A part les bénéfices donnés par l’émigration, les ressources du canton sont essentiellement agricoles et la majeure partie de la fortune publique est immobilière : les rentes sur l’Etat, les valeurs de bourse sont peu employées comme placements ; les prêts hypothécaires sont au contraire nombreux ; chaque année une somme moyenne de 171.000 fr. est, de ce chef, soumise à l’impôt et comme la durée des prêts est, en général, de 5 ans, on peut admettre qu’il y a dans le canton une somme totale de 855.000 fr. placée sur hypothèque. Le chiffre très important des sommes placées sur simples billets échappe à toute statistique.
La valeur des immeubles varie dans de grandes limites, tandis que certaines bruyères et châtaigneraies se vendent 4 à 500 fr. l’hectare, des prés atteignent 5 et 6.000 fr. Mais la valeur moyenne des terres labourables est comprise entre 900 et 1.100 fr.
En adoptant la moyenne de 1.000 fr. on obtient pour le canton une valeur totale de 23 millions ; si à ce chiffre (on ajoute la valeur des immeubles bâtis, à raison de 2.000 fr. par chacune des maisons, plus la valeur des cheptels morts et vifs, on obtient pour la richesse immobilière du canton un chiffre total de 33 millions ; d’autre part des calculs établis sur les valeurs de diverses natures comprises dans les donations et les liquidations nous ont conduits à considérer que les valeurs mobilières étaient aux valeurs immobilières comme 4 est à 11 ; ce qui donnerait pour les valeurs mobilières une somme de 19 millions ; la richesse totale du canton serait donc d’environ 52 millions.
Ce chiffre est confirmé par le calcul de l’annuité successorale, qui, d’après les valeurs comprises dans les donation et successions, au cours des cinq dernières années, est. de 914.955 francs ; en multipliant ce chiffre par le coefficient de survie généralement admis pour la France, 35, mais qui, pour un canton rural, est bien supérieur, on obtient un chiffre de 32 millions, qui est loin de représenter la valeur vénale ; car on sait que les droits de mutation à titre gratuit se perçoivent sur un capital fictif obtenu en multipliant par 20 ou 25 le revenu brut ; en tenant compte du rapport à peu près constant qui existe entre ce produit et la valeur vénale et de la proportion entre les meubles et les immeubles indiquée ci-dessus, on trouve que l’annuité successorale doit être portée à 1.450.000 fr., chiffre qui, multiplié par le coefficient, donne un produit de 50 millions, somme qui se rapproche de celle établie plus haut.
Ces richesses donnent lieu à de nombreuses transactions qui font que les études de notaire du canton figurent parmi les meilleures de la région ; les actes sous signatures privées sont du reste fort rares. Ils représentent environ 5,94 % du nombre d’actes et si l’on défalque les pouvoirs, les baux, ce chiffre tombe au-dessus de l’unité.
Il y a annuellement 211 ventes représentant un capital de 420.000 fr., sans compter les licitations qui, pour les parts licitées, atteignent 104.000 fr.
Suivant leur importance, ces ventes se répartissent de la façon suivante :
Nombre des ventes de 500 fr. et au-dessous.. 46,32 %
. de 501 fr. à 1.000 fr. 22,13 %
. de 1.001 à 5.000 23,92 %
. de 5.001 à 10.000 5,34 %
. de 10.001 à 20.000 2,04 %
. de 20.001 à 50.000 »
. de 50.001 à 100.000 0,25 %
Ces chiffres se rapprochent très sensiblement des résultats donnés par M. Salefranque dans Les Mutations immobilières à titre onéreux en France, d’après l’enquête faite pour l’année 1894 par l’administration de l’Enregistrement, on y voit, en effet, que les ventes de la première catégorie représentent 49,64 % ; celles de la deuxième, 17,25 ; celles de la troisième, 23,84.
En commentant ces résultats, l’éminent économiste souhaitait une nouvelle enquête sur la distribution de la propriété et ajoutait qu’ « un renseignement essentiel pour étudier la mobilité de la propriété pourrait être très utilement ajouté aux indications que devrait fournir la nouvelle enquête, l’intervalle qui s’écoule entre les mutations d’un même immeuble. Sans doute, c’est, là une recherche difficile et même délicate, mais elle pourrait être réalisée par épreuves* »
*Volume du Congrès international de la propriété foncière, p. 237.
Il nous a paru curieux de compléter cette étude en répondant au vœu de M. Salefranque ; à cette fin nous avons dépouillé les ventes comprises dans la période 1900-1902 et nous avons classé année par année les mutations ; puis pour rendre plus tangibles les résultats, nous les avons groupés par périodes quinquennales.
La première période est la plus importante ; elle atteint, en effet, 37,86 % ; seule, la première année donne 18,08. Ce chiffre élevé s’explique par ce fait que les nouveaux possesseurs à titre gratuit sont souvent obligés, soit pour acquitter le passif transmis en même temps par leurs auteurs, soit pour payer les droits de mutation, d’aliéner une partie des immeubles recueillis ; dès la deuxième année, cette proportion diminue et tombe à 6,02 %.
A l’expiration de la neuvième année, la moitié des immeubles est vendue ; la moyenne de la durée de la possession est de dix-sept ans ; le maximum relevé dans nos recherches est de soixante ans sans mutation.
Mutations survenues au bout d’une période comprise
de 1 à 5 ans 37,86 %
de 6 à 10 17,15 %
de 11 à 15 9,52 %
de 16 à 20 10,97 %
de 21 à 25 10,97 %
de 26 à 30 5,50 %
de 31 à 35 3,55 %
de 36 à 40 2,01 %
de 41 à 45 1,08 %
de 46 à 50 1,08 %
de 51 à 55 »
de 56 à 6o 0,31 %
L’influence de la coutume du Poitou, qui régissait notre contrée, se retrouve dans le système de la démission des biens : les parents pour prévenir des difficultés après leur mort, abandonnent leurs biens de leur vivant ; tantôt le partage des biens s’effectue ensuite, tantôt un des enfants acquiert la part de ses co-donataires ; ce procédé, qui permet d’attribuer à l’aîné la propriété paternelle, ne se présente qu’une fois contre deux.
C’est aussi une conséquence de la même coutume qui fait que le régime de la communauté d’acquêts est exclusivement adopté ; les autres régimes, dotaux ou séparation de biens, ne sont que des accidents.
Sous l’ancien régime, la plupart des contrats portaient un régime à peu près analogue : communauté pour les immeubles acquêts et pour tous les meubles.
Pour les contrats des ruraux, on ajoutait soit la clause de société qui admettait les futurs dans l’exploitation du domaine, soit une simple clause de cohabitation « à même pot et feu ». Ces clauses, qui avaient pour but de retenir les enfants au foyer paternel, tendent à disparaître.
– En 1811, sur 38 contrats nous trouvons 2 dotaux et 36 acquêts, dont 14 avec société et 6 avec cohabitation.
– En 1830, sur 74 contrats tous acquêts, 11 ont une société, 10, cohabitation ;
– En 186o, sur 67 contrats nous trouvons une communauté légale et 65 acquêts, dont 4 avec société et 24 avec cohabitation.
– En 1900, sur 27 contrats tous acquêts, il n’y a plus que 2 cohabitations.
Beaucoup d’unions, quelle que soit la fortune des futurs, sont précédées d’un contrat : à Saint-Sulpice, les proportions relevées sur les registres de l’état-civil sont les suivantes :
De 1881 à 1890, sur 100 mariages, 78 avec contrat.
De 1891 à 1900, sur 100 mariages, 59 avec contrat*.
*En France sur 270.000 mariages, il n’y a que 30.000 contrats, soit 33 %.
Le retour conventionnel est assez rarement inséré, par contre la clause de reprise par la future de son apport franc et quitte se trouve dans tous les contrats ; elle est employée fort anciennement.
Dans les cantons de la Haute-Vienne qui nous environnent, il est souvent stipulé que, pour assurer la conservation de la dot de la future, les sommes données seront touchées par les père et mère du futur, cette clause est exceptionnelle à Saint-Sulpice et ne se rencontre que très rarement.
On déclare annuellement sur 100 décès 63 successions ; la différence, 37, ne représente pas les indigents, car beaucoup de décédés ont, comme nous l’avons dit, abandonné leurs biens durant leur vie.
Les successions se répartissent ainsi :
Successions au-dessous de 2.000 58,62 %
. de 2.000 à 10.000 30,97 %
. de 10.000 à 50.000 8,54 %
. au-dessus de 50.000 1,87 %