Lussac en 1792

En mai 1792, le bourg fut très mouvementé par la réorganisation de la garde nationale dont nous avons parlé plus haut.

Vers cette époque le numéraire était devenu fort rare et les nouvelles pièces de billon, épaisses et massives, étant d’un maniement incommode, il en résultait que l’échange des assignats était fort difficile à Lussac, ils perdaient au change de 8 à 10 %. Pour remédier à cet inconvénient, Pillaud, Rougier et Ducoudray, demandèrent l’autorisation de faire fabriquer des billets de confiance de 5, 10 et 20 s. à échanger contre des assignats de 5 l. jusqu’à concurrence de 3000 l. Cette autorisation fut accordée et ces billets circulèrent jusqu’au 18 janv. 1793, où un arrêté du département supprima toutes les caisses ainsi créées. Le 3 févr., la municipalité nommait 3 commissaires pour procéder à ce retrait.

L’Assemblée Nationale ayant déclaré la patrie en danger le 12 juil. 1792, la municipalité se déclare en permanence le 16 suivant, mobilise la garde nationale et place des sentinelles aux entrées du bourg avec ordre d’arrêter toute per­sonne non munie de passeport, ou d’une cocarde aux trois couleurs. Le 19, pour éviter “du dégout ” chez les gardes nationaux, il est arrêté que le service sera interrompu le jour, mais continuera de 8 heures du soir à 4 heures du matin.

Le même jour, on ouvre un registre pour l’inscription des volontaires. Trois seulement se présentent : Pierre Mathieu­-Ducoudray, Antoine Marcoul et François Rodier.

Vers la fin de l’année, les vivres devenant rares, ou décide de procéder à des visites domiciliaires pour établir les ressources ; le 25 oct., les commissaires déclarent qu’il n’y a dans la commune que 6000 b. quantité insuffisante pour la consommation. La municipalité interdit alors de vendre les grains à domicile ; ils doivent être portés au marché le mardi, sous peine de 100 l. d’amende.

Ces mesures ne sont pas suffisantes et bientôt courent des bruits sinistres : famine, accaparement par les bourgeois. Dans le district, ces bruits propagés par les contre-révolutionnaires, sont généraux. Bientôt l’émeute qui couvait éclate. Le 9 déc. au Dorat, le district est assiégé par la foule qui exige la taxe des grains. Sur un refus, des troubles graves éclatent et continuent les jours suivants, gagnant les environs. Le 14, les habitants de Magnac viennent se joindre à ceux du Dorat ; on sonne le tocsin, des coups de fusil sont tirés, la salle des séances est envahie, des menaces sont proférées. L’ordre ne fut rétabli que le lendemain par l’ar­rivée d’une troupe de 400 hommes (L. 546). Chassés du Dorat, les perturbateurs vont s’exercer ailleurs. Le 16 déc. les habitants de Lussac se présentent à la municipalité et, comme au Dorat, demandent la taxe des grains ; pareil refus leur ayant été opposé, ils décident de l’établir eux-mêmes. A cette fin, ils partagent la commune en 5 sections et procèdent au recensement des grains ; puis ils viennent sommer le maire de se joindre à eux ; celui-ci n’ayant pas la force armée à sa disposition, la garde nationale s’étant bien probablement réunie aux émeutiers, est contrainte de les laisser agir et se contente de demander des secours au Dorat ; ce secours arrive le lendemain sous la forme de 25 gendarmes accompagnant un détachement de la garde nationale de Bellac.

Le maire, fort de cet appui, enjoint alors au commandant de la garde de Lussac d’avoir à réunir sa troupe, mais il est impossible à celui-ci de trouver un homme et le maire doit pour se protéger, requérir 2 gendarmes et 2 volontaires.

L’arrivée de cette force ne calma pas les esprits et le 18 au matin la place était à nouveau garnie de manifestants. Quelques-uns disaient tout haut “ qu’ils voulaient jouer à la boule avec les têtes de plusieurs citoyens et notamment de Pillaud ” que la rumeur publique désignait comme principal accapareur de grains.

Enfin les meneurs pris de peur s’éclipsèrent et le soir à 6 heures, Brac, envoyé du district, déclare à la municipalité qu’il n’y a plus d’insurrection.

Lors de l’enquête qui suivit, il fut établi que les plus compromis étaient partis pour la Beauce et que Pierre Gallet, maçon, du village de Lavaud, qu’on représentait comme le chef des agitateurs s’était enfui à Paris (L. 549).