La goutte Bernard

3 maisons.
Le voyageur qui descend de la Creuse vers les Chézeaux voit se dérouler devant lui un superbe panorama, coulée immense qui s’étend vers le Berry et d’où émergent, au milieu d’une mer de verdure, deux toits élevés couverts d’ardoise : l’un est le clocher des Chézeaux, l’autre le donjon de La Goutte-Bernard, exemplaire unique des petites forteresses qui jadis défen­daient la Terre-aux-Feuilles. Ce fief qui relevait de Brosse, valait 6o l. de rente en 1552.

Depuis le XVe siècle, époque où La Goutte-Bernard a été constituée en fief, jusqu’à nos jours, ce donjon ne s’est transmis que par héritage aux mains des familles qui l’ont possédé ; il resta pendant trois siècles et demi la propriété d’une famille Martin, originaire, semble-t-il, des Chézeaux, qui a fourni des personnages remarquables.

Saint-Allais, sans indiquer ses sources, la fait remonter à n. h. Pierre Martin, tué dans les guerres de 1429, époux d’lsabeau de Bressy ; Léonard Martin, le constructeur du château, serait son fils.
Mais, d’après les documents que nous avons trouvés, le fondateur de cette maison est Léonard Martin, licencié en droit, que l’on rencontre tout d’abord comme notaire en la cour de Brosse ; le 26 fév. 1449 il prend à bail la seigneurie de Jançay ; c’est aussi devant lui que, le 20 mars de cette année (v. s.), est passé le partage de la succession de Raoul Pot, seigneur de Piégut. Le 14 mars 1457 (v. s.), comme héritier de ses père et mère, Pierre Martin et Catherine Daousteau, il baille à rente à Jean Marsault, alias de Mailhat, une mai­son Jean Bonnet, située auprès du logis de la vicairie des Chézeaux (9403).
C’était déjà sans doute un personnage important dans sa province, car dès le début de son règne, Louis XI, qui “ estoit naturellement amy des gens de moyen estat ”(Commines), l’attacha à sa cause en lui accordant en octobre 1462 des lettres de noblesse “en considération de sa vie louable, de ses mœurs honnêtes, de sa fidélité et autres vertus ” (Arch. nat., JJ, 198, fol. 378, n. 415).
En 1463, nous le trouvons sénéchal de la vicomté de Brosse pour M. de Chauvigny.
Durant les troubles qui ensanglantèrent les années sui­vantes il continua ses services au roi qui le récompensa à nouveau en lui octroyant la permission de construire un château-fort à La Goutte-Bernard ; les lettres patentes étaient de 1472 ou 1474*.

*  M Le Grand, archiviste aux Archives nationales, n’a pu nous retrouver ces lettres dans les registres de la chancellerie. Leur date exacte ne nous est du reste pas connue.

Les maintenues de noblesse de 1634 mentionnent “ la permission concédée par le roy Louis onziesme de fortifier la maison de La Goutte-Bernard, en date de l’an 1484, signée par le roy, Tillart, et scellée du grand sceau de cire verte sur laye de soie verte et rouge. ” Un inventaire des titres de la noblesse des Martin de Puyvinaud analyse “  les lettres en forme de cachet données à Meaux au mois de juillet 1472 pour faire bastir la maison de La Goutte-Bernard avec toutes les fortifications nécessaires ”. L’abbé Dufour et Saint-Allais datent ces lettres de 1474.
La date de 1484 est manifestement inexacte, Louis XI étant décédé en 1483.
Il mourut vers 1494* ayant été marié deux fois à Cathe­rine Agenette et à Louise Augustin ; le suivant est du pre­mier lit.

*  L’abbé Dufour dit qu’il mourut en 1535 et qu’on voit encore sa tombe portant cette date et ses armes dans l’église des Chézeaux ; ou la lecture de cette date est inexacte ou cette tombe ne le concernait pas.

Pierre Martin, bachelier ès lois, seigneur de La Goutte-Bernard, mort en 1513, avait épousé en 1481 Jeanne Augustin, fille du seigneur de Badecon ; de ce mariage vinrent Jean, qui suit, et François, curé des Chézeaux.
Jean Martin, seigneur de La Goutte-Bernard, était en 1513 homme d’armes des ordonnances du roi sous la charge du seigneur d’Ars. En cette qualité, il prit part “ ès conquestes des villes et païs de Millan et delà les Mons, et depuis a esté continuellement ès armées des païs de Guienne et de Bour­gogne ”. Il avait épousé Catherine Faulcon, dame de Salles et de Chassenon en Angoumois.
Le 14 mai 1522, il délimitait avec Marguerite de Bridiers, veuve de Raoulin de la Celle, seigneur de Jançay, les bornes liti­gieuses de leurs seigneuries : le village du Puys, paroisse de Saint-Sulpice, reste au premier et la maison de la Corne de Cerf à la dame ; ils indiquent ensuite les confrontations de la seigneurie du Bois-Robin (9403).
A la même époque, il avait des difficultés avec Philippe Pot, trésorier de la Sainte-Chapelle, seigneur des Chézeaux, au sujet de sa garenne. Pot prétendait que possédant déjà et d’ancienneté une garenne dite de Saint-Vaury ou des Ché­zeaux, joignant la garenne que Martin avait fait établir, celui ci avait outrepassé ses droits ; à quoi Martin objectait que La Goutte-Bernard étant un lieu noble, il était fondé d’avoir garenne. Pour supprimer toutes difficultés à l’avenir Pot lui céda la sienne (9403).
Le 4 Fév. 1527 (v. s.), il conférait à Fiacre Regnaud, prêtre, la vicairie perpétuelle établie à l’autel de Saint-Pierre dans l’église de Chassenon dont le droit de présentation lui appartenait comme seigneur de Salles.
En 1532, il plaidait encore à Montmorillon avec les Pot qui lui contestaient son droit de tombeau dans l’église. il mourut entre 1540 et 1542, laissant Léonard, suit ; François, tige des seigneurs de Puyvinaud ; René, curé des Chézeaux, etc.
Léonard Martin, seigneur de La Goutte-Bernard, figure dans une “monstre et revueu faicte en armes à Anjac sur Charante en Poictou le 9e jour d’octobre l’an 1548 de la compagnie du duc de Montpensier ”. De ce document, il ressort qu’il avait servi pendant 3 mois et 15 jours comme archer à la grande paie à 10 l. par mois, puis, pendant le même temps, comme hommes d’armes à la petite paie à raison de 15 l. par mois*.

*  Arch. Hist. du Poitou, t. XXXI, p86

Il s’attacha au service du duc de Montpensier, son suze­rain, comme vicomte de Brosse, et des certificats nous le montrent faisant partie de sa compagnie en 1555, 1560, 1562, 1563.
En 1564, il obtenait du roi Charles IX des lettres à terrier pour La Goutte-Bernard, la plupart de ses rentes et cens n’étant plus payés “à cause des guerres, divisions, morta­lité, accidens de feu ès papiers terriers ”.
En mars 1568, se rendant au camp du duc de Montpensier, il fut atteint à Barrou en Touraine “d’ung rume qui luy seroit tombé sur le visage du cousté droict qui luy auroit causé une fièvre et il dut s’arrêter dans l’hôtel noble de Rigne : le 16 mars, alité depuis huit jours, il faisait cons­tater sa maladie par notaire en présence d’Etienne Godin, docteur en médecine à Argenton, Philippe Chanoyne, apo­thicaire au Blanc, Pierre de Loubbes, commandeur de Cham­béry, et Nicolas Cuisinier, receveur de Rigne.
Cette maladie obligea ce valeureux soldat à abandonner le service du duc, qui, en le quittant, reconnut par un cer­tificat élogieux, les continuels services qu’il avait rendus “aux deffunctz roys Françoys premier, Henry et Françoys deuxiesme et au roy monseigneur présentement régnant, en estatz et place d’archer et gendarme de notre compagnie depuis vingt neuf ans, sans en avoir jamais esté cassé, failly de se trouver aux camps, armées, sièges et garnisons où lad. compagnie a esté, ne faict acte en icelle qui soit autre que d’homme de bien et de vaillant, obéissant, bien advisé et expérimenté gentilhomme, pour toutes lesquelles vertuz il mérite tout faveur, honneur et gratification ”.
Malgré sa vie aventureuse, il avait trouvé le temps de fonder une famille en épousant, le 16 janv. 1555 (v. s.), Françoise de Chamborand, fille du seigneur de Droux. Il mourut en 1586, laissant Jean, qui suit ; Charles, seigneur de la Ménar­dière et de la Rochepot, époux de Silvaine Lamoureux, auteur de la branche de Marolles, encore existante en Berri, etc.
Jean Martin, seigneur de La Goutte-Bernard, fut attaché, dès son jeune âge, à la personne du duc de Montpensier, qui lui délivrait un passeport, le 28 mars 1575, pour aller de Paris en sa maison, “ luy quatriesme et quatre chevaulx, sans que pour raison des harquebuzes, pistolets et autres armes qu’il portera ou fera porter pour tuition et défense de sa personne, il lui soit faict aucun trouble ”.
Par lettres du 17 janvier 1579, le duc d’Alençon, frère du roi, défenseur de la liberté des Païs-Bas, le nomma capitaine de 200 hommes d’armes à pied français, sous la charge du seigneur de Neuville ; en cette qualité, il l’accompagna dans sa campagne de Flandres.
La même année, sans doute sur la recommandation du duc, le roi lui confia une mission auprès de la reine Elisa­beth d’Angleterre, pour laquelle il obtenait, le 17 juillet 1579, à Anvers, un passeport signé du prince d’Orange.
La valeur militaire de La Goutte-Bernard était apprécié de tous les capitaines catholiques ; la lettre suivante du duc de Montpensier montre en quelle estime celui-ci le tenait :

“ Monsieur de La Gouttebernard, je désire d’assembler, suyvant le commandement que j’ay du roy, ma compagnye pour son service et pour la rendre belle serai très ayse pouvoir estre assisté et accompagné d’un bon nombre de mes amys affin de pouvoir mieulx et plus aisément exécutter ce que Sa Majesté me voudra ordonner et commander. Et d’autant que je scay que m’avez tousjours porté bonne volonté et désiré le bien de mes affaires, ay bien voulu vous faire ce mot et prier vouloyr estre de la partie. Et, si ainsy est, vous tenir prest de monter à cheval quant il plaira à sad. Majesté de le m’ordonner, dont je vous tiendray adverty et croiez que si, en ung si bon œuvre, je reçois quelque bon office de vostre part, je n’en seray jamais ingrat, mais le recougnoistray où l’occasion s’en offrira en sorte que demeurerez content et satisfaict, ainsy que plus amplement vous pourrez entendre, si vostre commodité permet de parler au seigneur de La Garde-Giron*, auquel j’ay déclairé mon intention qui me gardera de m’estendre par ceste-cy plus avant, que pour prier Dieu vous donner, Monsieur de La Goutte Bernard, ce que plus désirez.
Votre entièrement bon amy,
A Champigny ce XIXe jour d’avril 1586.
François de Bourbon ”

*  Hardouin Martel, seigneur de la Garde-Giron, gentilhomme de la chambre du roi, chambellan du prince de Condé.

L’année suivante, les environs de Saint-Benoît furent mis à feu et à sang : le 11 déc. 1587, le maréchal de La Chatre écrit au roi  « que l’alarme est fort chaude du côté d’Argen­ton, les ennemis y ayant 1500 à 2000 hommes de pied qui courent à travers la campagne et ruinent tout. Lorges est à Saint-Benoît avec Saint-Germain-Beaupré et 300 chevaux ; ils attendent Charbonnières et Leborris* ».

*  Cf. Correspondance du maréchal de La Chastre, publiée par M. Beaudouin-Lalondre, dans le Bulletin de la Société historique du Cher, 1893-1895, p. 31. Les lettres ci-après ne s’y trouvent pas.

En prévision de visites fâcheuses, La Goutte-Bernard s’était fait délivrer le 12 décembre, par Lorges, déjà à Saint-Benoît, des lettres de sauvegarde pour ses propriétés.
En 1588, le roi le déchargea du service de ban et d’arrière ban, « considérant qu’il nous a, en l’armée par nous naguère conduite, faict service durant trois mois en équipage d’armes et de chevaux comme volontaire en la compagnie du marquis d’Allègre« .
Le 23 mai 1587, il avait épousé Françoise d’Aubusson, veuve de Jean-Marc du Pouget ; devenu veuf, il se maria en secondes noces, en 1603, à Lucresse de La Touche, veuve de Gabriel de Chamborand, dont il n’eut pas d’enfant. Du premier lit vinrent Louis et Annet qui suivent ; Anne, femme de Mathurin de Saint-Aignant, Seigneur de La Gastine et de Lizière, et Françoise, religieuse.
Louis Martin, seigneur de La Goutte-Bernard, avait été pourvu par Henri IV de la charge de gentilhomme ordinaire de la chambre. Le 19 oct. 1610, Henri d’Aiguillon, duc de Lor­raine et grand chambellan de France, le confirme dans cet office, tant pour les services rendus au feu roi que pour ceux qu’il rend actuellement.
Louis et son frère furent, comme leurs ancêtres, de vail­lants soldats ; le maréchal de La Chastre, gouverneur de Berri, prisait fort leur courage ; il les choisit tout particu­lièrement pour l’accompagner avec l’armée que, en qualité de lieutenant-général, il conduisait au pays de Juliers, leur écrivant:
Messieurs de La Costebernard, les sieurs de Fins et de Pernac* m’estant venus veoir, je les ay priéz de vous faire tenir ceste lettre pour vous donner advis que ma compagnie fera monstre dans peu de jours et pourceque ce ne sera qu’en robbe, mes compagnons n’employe­ront point leur argent à faire leurs équipages pour ce coup.

Je vous diray qu’au voyage de Julliers, il s’en trouve beaucoup plus qu’il ne m’en falloit et ay esté contraint d’en retrancher une quantité, j ‘ay désiré toutefois vous retenir et vous en advertir pour savoir si vous désirerez y estre continuéz et que vous, ou l’ung de vous, vienne quérir votre argent qui est prest à toucher entre les mains de mon trésorier.
Si vous n’y pouviez venir, vous envoyeriez quelqu’un de vostre part avec procuration pour recepvoir et donner vos acquitz. N’estant la pré­sente à aultre effect, je me recommande sur ce affectionnement à voz bonnes graces et prie Dieu de vous donner, Messieurs, en santé, bonne et longue vie.
Vostre affectionné amy, LACHASTRE.
De la Maisonfort, ce premier de mars 1612.
A Messieurs de la Costebernard, hommes d’armes de ma compagnie.

*  Claude de Vilaines ou Jacques de Gibau, seigneurs de Fins ; François de La Marche, seigneur de Parnac.

L’année suivante, il les mandait pareillement auprès de lui:

Messieurs, j’ay aujourd’huy reçeu une dépesche de la royne par laquelle S. M. m’ordonne de mettre ma compagnie sur pied et de la rendre preste à marcher ou elle sera commandée dans le vingt cinquiesme jour du présent mois. C’est pourquoy j’ay donné le rendez-vouz pour faire la monstre à Dun-le-Roy sur le bord de mon gouvernement de Berry, où je vous prie de vous rendre avec vos armes et chevaulx dans led. jour du 25 et n’oubliez pas la charrette ou les chevaulx de bagage Advertissez aussi ceulx qui sont de vos compagnons et environs de vous et de moureray, Messieurs, vostre affectionné et bon amy.
LACHASTRE.
De Nouan, le 4e jour de juin 1613.
A. Messieurs de la Goustebernar, hommes d’armes de ma compagnie.

Une lettre qu’il écrivait à son voisin, Gabriel Foucault, seigneur de Saint-Germain-Beaupré, sans doute après l’abjuration de celui-ci, car tout porte à croire que les La Goutte-Bernard ne furent pas protestants, nous édifiera sur son caractère fier :

Je suis bien marri de n’être céans quand vous me fîtes l’honneur de m’écrire. Je crois que vous verrez bientôt M. de Noue, qui, de vive voix, vous entretiendra du sujet que vous savez. Je me ressens fort du soin qu’avez donné à mes affaires. Il n’y a que cinq jours que nous sommes revenus de Poitiers ou madame de Fors et ta famille ont tant fait qu’ils nous ont sorti de cette maudite affaire. Je ne puis deviner qui c’est qui m’en veut et vous supplie, si vous en apprenez davantage, m’en faire part. Au pis aller, ils trouveront l’hôte au logis, fort résolu de faire ce qu’il faut qu’un homme de cœur et de bien fasse. Usez, Monsieur, de la puissance que vous avez sur moi*.

*  Abbé RATIER, Le Château de Saint-Germain-Beaupré, p. 98 ; lettre non datée mais postérieure à 1624, abjuration de Foucault.

Louis Martin, qui avait été reconnu noble le 26 mai 1634 par les élus du Blanc, avait épousé en premières noces, Silvie de Benoist par contrat du 20 août 1603 ; en secondes noces, il se maria à Louise Posson ; il fut inhumé le 22 février 1665 dans l’église des Chézeaux, à l’âge de quatre-vingt-deux ans.
Louis Martin, baron de La Goutte-Bernard, et de Neuvy-Saint-Sépulchre, son fils, décéda avant lui, sans laisser d’enfant de Charlotte du Mont.
Par testament du 12 avril 1664, son père légua ses biens à Louis, petit-fils d’Annet, seigneur de Chassenon et de la roche de Mouhet.
Louis Martin, seigneur de la Roche-de-Mouhet, puis de La Goutte-Bernard, fut officier au régiment d’Auvergne ; de son union contractée le 30 novembre 1662, avec Gabrielle de Saint-Aignan de La Gastine, vinrent : Louis, suit ; Joseph, seigneur  de l’Ajonc et de la Roche de Mouhet, qui eut postérité ; Pierre, seigneur du Peudemont, né le 30 août 1673, qui épousa le 30 juil. 1703, Marie Trébilhon, fille de l’huissier des Chézeaux. Il fut dans la suite lieutenant de gabelles, puis officier ; Louis décéda le 28 déc. 1679.
Louis Martin, seigneur de La Goutte-Bernard, né le 8 juil. 1669, fut inhumé dans sa chapelle de l’église le 8 mars 1707 après avoir épousé en 1702 Marie de La Celle ; d’où Jean et Silvine, née le 6 janv. 1703.
Jean Martin, seigneur de La Goutte-Bernard et de Bois-Robin (27 juil. 1706 † 7 fév. 1759) laissa de Renée de Larie épousée en 1726 : Jean-François, lieutenant au régiment de la reine ; Joseph, né le 27 fév. 1732, chanoine de Chartres ; Antoine, qui suit ; François-Joseph, garde du corps du roi ; Marie­-Silvie mariée à N. Crarmouzeau et Rose, née le 25 mars 1745, mariée à Goguyer de la Lande.
Le 12 juin 1755, il partageait avec ses co-héritiers la seigneurie de La Roche de Mouhet indivise avec la branche de Peu­demont.
Antoine Martin de La Goutte-Bernard, seigneur dudit lieu et de Bois-Robin (20 juil. 1736 † 26 nov. 1827), épousa par contrat du 22 mai 1759 Françoise Bigot du Puy de Sepmes ; ses enfants sont : François, garde du corps, émigré tué à Qui­beron ; Jean, qui suit ; Jacques-Charles (23 déc. 1760 † 1810) ; Silvie-Aimée et Marie-Anne, religieuses ; Marie-Anne-Mar­guerite (21 déc. 1767 † 9 déc. 1834), mariée en 1811 à Antoine de Fougières.
Antoine, Agé au moment de la Révolution, n’émigra pas ; dans une dénonciation faite au district du Dorat le 1er avril 1793 il est accusé d’avoir tenu des propos contre-révolutionnaires à un métayer ; « les scélérats qui sont à la Convention, lui aurait-il dit, et ces gueux de bourgeois seront bientôt anéantis ; ne soyez pas inquiet, ce n’est pas à vous à qui nous en voulons, les campagnes et les petites paroisses ne sentiront aucunement l’effet de notre fureur, mais je vous promets que, sous peu de temps, les villes et les gros bourgs seront réduits en cendres »  ; il lui annonça en outre que les armées avaient passé le Rhin en deux endroits différents.
A la suite de cette dénonciation, le district fit comparaître le 2 le métayer qui reconnut l’exactitude de ces propos ; en conséquence, ordre fut donné à la garde nationale du Dorat de se saisir de La Goutte-Bernard (L-549).
On trouve dans le registre révolutionnaire des Chézeaux le procès-verbal de son arrestation et aussi celui de son évasion, car, profitant d’un moment d’inattention de ses gardiens, il se sauva ; repris quelques jours après à Pouli­gny, district du Blanc, il fut incarcéré à Limoges avec sa femme, un de ses fils et sa fille qui avaient été arrêtés comme complices. Ils furent élargis dans la suite.
Jean Martin de La Goutte-Bernard baptisé à Mouhet le 13 août 1774, émigra  en 1791, et fit campagne à l’armée des Princes ; puis il entra en 1795 au service de l’Angle­terre et en 1796 s’embarqua pour les Iles-sous-le-Vent où il prit part à toutes les expéditions ; nommé capitaine au 8e régiment des Indes Orientales, il fut attaché comme adjoint au quartier-maître général. Il rentra en France en 1816. Pendant la durée de son séjour à l’étranger il aban­donna son nom et ne fut connu que sous celui de John Lagoutte ; en 1825 et 1829, il dut, pour prouver son identité, produire des actes de notoriété signés du contre-amiral du Castenet, du comte de Marans, maréchal de camp, et de nombreux émigrés qui certifièrent qu’il y avait identité entre Jean Martin de La Goutte-Bernard, « et l’individu qui, pendant plus de dix ans, a servi en qualité de capi­taine au 8e régiment des Indes Orientales de S. M. Britan­nique sous le nom de John la Goutte ». Il avait épousé à Port d’Espagne, île de la Trinité, Marie-Anne-Adélaïde Maillard, d’où Caroline 16 sept. 1807) et Charles (4 août 1812) ; ce dernier marié à Alix Le Bègue de Germigny, ne laissa que deux filles, dont Madame la comtesse de Kerni­non, qui, avec une rare obligeance, a bien voulu nous envoyer en communication ses papiers de famille, où nous avons puisé presque tout ce qui précède.

La terre de La Goutte-Bernard fut, dans les partages, attribuée à Mad. de Fougières, et elle est encore possédée par sa petite-fille, Mad. de La Tour du Breuil, née de Fou­gières.

Le château de La Goutte-Bernard, construit, avons-nous vu, vers 1475, reproduisait, dans son état primitif, le plan de celui de Rhodes, mais en plus petit : deux ailes inégales se rejoignant à angle droit, avec, au point de jonction. une grosse tour carrée, donjon renfermant l’escalier ; la plus grande des deux ailes était flanquée de deux tours rondes ; en 1848 la tour N.-E. a été démolie et remplacée par une autre de même forme à fenêtres ogivales et en 1856 on a élevé le bâtiment du sud qui est orné de deux tourelles en encorbellement (Cf. Manuscrits de l’abbé DUFOUR).
Le donjon, découronné, au moment de la Révolution, à hauteur des mâchicoulis, a été depuis exhaussé en briques. Au-dessus de sa porte, on voit un écusson rapporté à une date récente, qui renferme les armes des de Fougières écar­telées de leurs principales alliances ; il se blasonne parti de trois et coupé d’un au 1, à 3 pointes (de Fougières) ;au 2, une bande (de Menou) ; au 3, deux savattes ; au 4, une bande (de Bridiers) ; au 5, trois tours, 2 et 1 ; au 6, trois maillets, 2 et 1 (Martel) au 7, une croix potencée chargée de 7 coquilles ; au 8, trois merlettes ; sur le tout l’écu des de Fougières qui portaient d’or au chef de gueules emmanché de trois pièces.
L’ensemble des bâtiments de La Goutte-Bernard formait autrefois deux cours ; l’une était extérieure au château pro­prement dit ; on y accédait par deux portes en plein ceintre qui devaient donner sur des douves ; au-dessus de la grande se trouvait un écusson parti avec d’un côté la fasce ondée des Martin et de l’autre la croix des d’Aubusson ; elle remon­tait donc au XVIe siècle Reconstruite au siècle dernier elle montre l’écusson des de Fougières ; la petite porte a conservé la fasce des premiers seigneurs.
Le corps de logis formait avec d’autres murailles une seconde cour intérieure dans laquelle on entrait par une porte cintrée.
A l’Ouest se trouvait une petite chapelle qui renfermait des fresques.
Le plan que nous venons de tracer se retrouve dans l’aveu rendu le 23 janv. 1572 par Léonard Martin ; nous y rencontrons aussi la consistance de la seigneurie.

Le seigneur dit tenir du vicomte de Brosses le fief noble de La Goutte-Bernard  « composé d’un corps de logis à trois grosses tours avec machecoulis, bien percées et garnies de canon­nières, renfermé de haultes murailles et deux tours aux deux coings de la basse-court dud. chastel ; en laquelle basse-court y a une chapelle ; ung portal maschonné à l’entrée de la dite basse-court fait pour luy servir à ung pont-levis et des foussés autour de ses murailles par dehors plus ung colombier ; ung jardin devant le chastel garni de haultes murailles et garnie de quatre tours« . Il possède aussi la maison de la Chaume Bastetaud ; deux étangs de la Jalle­terye; le moulin bannier de Puyspithon avec droit de con­trainte sur les hommes de la seigneurie ; la grande dîme Bastetaud sur Virvalais, Cheugé, le Peu de la Boche et partie de La Valette ; moitié indivise des dîmes de Brelande et de la Botinotière ; dans tous ces villages chaque feu doit au seigneur une poule annuelle à cause de la dîme de rabbes ; il a de plus des rentes féodales et des vinades sur Fant, Les Servantières, Les Minardières, Les Grands Moulins, Ratenon, Le Genest, etc…