En dehors des nombreux moulins « à pied » ou « à sault », qui encombraient le cours des ruisseaux, l’industrie était fort peu développée.
On trouve des moulins à drap
– aux Grands-Moulins (1410)
– à Montbrugnaud (1454),
– à Lavaupot (1528),
– au Paulmet (1543-1636),
– au Moulin-Auparaire (1543-1636),
– à Reculais, avant 1584,
– à Chabranne (1672),
– à La Tâche (1671-1742),
– à Saint-Martin (1642-1791),
– à Lubignac (1734);
– à Jouac (174o-1791),
– au Pré-Martin (1731),
– au Moulin-Mathé (179r),
– au Plan (1791).
Un moulin à scier le bois est signalé à Reculais (1584),
Une tannerie à Lussac (1523),
Un moulin à tan à Lussac (1544),
Une teinturerie à Chabranne en 1672.
La forge de Mondon, les verreries de Bouery (1691-1708) et de Puylaurent (1711-1721), dont nous parlerons plus loin, furent les établissements industriels les plus importants.
D’autres forges, sans doute romaines, ont encore laissé des traces : entre le bourg de Saint-Georges et le bois Pachot, au lieu dit La Prugne, a dû exister une importante forge à bras ; en effet, dans cet endroit on constate l’existence d’un énorme amas de scories, traversé actuellement par une source qui est très ferrugineuse. Sur le chemin de Lavaupot à Saint-Georges, et à peu de distance de la maison d’école, on retrouve des tas de scories et des débris de construction ; on nous a encore signalé des scories à Boubraud et à Peuchaud.
Des tuileries ont existé :
– à La Salesse en 1627
– au Chiron en 1697-1699
– aux Gorces de Puichaffray en 1725
– à Puilaurent en 1732
– aux Forestilles, 1764-1789
– aux Bogres près Fressange, XVIII siècle
– En 184o, une tuilerie fut établie à la Croix du Dognon, sur le chemin de Saint-Georges, mais elle n’eut qu’une existence éphémère.
Des potiers de terre sont signalés à Saint-Martin en 1756-1758.
Au village d’Oreix on trouve de 1669 à 1739 toute une colonie de rodiers, arsonniers, pelliers, paloniers, chapoteurs, autant de mots qui ne désignent qu’une seule industrie, celle du charron.
Actuellement, il y a en activité 16 moulins, un four à chaux, une tuilerie, une fonderie de fonte, une usine à acétylène et une fabrique de drap établie en 1824.
Au point de vue commercial, le canton ne fait que vendre ses produits agricoles ; il ne s’y fait aucun négoce véritable, si ce n’est un commerce de détail nécessaire à la vie journalière ; celui-ci, surtout en ce qui concerne les vins, est assez florissant, car, dit le proverbe allemand, lorsque le paysan a de l’argent tout le monde en a*. La moyenne des protêts est de 65 par an pour tout le canton.
Hat der Bauer Geld; Hal’s die ganze Welt ; Sully lui aussi a dit : « Dans le pays où fleurit l’agriculture, tout fleurit ».
Placé sur une route royale, notre pays était visité par de nombreux marchands étrangers : nous avons relevé la présence aux Chézeaux, en 1651, d’un marchand du Dauphiné ; les marchands d’Auvergne sont légion ; l’un d’eux étant décédé en 1762, le notaire d’Arnac fit l’inventaire de sa balle qui contenait 4 aunes de gros droguet de village ; 1 aune 1/2 de molleton ; 5 aunes de toile fine blanchie ; 5 mouchoirs ; 8 bonnets ; 10 paires de ciseaux ; 5 aunes de ribault de trois couleurs ; un quarteron de fil ; quelques fillettes de fil de soie ; 5 douzaines de lacets ; des bagues et une croix, le tout en argent pesant 2 onces ; 15 aunes de galon large dit grellende rouge ; 8 aunes de grosse dentelle ; 10 aunes de galon rouge et blanc ; un quart d’once de fil de chameau ; une paire de guêtres de toile de lin ; 6 peignes de buis ; 6 chapelets ; 6 bagues de laiton et 1 once 1/2 de coton pour faire de la chandelle ; le tout estimé 31 1.
Quelques documents nous ont donné les prix des objets d’habillement, de consommation, des marchés ; mieux que les plus longues dissertations ces simples chiffres nous diront ce qu’était la vie de jadis.
Dans un mémoire de fournitures faites en 1594-1595 au seigneur de Lavaupot, nous relevons :
– 3 aunes 1/4 de futayne d’Angleterre double pour faire une paire de chausse → 9 1. 15 s.
– 1 aune de toile de Hollande écrue pour faire un pourpoint → 4 l. 17 s. 6 d.
– 2 aunes de bouquesin blanc → 48 s.
– 3 aunes de trillis noir pour faire un pourpoint et des triquouses* → 4 1. 17 s. 6 d.
– 3 douzaines de boutons noirs de Tours → 15 s.
– 4o aunes de passement tané luisant fin de Tours à 4o s. l’aune
– 1 chaperon de velours noir façon de Paris, avec sa boîte → 18 1.
– 12 aunes 1/2 de passement noir velouté de Tours, pour sa femme, pour mettre sur une robe, à 5 s. l’aune**.
* « Triquehouse » (Prononcez Tricouse) : C’est une chaussure qu’on met par dessus les bas pour les garantir de la crotte et de la pluie ; une espèce de guêtres ou gamaches faites de grosse toile; dont se servent les gens de campagne. On le dit aussi des grands bas qu’on met dans les bottes et des chausses de drap sans semelles. Dict. de Trévoux.
** Archives du château de Beaujeu
En 1719, une paire de sabots coûte 3 s. 2 d.
En 1738, une chemise d’homme coûte → 3o s.
En 1739, 1 millier de tuiles → 3 l.
En 1664, 1 mouton → 3 l. ; 1 cochon → 5 l. 6 s. ; une jument → 33 l.
En 1719, 1 jument → 3o l.
En 1733, 1 bœuf barré → 120 l. ; 1 taureau de 3 ans → 6o l. ;
En 1746, une vache → 5o l. ; 1 cochon → 6 l. ; 1 mouton → 2 l. 10 s. ; 1 brebis → 2 l. ;
En 1761, le fil de chanvre → 12 s. la livre
En 166o, 3 bœufs arabes, de poil froumantin, de 2, 5 et 7 ans, sont estimés 112 1.
En 1673, 1 cheval est vendu 241 l.
Le voyageur anglais Young, qui visitait la France à la fin du XVIIIe siècle, nous apprend qu’à la Villeaubrun, une toison pesant une livre valait 20 s.*
* T. III; p. 55.
Le tableau ci-dessous donne les cours moyens des grains à Arnac, à la mesure de Magnac Laval*. Le setier, mesure de Magnac, vaut 96l. 4s.
*Minutes des notaires d’Arnac
Cet autre tableau donne les prix moyens du boisseau, mesure de Lussac, pour une période de dix-sept ans*
Archives de Lussac
Nous n’avons pas rencontré de documents sur le prix du pain sous l’ancien régime. Le 27 juillet 1793 la municipalité de Lussac le taxe : la première qualité à 8 s., la deuxième à 7 s., la troisième à 6 s. la livre. En 1822 le pain est taxé à Saint-Sulpice 0 fr. 125.
Les marchés de gens de service sont rares : en 1674 le garçon meunier du moulin de Gençay se loue moyennant 33 1., deux chemises de toile de chanvre, une aune de serge et une paire de canneson de grosse toile. A Lussac, en 1751, un valet et une servante s’engagent chez un laboureur moyennant dix livres par an.
Plus nombreux sont les contrats d’apprentissage ; voici pour quelques-uns leur prix et leur durée :
– charpentier de moulin; 3o 1. → trois ans
– tailleur d’habits, prix variant de kilt à 36 1. → deux ans ou trois hivers moyennant 15 l. (ce sont, les plus nombreux)
– couturière, 26 1. →deux ans
– tisserand, 45 l. deux ans, pendant lesquels il apprendra « à faire toile unie, toile de bazin, serviettes et nappes ouvrées, même à faire les roux ». Le tout vers 175o.
En 1643 un apprenti tailleur paie 15 s. par mois pendant un an.
Nous avons aussi rencontré quelques marchés concernant les constructions ; nous en donnons un certain nombre à titre de documents sur l’histoire du travail dans notre pays.
– En janvier 1644, Pierre Bourdillon, tailleur de pierres, s’engage à construire le presbytère de Saint-Georges moyennant 6o 1. pour la maçonnerie et la couverture.
– Léonard Aubrun entreprend la charpente moyennant 33 1. Ce bâtiment terminé en décembre suivant revenait à plus de 200 1. tant pour la nourriture et payement des ouvriers que matériaux »*;
– la même année Pierre Bourdillon se chargeait, moyennant 4o 1. de la réfection d’une grange à Saint-Georges**.
– Le 11 février 1667, un « couvreust à paille » s’oblige de latter et faire la couverture à paille d’une grange et étable à la Peurusse, à charge de fournir de paille « et de gluis »***. Il reçut 27 1. pour ce travail****.
– Léonard de Montbrignauld, « maistre maçon et pozeur », s’oblige de construire un corps de logis à Mailhac composé d’une chambre basse et d’un grenier, de la longueur de vingt pieds de dedans en dedans ; il aura deux fenêtres à faire, deux huisseries en pierre de taille à poser et une cheminée à construire, avec un « pierron » du côté de la rue ; le tout pour 20 1. (29 septembre 1672).
– Le 6 novembre 1667, Léonard Philippon, charpentier, des Grèleries, entreprend la charpente d’une maison, d’une chambre et d’une bergerie étant sous « le même fais, savoir les filières avec une ferme », le tout neuf ; plus une huisserie et trois portes, moyennant 35 1.****.
* Mairie de Saint-Georges.
** Archives de l’Indre, E 610.
*** « Gluy. Grosse paille de seigle dont on couvre les granges et les maisons des paysans en plusieurs provinces. Il faut 12 nombres de gluy pour réparer la couverture de cette bergerie, c’est-à-dire 12 douzaines de gerbes de cette paille. On se sert aussi de gluy pour lier les gerbes dans la moisson. » Dict.. de. Trévoux.
**** Ibid. E 627.
il établira un escalier brisé. Le tout Moyennant 38o l. Le seigneur fournira les matériaux * »
* Archives du château de la Goutte-Bernard, communiquées très obligeamment par Mme de la Tour du Breuil, née de Fougières.
En 1736, une grange avec deux étables, une à chaque bout, le tout devant mesurer 36 p. sur 26 et 10 à 11 de haut, est entreprise à Martinet moyennant 47 l.
– Le 26 mars 1747, un maçon passe un marché à Arnac pour construire un corps de bâtiments de 75 p. sur 24 pieds 8 pouces ; les murs des pignons devront avoir 2 p., les autres 22 pouces ; à l’intérieur, il y aura trois murs de refend jusqu’au premier plancher ; il fera trois cheminées en briques et le plancher en terre et en carreaux ; cette construction aura 12 pieds de haut. Prix : 240l., le propriétaire fournissant les matériaux.
– En 1750, deux maçons d’Oreix s’obligent à construire une maison de 21 p. sur 19 et 17 de haut. Les murs auront 2 p. 4 pouces depuis les fondations qui auront 2 pieds de profondeur ; ils seront réduits à 2 pieds à la hauteur du premier plancher ; il y aura porte, deux croisées, cheminée et four de 6 boisseaux, plancher en terre. Les maçons ne fourniront que truelles, marteaux, pioches, bèches et leurs mains ; ils auront du bouillon deux fois par jour et seront couchés ; prix : 96 1.
– Le 16 mai 1756, Léonard Brunet, charpentier à la Vilatte, adjudicataire des réparations à faire aux digues et moulins du domaine du roi en Basse-Marche, forme une société avec Léonard Roumilhac, maçon, de Rancon, pour entreprendre les travaux qu’il aura à exécuter en cette qualité.
– Le 4 février 1791, Léonard Lafont, maître charpentier, du Latier, prend l’engagement de faire un moulin à foulon au Plant, pareil à ceux qui existent à Jouac et Saint-Martin ; la roue sera à pied et la pile à fouler aura les dimensions prescrites, moyennant 303 l.
La réfection des chaussées des étangs donnait aussi lieu à de fréquents marchés : le 23 avril 1750, le commandeur de Morterolles, fait refaire, moyennant 140l., par joseph Guimbard et Joseph Jolivet, maistres maçons et buissonniers de Châteauponsac, 15 toises de la chaussée de Chabranne.
Les buissonniers étaient des terrassiers ; ils étaient en général originaires de l’Auvergne ; en 1609, nous trouvons cependant à Lussac un « maistre besson » de Bretagne. En 1769, un maître terrassier d’Auvergne donne quittance de 99 1. 15 pour 600 toises de fossés faits par ses ouvriers dans la paroisse d’Arnac, soit à raison de 1s. 8 deniers le mètre*.
* Minutes d’Arnac et de Lussac.
Parmi les autres métiers que nous avons rencontrés, citons :
– un maître étaminier (173o),
– un maître fontenier (175o),
– un philtoupier (1783-1784),
– un faiseur de petites croix (1769); sans doute ces petites croix qu’il est encore d’usage de déposer aux carrefours au passage des enterrements.
Actuellement les maçons et paveurs gagnent, à Saint-Sulpice, 4 francs par jour ; les journaliers et terrassiers de 2 fr. 5o à 3 fr.; une ouvrière non nourrie, 1 fr. ; les gages annuels des domestiques sont pour les hommes de 3oo à 35o francs ; pour les femmes de 15o à 18o francs.