Généralités : Impôt direct

La principale imposition sous l’ancien régime était la taille, impôt de répartition sur l’ensemble du revenu*.

* La taille avait pour accessoires : la capitation, les impositions militaires, les vingtièmes, etc.

Le contingent assigné à chaque paroisse était réparti entre les habitants par un certain nombre d’entre eux désignés à Arnac en 1602, sous le nom de parleurs, à Mailhac, en 1627, sous ceux d’asséeurs et taxeurs ; on les appelait plus généralement collecteurs. Ils étaient en outre tenus de percevoir l’impôt et de le verser au receveur des tailles ; leur chef était qualifié de syndic ou porte-bourse ; leur nombre variait suivant l’importance des paroisses : Arnac en avait 7, Les Chézeaux 4 ; Cromac 5 ; Jouac 4 ; Lussac 10 ; Mailhac 4 ; Saint-Martin 2 ; Saint-Sulpice 4.
Les collecteurs étaient primitivement élus par les habitants ; plus tard on créa des tableaux ou alphabets où les contribuables étaient répartis en plusieurs colonnes suivant l’importance de leurs impositions ; chaque année on prenait pour collecteurs les habitants qui figuraient en tête de chaque colonne.
La répartition de la taille qui devait être faite proportionnellement au revenu de chacun était fort arbitraire et donnait lieu à de graves abus dont on retrouve les échos dans les délibérations du temps.
En 1738 l’intendant Aubert de Tourny tenta de réglementer cette répartition en innovant le système de la taille tarifée, remplacée bientôt par la taille abonnée*. Ces systèmes furent en général mal accueillis dans la pro­vince** ; mais il n’en fut pas ainsi dans nos régions et une délibération d’habitants de Saint-hilaire en fait le plus grand éloge ; nous la transcrirons partiellement, car nous y trouverons expliqué le principe de la taille par abonnement.

* V. sur cette question l’ouvrage, très documenté, de M. Christian Paultre : La taille tarifée de l’abbé de Saint-Pierre et l’administration de la taille. — Paris, Arthur Rousseau, 1933.
** Cf. M Leroux, Inv. des arch. de la Haute-Vienne, série C, p. LXXXIII.

Le 7 février 1755, 24 habitants de cette paroisse réunis sur la place publique exposent :

«  Qu’après avoir longtemps gémi de l’injustice qu’il y a toujours eu dans les distribution des impositions, tant qu’elles ont été livrées au caprice des collecteurs, ils voient avec une satisfaction infinie que par le tarif que le Conseil a eu la bonté d’ordonner, les principaux abus se trouvent corrigés et que la répartition commence à approcher de cette égalité si nécessaire pour leur soulagement, ainsi que pour le bien du recouvrement, que même elle serait dans une perfection à ne laisser rien à désirer de plus si chacun d’entre eux s’était porté à accuser avec franchise la quantité, qualité et produit de ses fonds en propriété ou exploitation ; mais qu’ayant plusieurs particuliers qui ont fait des omissions ou déguisements considérables, par mauvaise loi ou ignorance, ils en profiteroient aux dépens des autres, s’il n’y étoit remédié.
» Pour à quoi parvenir, il ne leur paroit pas de meilleur et plus solide moyen que de demander à Mgr l’Intendant d’ordonner dans leur paroisse la même opération qu’il a déjà faite dans plusieurs autres avec un entier succès, laquelle consiste :
» Premièrement à faire un second arpentement, puisque le premier qui fut fait dans lad. paroisse, il y a quatorze ans, est imparfait à cause du décès de l’arpenteur, chargé de cette commission, arrivé avant l’opération finie dudit arpentement. C’est Pourquoi les habitants supplient Mgr de commettre tel arpenteur qu’il plaira à Sa Grandeur, habile et honnête homme, après serment par lui prêté, pour procéder à un mesurage parfait de tous les fonds de lad. paroisse, par pièces, sans en excepter aucune, avec les noms des propriétaires exploitant ; lequel arpenteur aura soin en même temps de prendre le nombre et la qualité des bestiaux étant ou ayant coutume d’être dans les domaines ou habitations pour y être engraissés et servir à l’exploitation.
» Secondement, à charger deux experts abonnateurs ayant les mêmes qualités que led. arpenteur, de repasser avec lui, après serment par lui prêté, sur tous les fonds mesurés, d’apprécier ensemble, en leur âme et conscience, sans acception de personne, le revenu net de chaque pièce, année commune, de porter à côté d’icelle l’appréciation des fonds de lad. paroisse et de faire la vérification de la quantité et qualité des bestiaux.
» Troisièmement, à dépouiller ce procès-verbal d’arpentage et d’estimation pour en composer un registre dans lequel tous les propriétaires seront rangés sur autant de feuilles, par ordre alphabétique, leurs noms propres et leurs fonds rassemblés au même article, d’après quoi sera fait au rôle des tailles la fixation, tant de leur cote personnelle, s’ils sont taillables, que de celles de leurs colons, métayers ou fermiers, à proportions de leurs exploitation et possession*».

*Minutier d’Arnac.

Bien avant, à Arnac, dont une partie se trouvait dans la généralité du Limousin, on avait compris l’avantage de soustraire la répartition au bon plaisir des collecteurs, et dès le 14 août 1744 les habitants décidaient de procéder à l’arpentage général de la paroisse ; cette délibération fut approuvée le 16 mars 1745 par l’intendant. En conséquence, le 22 suivant, Jacques Boussy, arpenteur au Dorat, chargé de ce travail, commença ses opérations qu’il termina le 22 juin ; le résultat forme un volumineux registre in-folio, véritable livre foncier, où chaque parcelle figure sous un numéro avec ses confrontations, sa nature, sa contenance, le nom du propriétaire et de l’exploitant ; en marge est indiqué le revenu déterminé par les experts abonnateurs ; quand la parcelle comprend une maison, on trouve à la suite le nombre de bestiaux qu’elle renferme.
Certains propriétaires trouvèrent ce système si avantageux qu’ils requirent l’arpenteur de consigner sur son registre quelques parcelles de leurs propriétés enclavées dans les paroisses voisines. Il arriva ainsi à un total de 3.839 parcelles.

La seconde opération consista à relever sur de grandes fiches, au nom des propriétaires, les parcelles dont l’état-civil était ainsi déterminé.
Ces fiches, grandes feuilles in-folio, étaient divisées en cinq colonnes :
– Dans la première colonne se trouvait le numéro du rapport ou état des fonds, renvoyant au livre de l’arpenteur
– La deuxième, la nature des fonds
– La troisième, leur étendue ;
– La quatrième, estimation de leur produit
– La cinquième, mutations et observations*.

*Volume, et fiches sont conservés à la mairie d’Antar.

Quand un propriétaire possédait des exploitations distinctes, il était dressé autant de fiches que de métairies.
En tête de la fiche on inscrivait, le nom du propriétaire, celui du fermier ou du métayer, le nombre de bestiaux et de ruches.
La cinquième colonne, en dehors des mutations, comporte de curieuses notes ; on y indique toutes les sources de revenu du contribuable : baux, rentes, fonds de commerce, offices, domaines en dehors de la paroisse ; pour ceux-ci, le contribuable doit fournir une évaluation. Puis, d’autre part, les charges qui, grèvent ces revenus, sont susceptibles d’être déduites : dettes, rentes, pensions, dont il fallait justifier par la production des titres constitutifs.
Le nombre d’enfants mineurs, les infirmités du contribuable y sont aussi mentionnés.
Au fur et à mesure des mutations, les parcelles étaient radiées avec une mention marginale indiquant à quel nouveau compte elles avaient été portées.
289 fiches avaient été créées à l’origine ; dans la suite, pour les nouveaux propriétaires, on intercalait dans les fiches classées par village, de nouvelles feuilles portant des numéros bis, ter, etc.
Ces fiches étaient encore consultées en l’an IX.
Ce système n’était en usage qu’à Arnac et dans une partie de la paroisse de Lussac, comprise dans l’élection de Limoges, et encore pour celle-ci nous ne savons s’il fut entièrement appliqué, car nous n’avons trouvé à Lussac que le terrier dressé en 1752*.

*Mairie de Lussac.

Dans les autres paroisses de notre canton nous n’avons rien rencontré sur ce sujet et il est à croire que jusqu’à la Révolution on continua les anciens errements.
Dans ce pays les charges qui incombaient aux collecteurs étaient encore aggravées par l’émigration. Les paveurs et les maçons qui tombaient à leur tour de collecte, étaient contraints, à peine de perdre leur campagne, de se faire remplacer à prix d’argent ; certains notaires, aux études peu chargées, avaient la spécialité de ces remplacements ; il en coûtait généralement de 30 à 75 l. par an.
Pour la désignation des collecteurs on n’avait pas égard non plus à leur instruction : en 1733 on avait nommé comme porte-bourse de Lussac, un laboureur complètement illettré ; aussi, pour faire sa recette, passait-il le 8 septembre un marché avec le notaire et sergent Filhoux : celui-ci s’engageait à le suivre dans toute la paroisse et à donner des quittances en son nom ; il se chargeait aussi de faire les poursuites ; le prix est fixé à 35 l. et il est convenu que les jours où Filhoux accompagnera le collecteur, il sera nourri à ses dépens suivant son état.
C’était une fonction peu enviée que celle du collecteur, placé entre le ressentiment de ses compatriotes, s’il les imposait immodérément et s’il les poursuivait, et les rigueurs du receveur des tailles si les impôts ne rentraient pas. Rien de plus frappant pour nous initier à leurs difficultés et désagréments qu’une liasse de quittancera délivrées par le receveur du Blanc aux collecteurs de Saint-Sulpice (1).
Le 17 avril 1773, les habitants n’ayant encore rien payé, le receveur des tailles donne l’ordre à Braud, garnisonnier**, de se transporter à Saint-Sulpice pour contraindre les collecteurs à payer le 9, mille livres.

*Papiers de la famille Dubrac, de Virevalais, dont nous devons la communication à M. Séjourné, qui trouvera ici nos remerciements.
** Agents qui s’établissaient chez les débiteurs de l’État pour les contraindre à payer ce qu’ils devaient par la crainte des frais et des ennuis que le logement du garnisaire ou garnisonnier pouvait entraîner.

Le 9, après 3 jours de garnison, les collecteurs ne peuvent verser que …………………204 l.
Le 7 mai, après 12 jours de garnison…………………………………………………….102 l.
Le 26 juin, versé………………………………………………………………………….120 l.
Le 21 septembre …………………………………………………………………………702 l.
Le 24 octobre, garnison, pour payer le 26……………………………………………..1.550 l
Le 29, ils versent seulement ……………………………………………………………..468 l.
Le 27 novembre, ordre de garnison, et 1er décembre ils versent ………………………..501 l.
Sur cette quittance, le receveur des tailles ajoute : « Il y a un mois passé que les collecteurs ne sont pas venus à la recette, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas venus depuis la dernière garnison, ce qui prouve combien ils négligent le recouvrement, aussi il est dans un retard extrême, il n’y a, quant à présent, qu’un quartier de payé sur le total des impositions ; nous sommes dans le temps où les redevables sont en état de payer, c’est pourquoi je confirme la garnison pour les contraindre ».
La mesure fut efficace, car nous les voyons adresser au receveur des tailles
– Le 6 décembre, 402 l.
– Le 16 décembre, 240 l.
– Le 23 décembre, 3oo l., après 3 jours de garnison, soit…………………………………942 l.
– Les 8 et 13 janvier 1774, le surplus de la taille est acquitté, avec 8 jours de garnison….761 l.
– Les impositions militaires sont payées le 13 janvier…………………………………….241 l.
– Le 7 février, après 6 jours de garnison ………………………………………………….720 l.
– Le 26 février, on les menace d’un ordre de garnison indéfini pour payer le restant des impositions de 1773
– Le 2 mars, après une garnison de 6 jours,  quittance de  ……………………………….501 l.
– Enfin le 26 mars, ils acquittent le surplus des impositions militaires…………………..190 l.
– Encore le 26 mars, ils versent à-compte sur la capitation ……………………………….69 l.
– Le 19 avril, ordre de garnison, ensuite duquel le receveur des tailles délivre, le 22, une quittance de 600 I. au dos de laquelle il ajoute : « Il est bien temps que les redevables finissent de payer leurs impositions de 1773, ce qu’ils de­vraient avoir déjà fait ; c’est pour les y contraindre que je continue la garnison »
– Le 26 avril , après 8 jours de garnison  …………………………………………………400 l.
– Le 2 mai, après 8 jours ………………………………………………………………….600 l.
– Le 10 juin,……………………………………………………………………………….660 l.
– Le 4 juillet ……………………………………………………………………………….231 l.
– Le même jour, sur le vingtième …………………………………………………………368 l.
– Le I2 juillet, après douze jours de garnison, ils acquittent le surplus …………………..493 l.
– le même jour, les 2 sols pour livre qui clôturent les impositions……………………….86 l. 5 s.
Le total de celles-ci était de        8.401 l. 14 s.

Ce fut la fin des tribulations de nos collecteurs qui avaient dû subir 86 jours de garnison ; le garnisonnier étant payé 3o s. par jour, les frais que ses visites occasionnaient étaient de 129 l.

Sous la constitution de l’an IV, le recouvrement des impositions était mis à l’adjudication par canton ; le 20 pluviôse an IV ce recouvrement est adjugé à Antoine Marcoul, moyennant 5 deniers par livre ; le 28 frimaire an IV, Bou­chalais est adjudicataire moyennant un sou par livre.
Il y avait en même temps un percepteur par commune : une délibération du canton de Lussac du 20 nivôse an IV considérant que le recouvrement de l’emprunt forcé importe au salut de la Patrie et « que l’ignorance des percepteurs des contributions directes est une raison légitime pour les dispenser de cette perception », arrête qu’il sera recouvré par des personnes désignées. Le 10 prairial an V, le Conseil du canton fait connaître à ces percepteurs qu’ils devront verser leurs fonds une fois par décade, sinon le receveur du district leur enverra un gendarme qui leur coûtera 5 fr. par jour. Cette année le contingent de la contribution foncière était de 23.248 fr. 63 pour le canton de Lussac.
En 1806, il y a cinq percepteurs à vie qui ont dans leurs attributions : I°. Arnac ; 2° Lussac, Verneuil et Saint-Martin; 3° Jouac et Cromac ; 4° Saint-Georges et Les Chézeaux ; 5° Saint-Sulpice et Mailhac.
En 1834, nous trouvons encore deux percepteurs : l’un à Saint-Sulpice, l’autre à Lussac.
La perception de Saint-Sulpice, qui comprend actuellement tout le canton, a un fort mouvement de fonds : ses recettes sont de 189.000 francs et ses dépenses de 212.000 francs.
Le percepteur est en même temps receveur municipal pour toutes les communes.

Le tableau ci-après prémunie la situation financière des communes en 1902 :

Situation financière des communes