Les annales de Lussac sont un peu plus riches que celles des autres communes du canton.
Vers la fin de juin 1356, le Prince Noir, parti de Bordeaux avec son armée, traversa le Limousin et s’avança vers la Loire en suivant les frontières du Poitou ; une pièce du temps montre qu’il passa à Lussac le 19 août. (Arch. hist. du Poitou, t. XVII, p. XXXIX).
Des lettres de rémission de mai 1447 nous révèlent que le pays fut traversé par la fameuse bande de routiers commandée par Jean de La Boche. Un de ses suivants, Pierre Quissarme, homme de guerre, obtient ainsi le pardon d’un vol qu’il avait commis près de Lussac, parce que, dit le roi, il “ nous a bien et loyalement servy à l’encontre de nos anciens ennemis les Anglois ” (Arch. Nat., J, 178, n. 178).
En janvier 1588, le roi ayant ordonné l’établissement au Dorat d’un magasin de vivres pour la troupe, la châtellenie de Lussac dut y envoyer 200 b. avoine, 50 b. de blé moitié seigle, moitié froment, 1 bœuf gras, 12 moutons et 2 porcs gras (Cf. Manuscrits de l’abbé Dufour, Font, t. 24).
Le pays ne fut pas à l’abri des troubles de la Ligue : le 18 nov. 1593, Paul Thomas, sénéchal de Montmorillon, qui siégeait à Bellac, “ pour l’injure des guerres ”, étant requis de se transporter à Lussac afin de dresser un inventaire, ne se met en route qu’accompagné, pour l’assurance de sa personne, du prévôt des maréchaux et de ses hommes.
En 1597, une épidémie, qui Sévit un peu partout, n’épargna pas Lussac : “Tous les officiers de justice sont décédés de contagion, laquelle dure encore ”, porte une pièce du 12 nov.
Rappelons le tremblement de terre du 20 déc. 1604, qui, au dire du curé, dura un quart d’heure.
Les lettres patentes de 1609, que nous publions plus loin, montrent qu’à la suite des guerres, et sans doute de cette épidémie et du tremblement de terre, Lussac fut ruiné et abandonné de la plupart de ses habitants ; il commence seulement, disent-elles, à se remettre et peupler. Il est à croire qu’à ces fléaux vinrent aussi s’ajouter des luttes intestines entre catholiques et protestants ; Ces derniers devaient être en nombre, car, en avril 1608, nous les voyons enterrer de force, dans l’église, le fils du seigneur de Lussac, qui appartenait à cette religion.
Au mois de déc. 1631, une nouvelle peste, dont les effets se firent sentir par toute la France, décima tout particulièrement Montmorillon. Les officiers de la sénéchaussée abandonnèrent leur poste et se réfugièrent au point le plus éloigné de leur juridiction, c’est-à-dire à Lussac. Ils tinrent les grandes assises d’après Noël dans l’église Saint-Etienne. Le sénéchal, Jean Chastenet, fut logé au château de L’Age et les autres officiers dans les tavernes et chez les particuliers (1). Font., t. XXI, p. 6o3).
En 1651, des soldats de passage se livrèrent dans le bourg à de nombreux excès auxquels participèrent des habitants du bourg. Sur les plaintes des volés, des informations judiciaires furent ouvertes, en juillet, contre ceux-là, qui, pour s’excuser, prétendirent avoir été contraints de servir d’indicateurs aux soldats. L’un d’eux assure qu’il a été battu, lié et garrotté l’espace de deux jours par les soldats, pour l’obliger à aller avec eux quérir du foin. L’année suivante, en février, pareils faits se renouvelèrent à l’occasion du passage des troupes de Mazarin il y eut même des mort (Dom Font., t. XXI).
Plusieurs registres révolutionnaires fournissent des détails nombreux sur les événements du temps à Lussac.
Nous n’avons rien trouvé toutefois sur les préliminaires de 1789 et le cahier des doléances ; le procès-verbal de rédaction de celui-ci existe seul aux archives (B. 443) ; il est daté du mois de mars.
En 1790, l’importance de ce bourg le fit ériger en chef-lieu de canton, avec, dans son ressort, Jouac, Saint-Martin, Azat, Verneuil et Moutiers.
En avril 1791, la municipalité au pouvoir a pour chef François Pillaud. Elle met toute son énergie à maintenir l’ordre dans la commune en faisant procéder par la garde nationale à de nombreuses patrouilles dans les cabarets.
Le 14 juil. de cette année est célébré en grande pompe par la garde nationale, le maire et les habitants ; le feu de joie est allumé par Mad. de Lussac.
Aux élections du mois de nov. une nouvelle municipalité arrive aux affaires et met à sa tête Jean Gaillard. Elle débute par l’installation d’un atelier de charité. Le 26 déc. le maire et les officiers faisant leur visite ordinaire des cabarets et bouchons, trouvent l’un d’eux ouvert à 9 heures et demie du soir et représentent aux consommateurs qu’il est une heure indue. Ils sont accablés d’injures et assaillis à coups de pierres ; un garde est blessé.
En mai 1792, le bourg fut très mouvementé par la réorganisation de la garde nationale dont nous avons parlé plus haut.
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En mai 1793 commencèrent les réquisitions de soldats pour la Vendée. Comme aux Chézeaux, les volontaires font à peu près défaut
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Ce comité, qui tint sa première séance le 26 ventôse an II, en présence de Brutus Péricaud, délégué du district, comprenait 12 membres. Son premier président fut Rougier-Labergerie.
Il s’occupa de surveiller les suspects et l’esprit de la population, de passer les fonctionnaires au scrutin épuratoire, de viser les certificats de civisme délivrés par la municipalité. On ne trouve pas de traces de son ingérence directe dans les affaires municipales.
Ce comité fut supprimé par la loi du 7 fructose an II ; il cessa ses fonctions le 3o.
Durant ses six mois de fonctionnement, il ne déclara suspects que 3 habitants, en dehors des 3 membres de l’ancienne municipalité. Deux autres habitants, un marchand et un ouvrier, que l’opinion publique considérait comme tièdes, demeurèrent en état d’arrestation à leur domicile.
Il y a dans nos registres une lacune qui va du 3o fruct. an II au 19 brum. an IV. A cette époque, nous trouvons en fonctions les municipalités de canton créées par la constitution de l’an III.
Celle de Lussac ouvre ses séances le 19 brum an IV et nomme pour président Gaillard, déjà maire. Les affaires traitées étaient nombreuses, car elles nécessitaient un secrétaire en chef et deux employés.
Ses attributions étaient fort diverses.
Les délibérations purement politiques sont en fort petit nombre : le 5 pluv. an IV, ordre de faire disparaître tous les signes extérieurs du culte ; le 6 prairial suivant “la cocarde tricolore, signe de ralliement de tous les bons citoyens et la seule marque distinctive dont ils doivent être décorés, sera portée par tous les habitants ”. Le 3o frim. an VI on décide que tout citoyen qui dans la salle des séances prononcera le mot odieux de “ monsieur ” en sera honteusement chassé, de même que ceux qui ne porteront pas la cocarde.
Du point de vue économique, citons l’arrêté du 7 frim. an IV qui enjoint aux bouchers d’exposer sur la place publique les bêtes qu’ils veulent tuer, sous peine de confiscation. Celui du 20 pluv. an IV impose à l’agent national le soin de faire un rapport hebdomadaire sur la propreté des rues. Le 3o germ. on défend de langueyer les cochons sur le marché. L’arrêté du 10 fruct. an V prescrit des poursuites contre un bourgeois qui avait mis en vente de la très mauvaise viande à 1 s. la livre, sans l’avoir présentée au contrôle municipal ; celui du 10 niv. an V, se dresse contre des habitants des Bouiges et de la Jallebosse qui ont laissé pacager des brebis atteintes de la gale, etc.
D’autres très nombreuses délibérations concernent les nouvelles fêtes du calendrier républicain ; chacune d’elles fait l’objet d’un procès-verbal détaillé. Assez suivies au début, ces réjouissances furent bientôt entièrement délaissées. Le 5 germinal an V, personne ne se présente pour célébrer la fête de la jeunesse l’administration, “ affectée de douleur, bravant les ridicules sourires de mépris des royalistes et leur insultant silence, va faire une promenade civique autour de l’arbre de la liberté et lui donne le baiser fraternel ”.
La fête du 23 therm. an IV (10 août) eut plus de succès mais elle donna lieu à des troubles. La garde nationale en grande tenue se rendit à l’arbre de la liberté avec la municipalité où l’on entonna “ le couplet divin : Amour sacré de la Pairie ”. Il y eut ensuite une farandole autour de l’arbre et on renouvela les serments de vivre libre ou mourir. Trois femmes qui avaient crié vive m… furent incarcérées. Ces arrestations soulevèrent une partie de la population et certains tentèrent, à coups de mache, d’enfoncer la porte de la maison d’arrêt. Le président du canton, menacé et se voyant sans force au milieu du peuple rassemblé, fut obligé de faire libérer les 3 femmes.
En l’an V, le premier vendémiaire, l’anniversaire de la fondation de la République donna lieu à une fête terminée par une farandole, un banquet fraternel et un repas frugal.
Ce registre de délibérations est clos le 9 pluv. an VI et sur la fin, il n’y est plus question que de matières fiscales.
En pluviôse an X, le canton de Lussac fut supprimé et incorporé à Saint-Sulpice, sauf Azat, Verneuil et Moutiers réunis au Dorat.