Au moyen-âge, notre pays comprend quatre châtellenies : la Terre-aux-Feuilles, Lussac-les-Eglises, le Fief Lussazois et Arnac-la-Poste.
– La châtellenie de la Terre-aux-Feuilles, « très notable et de grande estendue », était dans la vicomté de Brosses, qui elle-même relevait de Poitiers. Elle est mentionnée pour la première fois en 1254. Elle comprenait, dit un mémoire rédigé au XVe siècle pour le duc de Savoie qui en était seigneur, « six paroisses et six chastels », sans compter un grand nombre de petits fiefs. Ces six paroisses étaient Saint-Sulpice, Mailhac, Cromac, Les Chézeaux, Saint-Georges et Jouac.
Un aveu rendu en 1552 par Louise de Bourbon, vicomtesse de Brosses, indique seulement, comme fiefs dépendant de la Terre-aux-Feuilles : Mondon, Piégut, Puilaurent, Lavaupot, Le Noyer, Les Chézeaux, Jançais et La Salle de Jançais, La Goutte-Bernard, Soulignac, La Conillière et Rufasson.
D’autres documents nous montrent qu’elle s’étendait sur d’autres paroisses et englobait tout le pays compris entre les châtellenies de Chaillac, Lussac, Magnac, Arnac, La Souterraine et Bridiers.
Son régime judiciaire était fort complexe : les seigneurs de la Terre-aux-Feuilles possédaient, en effet, divisément la moyenne et basse justice dans le détroit de leurs seigneuries, mais la haute justice leur appartenait en commun dans toute l’étendue de la châtellenie ; pour l’exercer, ils avaient bailli, greffier, sergents et autres officiers qui rendaient la justice sous un orme, au lieu dit de la Coulture, de la forêt des Chézeaux, avec les bannes et fourches patibulaires où l’on pendait les condamnés.
Le vicomte de Brosses leur disputait ce droit de haute justice qui avait été confirmé par divers arrêts au profit des seigneurs de la Terre-aux-Feuilles « lesquelz en commun langaige du pays ou qu’elle est scituée et ès circonvoisins sont dicts et appelés paruers, pariers ou parageurs »*.
*Archives de la Hte-Vienne, F, 9400. — On appelait parageau ou parageur le cadet qui avait une portion de la seigneurie et la tenait en fief de l’aîné ; ce partage ne pouvait se faire que par ordre du père ou par don du roi. Le parageau avait, comme l’aîné, droit de juridiction et noble tenure, mais sa juridiction ressortissait à l’aîné ou chef parageur. (Dict. de Chéruel).
C’est cette organisation féodale que nous retrouvons dans la Terre-aux-Feuilles avec cette différence que les seigneurs parageurs n’étaient point parents.
« Quant à la moyenne et basse juridiction qui pourroit estre respectivement auxd. fiefz, y a droict de prévention à la vicomté, de telle manière que si et quant aulcuns des subgects des vassaulx tenans les fiefs de lad. Terre-aux-Feuilles est convenu devant le juge de Brosses en première instance, il ne peut décliner et ne doibt estre renvoyé devant aultre juge desd. fiefs comme estans prévenu en lad. Court de Brosse*».
*Archives de la Vienne, C. 381.
En d’autres termes, les habitants de la Terre-aux-feuilles avaient, le choix entre la juridiction du vicomte ou celle des seigneurs. Mais, en général, ils préféraient plaider à Brosses tant « à cause du conseil qui est plus habondant que pour la célérité et meilleure expédition des causes ».
Il y avait souvent des contestations entre les gens du vicomte et les seigneurs, témoin la pièce suivante, un peu mutilée et datée de 1332 :
Mémoire est que ..rs de la Terre au Fuylhes se complansissant des sergens de Brousse que il… en leur terre et jotisse font office sans en requérir leurs sergens, laquelle chose estoyt et est au grant préjudice et demage dou dis seigneurs quand li dis sergens de Brousse ne devant de rien esploytier ne sergentier en leur jotisse, si con n’est en cas de ressort et pour deffance de leur sergens et sur coy les dis seigneurs nous hont requis que nous y meyssions remède convenable, nous avons défendis dis playne assise de Boursce au dis sergens de Broce et à chacun de eaux et à la pène de cinquante livres apliquées à Mons. de Chauvignec, si il ou l’un de eaus font le contraire que dès ores en avant alieur ne vengnent en leur jotisse ne segnorie pour fere office si con n’est au cas de ressort et pour deffaut de leur sergens.
» Fayt en l’assise de Broucse tenues à Saint-Benoit par nous Jehan Chiton, séneschal de Brome, présens li dis sergens le lundi anprès la feste de la Purification Nostre-Dame Virgène et du sceau de la cort scellé l’an mil CCC trente et duys*».
*Archives de la Haute-Vienne, E. 9400.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les assises de la Terre-aux-Feuilles se tenaient aux Chézeaux, en plein air, devant la chapelle de Saint-Eutrope.
– La châtellenie de Lussac était fort grande et s’étendait, sur les paroisses de Lussac, Saint-Martin, Coulonges et Tilly. Par lettres patentes d’avril 1785, la châtellenie de Brugueille-Chantre lui fut annexée ; à cette époque le service de la justice était assuré par 1 juge, 1 lieutenant, 1 procureur d’office, 1 greffier, 12 procureurs et 8 sergents, dont 4 royaux et seigneuriaux.
La châtellenie de Lussac, comme la précédente, faisait partie de la sénéchaussée de Montmorillon.
– La châtellenie du Fief Lussaçois ne comprenait que la partie de la paroisse de Lussac, sise sur la rive gauche de l’Asse ; les appels de sa justice se faisaient au Dorat. Sans doute pour faciliter les affaires, il existait dans le bourg de Lussac, par conséquent dans la châtellenie de Lussac, un lieu dit des Valentins, qui était considéré comme faisant partie du Fief : les officiers de justice et les notaires de celui-ci pouvaient y instrumenter comme dans leur propre châtellenie.
Elle dépendait de la sénéchaussée de la Basse-Marche et ressortissait par appel au Dorat.
Arnac ne paraît avoir été de tout temps qu’une seigneurie dépendant de Magnac ; nous la trouvons depuis le XIVe siècle entre les mains des seigneurs de ce lieu ; elle est qualifiée de châtellenie en 1525, mais ne paraît pas avoir une existence propre, ni d’officiers particuliers.
Lors de l’érection du marquisat de Magnac, en avril 1653, la châtellenie d’Arnac fut élevée à la dignité de baronnie.
Elle ne comprenait pas toute la paroisse ; les villages de La Salesse, L’Age du Lac, Margot, Ruffec, Ruffasson, Les Champs, l’Héritière, Puiroger et La Villeaubrun en étaient exclus et faisaient partie de La Terre-aux-Feuilles*. Il existe aux Archives nationales une carte du marquisat de Magnac, dressée en r684 ; la baronnie d’Arnac y est indiquée séparément ; on y voit que les Vergnes et Vitrat étaient situés dans sa juridiction**.
* Arch. Nat., P. 5733. — 3989.
** Arch. Nat., N3, Haute-Vienne 5.
Arnac était compris dans la sénéchaussée de Basse-Marche.
Pour toute la contrée, les contestations entre marchands se portaient devant les juges-conseils de Poitiers qui jugeaient, en dernier ressort, jusqu’à 500 livres. Quelquefois, à cause de l’éloignement, la Cour désignait un délégué pour rendre le jugement.
Le canton de Saint-Sulpice possède une justice de paix, dont les audiences ont lieu le mardi ; on n’en use que modérément, car l’habitant, en général, n’est point plaideur ni chicanier et ce n’est pas une simple appréciation, car voici des chiffres :
Sur 185 affaires appelées chaque année sur avertissements, 131 sont conciliées où arrêtées (moyenne des dix dernières années) ; dans la période précédente, sur 318 affaires, 235 ne donnent pas lieu à poursuites. Il y a progrès et dans la diminution du nombre d’affaires et dans l’augmentation des cas de conciliation.
Et encore toutes les causes qui sont appelées devant le juge ne reçoivent pas toutes une solution judiciaire : sur 34 affaires annuellement soumises au juge, 18 seulement sont terminées par des jugements (moyenne des dix dernières années) ; la période précédente donnait 16 jugements pour 35 causes. Le surplus est arrêté ou abandonné.
Les contraventions de simple police sont aussi assez peu nombreuses ; la moyenne est de vingt-six jugements par année.
Les poursuites correctionnelles sont rares. Quant à la cour d’assises, nous n’avons pas vu d’affaires de son ressort pendant notre séjour.