaud, 1772 ; Louis Sellier, administrateur du district, 1790.