Le 75 de Sainte-Claire Deville
Aux essais effectués à Bourges et à Calais, le 75 C (C = « Court ») montre une énorme supériorité dans la cadence de tir mais le frein présente des pertes d’huile inacceptables. Alors que le Lieutenant Colonel Deport fait valoir ses droits à la retraite, il est immédiatement remplacé par le Capitaine Sainte-Claire Deville chargé de l’étude du 75 C, avec, comme adjoint Le Capitaine Rimailho.
Après les résultats médiocres des tirs de Calais, Sainte-Claire Deville fait démonter les freins. Il constate que les joints sont détériorés, l’huile et le gaz, mal séparés par le piston libre, se sont mélangés.
Au début de 1895, le piston libre est amélioré : un ressort bandé entre les tampons qu’il enserre entre deux coupelles d’argent (des études antérieures ont montré à Sainte Claire Deville que l’argent évite le phénomène du grippage) maintient la graisse des tampons ainsi comprimée à une pression supérieure à celle du gaz et du l’huile.
Cependant les essais à Bourges de ce canon, dit CI, montrent que des fuites quoique moins importantes, subsistent encore. Alors, Sainte Claire Deville change complètement l’organisation du frein. Il remplace les cylindres coaxiaux du frein Deport par deux cylindres placés côte à côte et contenant, l’un l’huile et le piston relié à la masse reculante, l’autre le piston libre (ou diaphragme) et le récupérateur. Le matériel correspondant, le 75 C2, est mis en construction en février 1896 et est bientôt soumis aux essais. En 1897, ceux-ci, avec le frein hydropneumatique (inventé par Deport, Sainte Claire Deville et Rimailho) sont convaincants : 10 000 coups tirés sans incident à la cadence possible de 20 coups par minute. Le matériel est adopté sous le nom de 75 modèle 1897. Sa peinture sera gris bleu (au lieu du vert olive habituel) pour réduire la température des caissons exposés au soleil, précaution utile pour la conservation des poudres B.
La loi de mise en fabrication fut votée le 17 février 1898 (elle avait toutefois commencée le 11 décembre 1897).
En 1900, des projets d’obusiers lourds, dont le 120 C du Capitaine Rimailho, sont retenus avec une portée de 5 500 m et une Vo (vitesse initiale) de 100 à 300 m/s. Mais en 1905 on décide d’arrêter les expériences sur cet obusier.
Le Capitaine poursuivra ses recherches qui aboutiront à la naissance du 155 à tir rapide.
Le 155 à tir rapide de Rimailho
Il existe néanmoins le projet de matériel de 155 court, proposé en 1898 par Le Capitaine Rimailho comme matériel d’artillerie lourde d’armée. Il profite de tous les perfectionnements du 75 : bêche de crosse, frein à longue course, coulissement sur l’essieu. Sa munition comporte obus et douille séparés. Par raison d’économie son tube est celui du 155 C modèle 81 de Bange (obus de 43 kg, portée de 6 000 m). Le tir sous grand angle posant un problème d’espace au-dessus du sol pour le recul, un dispositif permet de faire varier le freinage avec l’inclinaison du tube : le recul de 1,40 m à l’horizontale, est de 0,90 m sous 60°. Les tourillons sont placés près de la culasse, ce qui amène à compenser le porte à faux par un équilibreur. La culasse s’ouvre pendant le recul et se verrouille en bandant un ressort, déverrouillé, elle revient en avant en refoulant le projectile et sa douille. Pour la route le canon est décomposé en deux fardeaux, les voitures chargées pesant chacune 2 000 kg. Le 155 Rimailho est au point en Novembre 1904 et le Président du Comité propose qu’il soit adopté sous le nom de 155 C Modèle 1904 TR (Tir Rapide). Le ministre approuve en juin 1906.
En 1914 seul le canon de 155 Rimailho CTR (modèle 1904) qui était transporté sur deux voitures (affût et pièces) se mettait en batterie en plein champ et avait une précision supérieure aux précédents. Dès que les fantassins de l’armée française entendaient le tir du 155 Rimailho pendant la 1ère guerre mondiale, ils se considéraient comme protégés par celui-ci. On comptait 50 000 obus de 155 par jour contre 230 000 obus de 75 par 24 heures. L’infanterie recevait une moyenne de 7 000 000 de cartouches par jour. La fabrication du matériel pendant la grande guerre se répartit comme suit : 2 067 canons de 75 fabriqués par trimestre, 6 272 pièces lourdes par trimestre, 49 000 tonnes de matières asphyxiantes et 3 500 engins blindés pour l’artillerie d’assaut.