Le souterrain de Lavaupot

Voici le premier souterrain que j’aie vu dans nos environs ; c’est à la fois un des plus grands et des plus intéressants ; n’en connaissant pas d’autres et ignorant complètement l’existence de ce genre de monuments, son inspection m’étonna beaucoup lors de sa découverte, qui eut lieu en 1836, de la façon qui est la plus ordinaire. Dans un petit pacage, sur le flanc d’un coteau, une vache entre une jambe dans le sol, qui s’enfonce sous son pied ; l’ouverture sondée fait reconnaître une cavité ; pour élargir l’entrée, on extrait par blocs le granite qui forme le sol ; l’ouvrier et l’un des deux frères Puyferrat, qui présidaient au travail, disparaissent tout à coup, s’enfonçant dans le sol qui manque sous eux ; l’autre frère, terrifié, s’approche du trou et parle à son frère, qui répond avec l’ouvrier qu’ils n’ont aucun mal, et tous les deux remontent sur le tas de sable mouvant qui les avait reçus dans leur chute, et sortent du trou. Une descente est faite avec une échelle et une lumière, et on reconnaît une sorte de cave taillée dans le granite, dont la voûte s’était perforée dans un seul endroit par le détachement successif des grains de la roche, plus tendre en ce point : le souterrain fut vidé du sable qu’il contenait en quantité ; sur le sol on trouva beaucoup de morceaux de charbon, des fragments informes de fer oxydé, une petite meule de granite posant horizontalement sur une autre pierre creusée d’1 cm pour la recevoir ; la meule avait 36 cm de diamètre sur 8 cm d’épaisseur ; le dessous, un peu moins épais , avait moyennement de 46 à 48 cm, parce que la circonférence en était irrégulière et brute. On trouva aussi plusieurs os de gigot de mouton ; la voûte était noircie par la fumée.
Le souterrain, creusé sous une épaisseur d’un 1,50 m de granite, a pour plan une sorte de rectangle arrondi par un bout, de 7 m de long sur 2,30 m de large, et 1,75 m de hauteur, taillé en voûte en berceau , non pas vrai plein cintre, mais resserré, comme cela a lieu dans tout ce genre d’ouvrage, c’est-à-dire qu’il n’y a point de pied-droit, mais que depuis le sol la courbe commence, comme pour une voûte ogivale qui, au lieu de se terminer en pointe, s’arrondit par une courbure d’un moindre diamètre. L’ouverture faite dans la voûte éclaire parfaitement le souterrain, dont une extrémité A est en courbe assez unie ; l’autre se termine par deux couloirs 0 P, qui vont en s’abaissant et sont obstrués de sable, de sorte que l’on ne peut pénétrer qu’à 2 m dans le passage P Q, et à 3,50 m dans l’autre 0 B. A gauche de cette même extrémité est une petite porte N, qui donne accès dans un puits carré M, dans les parois duquel sont creusées de petites cavités propres à recevoir les pieds pour en faciliter la montée et la descente. Ce puits doit être une des entrées du souterrain, qui, du même côté, à 1 m de l’autre extrémité, offre, à 1 m au-dessus du sol, une petite ouverture D, parfaitement semblable à une gueule de four, de 50 cm de large sur un peu moins de hauteur, laquelle est l’entrée d’un couloir de mêmes dimensions, où peut à peine passer un homme mince, étendu et allongé. Après un parcours de 4 m dans la même direction, et sur le même plan, ce couloir tourne à droite en E ; et après un trajet de 2,50 m dans cette nouvelle direction, le plancher descend tout à coup en F, par une pente de 60 cm, à 1 m plus bas en G, tandis que le plafond se maintient à la même hauteur ; mais là, en G, nouvelle difficulté : la largeur diminue, et on ne peut plus passer que de profil ; mais comme on ne peut être entièrement debout et que l’étroitesse empêche de ployer les genoux en avant dans la position qu’on peut prendre, on est forcé de porter les jambes comme un pantin, c’est-à-dire les cuisses et les jambes demi-fléchies, écartées et tournées en dehors, position extrêmement fatigante ; à quelques pas, le passage est obstrué dans toute sa largeur par un bloc de pierre H détaché du plafond, et par-dessus lequel on n’enjambe qu’avec peine. Après 3 m de voyage de cette sorte, on tourne encore à droite en I, toujours dans la même position, et au bout de 4m de longueur, on voit, à droite de l’extrémité du couloir, une ouverture K L, en cintre, large et haute de 60 cm, hauteur du passage. Arrivé à cet endroit, la fatigue des jambes et la douleur des articulations m’empêchèrent de pousser plus loin mes recherches, que je me décidai à ajourner à une autre inspection que je comptais faire prochainement ; malheureusement, les propriétaires, qui avaient beaucoup craint pour moi dans ce voyage souterrain, et qui voulaient s’opposer à un second, s’empressèrent de faire combler les deux entrées du souterrain, et lorsque j’allai pour recommencer, je ne trouvai plus qu’un champ fraîchement labouré où on ne reconnaissait plus aucun indice de notre intéressant monument. On eût cru que nous étions à Rome, et qu’une vestale venait d’y être enterrée toute vive.
Depuis, le coteau a été changé en jardin d’agrément, et le sol s’étant affaissé à l’endroit de l’entrée, je l’ai encore reconnue, et, dans la prévision de nouveaux remblais, j’en ai fixé la position. Suivez la direction du pignon nord-est de la maison de M. Puyferrat ; à 18 m de la maison, faites un angle droit vers le nord-est, suivez 6 m et vous serez sur cette entrée ; ou bien, si le chêne assez gros qui est seul un peu plus bas sur le bord du chemin existe encore, à 10 m de lui, dans la direction du coin de la grange qui est au haut du coteau, vous tomberez sur le même endroit. Dans le jardin de plaisance qui occupe le coteau qui est au-dessus du chemin de Lavaupot à Saint-Sulpice, derrière la maison de MM. Puyferrat.

Le souterrain de Lavaupot

Le souterrain de Lavaupot