Olivette RENAUD

Coucou, c’est moi : Olivette ! Avec un tel prénom, impossible de me confondre avec quelqu’un d’autre ! Je viens soudain de rajeunir de quarante ans !
Comprenez-moi : c’est en 1959 que je suis entrée en classe de 6ème au collège de Saint-Sulpice-les-Feuilles ; petit bourg de mon Limousin natal, si isolé que, quatre ans plus tard, à l’école normale d’institutrices de Limoges, mes professeurs affirmaient ne pas connaître cet « endroit » ! Eh bien, c’était regrettable pour eux car la région de Saint Sulpice offre, pour qui aime renouer avec le naturel, les imprévus des paysages diversifiés et une nature encore brute…bien loin des ravages exercés par notre « civilisation » industrialisée à outrance.

Mais revenons à l’essentiel. Tout a commencé lors d’un après-midi de classe, à l’école des Grands-Chézeaux. Ce jour-là, notre maître, Monsieur Algayrés, nous avertissait qu’il avait une information importante à nous livrer : un collège allait être construit à Saint-Sulpice.

Le soir, en famille, j’avais évoqué cet évènement sans précédent et j’avais tellement insisté que ma mère était venue rencontrer notre bon maître afin de lui poser une question que je trouvais essentielle : « Serait-il possible, après la classe du C.M.2, de fréquenter ce collège ? »

Un an plus tard, c’était la rentrée au Cours Complémentaire de St .Sulpice (nous disions alors « on va au C.C. ») puisqu’il était ainsi désigné. Dés le premier jour, je me souviens avoir sympathisé avec Danielle Couturier et Suzanne Renut qui exercent aujourd’hui, comme moi, le métier d’enseignante. Je revois encore dans ma mémoire, des bâtiments d’une taille impressionnante pour une enfant de dix ans (et, pourtant, il y en avait bien moins qu’aujourd’hui !) et le stade de football tout proche autour duquel nous nous promenions durant les récréations.

Je n’ai pas oublié Monsieur Parent, le directeur (à l’époque nous n’employions pas encore le substantif « Principal » ) au regard malicieux et empreint de sollicitude et dont l’accent méridional nous ravissait. Trois ans plus tard, en classe de troisième, il nous enseignait les mathématiques et, nous ne devions jamais oublier, comme il le rappelait en plaisantant, de « chausser nos lunettes de géométrie ». Je n’oublie pas aujourd’hui qu’il nous aida, deux de mes camarades et moi, à préparer le concours d’entrée à l’école normale, en nous faisant faire des devoirs supplémentaires. Je me souviens aussi, avec beaucoup d’émotion, de Madeleine Roc, notre professeur de français et histoire-géographie, si altruiste et si consciencieuse ; de Raymond Marcilloux qui nous enseignait très efficacement les mathématiques (en 6ème, 5ème, 4ème,) et qui lançait parfois, s’adressant à Lionel, un de nos camarades qui envisageait d’être médecin plus tard : »To be or not to be, that is the question ! ».Je remercie Madeleine Roc de m’avoir souvent répété que, plus tard, je devrais être douée pour la philosophie, aussi je n’ai pas voulu la décevoir et ses prédictions se sont révélées exactes. Hélas, je suis désolée pour Monsieur Parent et Monsieur Marcilloux même s’ils ne sont en rien responsables de l’affaire, passé le niveau de la 3ème où j’obtenais encore de très bonnes notes en mathématiques, dès le niveau de la seconde d’enseignement général donc, je perdis mes lunettes de géométrie et eut quelques difficultés à maintenir ma moyenne dans ce domaine…ce qui ne m’empêcha pas d’obtenir un bac scientifique, le devoir de philo ayant bien « remonté » l’ensemble !

Je revois aussi par la pensée, Monsieur Martin qui nous enseignait avec beaucoup de rigueur et de dignité les sciences naturelles et la physique. Je ne lui en veux pas de m’avoir souvent faite coucher vers minuit et lever parfois vers six heures pour réviser car je me souviens encore aujourd’hui d’une grande partie de ses leçons. Je pense encore à Louisette Barricault qui, levant le bras et se hissant sur ses hauts talons dévoilait, malgré elle, grâce à ses élégantes minijupes de superbe genoux et …un peu plus… ce qui réjouissait les garçons de la classe.

Je n’oublierai pas de vous livrer quelques anecdotes amusantes : un jour que Madeleine Roc qui, en plus du français, devait enseigner les arts plastiques, un jour donc qu’elle nous montrait deux dessins que nous venions d’exécuter, les levant de chaque côté de son visage et qu’elle nous demandait ainsi notre avis : »Lequel préférez-vous ? », un de nos camarades, Roland, un garçon malicieux et qui adorait plaisanter, lui avait répondu « Celui du milieu, M’dame ! ». Il faut dire qu’elle était bien jolie et bien élégante même si nous étions quelques-unes à deviner parfois de la tristesse dans ses yeux. (Pardon, Mademoiselle Roc, mais vous étiez si gentille, surtout dans les moments difficiles que des larmes envahissent mes yeux lorsque je pense à vous et j’aimerais beaucoup vous revoir).

Autre anecdote : lorsqu’il fut nommé professeur au collège, Jean Verbois était très jeune, blond, aux yeux bleus, l’allure sportive : bref, un look qui plaisait bien aux filles !
Un jour, dans une classe de 5ème, je crois, il avait présenté une dictée intitulée « A travers bois » (Verbois) mais, personne n’avait réagi. Un après-midi, de grands « gaillards » issus des classes de 4ème ou 3ème avaient déplacé en la transportant à bout de bras, sa « quatre chevaux » en stationnement devant le collège, et il avait dû être bien surpris à la sortie des classes. Tout cela était fait dans un esprit amical, il était de bon ton alors de plaisanter avec nos profs que nous respections réellement malgré tout.

En juin 1963, je quittais le collège, ayant été  admise au concours d’entrée à l’école normale (aujourd’hui I.U.F.M ) puisque celui-ci avait lieu avant l’entrée en classe de seconde. Après quelques années, j’eus la surprise d’être nommée enseignante au bon vieux collège de Saint-Sulpice alors dirigé par Monsieur Moudelaud, principal dynamique et qui ne ménageait pas sa peine. Quatre ans plus tôt, au collège, élève un peu timide et surtout trop naïve, j’avais subi quelques moqueries de la part de mes camarades parfois jaloux de mes notes, parfois insatisfaits de leur vie personnelle sans doute et ayant envie de « se rattraper ».  Agée d’à peine dix neuf ans, je revenais…transformée en professeur et devais faire mes preuves ! « Oh, la, la ! les boules ! » comme disent les élèves. Je me souviens du premier jour de classe où j’étais muette de peur. Heureusement, à cette époque bénie, les élèves surtout les plus jeunes, en 6ème, avaient un très grand respect pour quiconque appartenait au corps enseignant et, lorsque je traversais la classe, le premier matin, ce fut le silence et puis je me suis présentée et j’ai fait la connaissance de mes premiers élèves. Puis, les années ont passé, certains parents m’ont dit que leurs enfants m’appréciaient (remarquez, entre nous, ceux dont les enfants ne m’appréciaient pas n’ont sans doute pas eu le courage de me le dire ou bien ils n’ont pas jugé nécessaire de le faire et merci à eux, cela m’a bien aidée !). Enseigner n’est pas une tâche toujours aisée même si elle est toujours passionnante et souvent valorisante. Aujourd’hui, après avoir dirigé une école pendant  vingt ans et avoir passé un examen pour assurer l’enseignement précoce des langues vivantes, je n’ai plus que quelques années d’enseignement à assurer avant la retraite mais j’espère bien à ce moment-là retourner en fac et surtout apprendre à lire à ceux qui n’ont pas eu la chance de le faire durant leur enfance…enseignement quand tu nous tiens !
Voilà… j’arrèterai là mon bavardage. Merci à tous ceux qui organisent ou financent cette fête anniversaire du collège et qui ont sans doute déjà permis à plusieurs anciens élèves ou enseignants de revivre quelques années de leur jeunesse et …même si notre « avenir ne s’appelle pas encore le passé » (pardon de paraphraser Aragon !) cela procure beaucoup  d’émotion mais…une douce émotion.