En mai 1793 commencèrent les réquisitions de soldats pour la Vendée. Comme aux Chézeaux, les volontaires font à peu près défaut. Le 10 mars, on demande 10 volontaires, personne ne se présente. Pareil insuccès le 17 pour 10 hommes demandés par le district. Pillaud, officier municipal délégué, forme alors une liste d’office, mais 4 de ceux qu’il désigne menacent de l’assassiner ; on doit sur-le-champ les conduire en prison.
Les nouvelles des Deux-Sèvres devenant de plus en plus alarmantes, le district ordonne, le 18 mars, le départ de tous les gardes nationaux disponibles. Lussac devait fournir 30 hommes ; le maire constate le lendemain qu’il a fait tout son possible, mais n’a pu décider personne à partir.
Ce refus était presque général et presque toutes les municipalités du pays encourageaient ces défections. Le 20, le district du Dorat constate que sur 205 hommes, il ne s’en est présenté que 105 ; à Magnac notamment, la municipalité avait désigné 38 absents son contingent de 40. Le 27 mars, Bordas et Borie, commissaires de la Convention, se rendirent au Dorat pour enquêter sur ces faits. Leur rapport constate que le procédé de nommer des absents a été employé dans la majorité des communes, souvent à l’instigation des maires. Ils déplorent le très petit nombre d’engagements volontaires et l’explique “la crainte nonchalante des campagnes, le peu de jeunesse des villes, le départ de plus de mille jeunes gens qui vont chercher ailleurs les ressources que le climat leur refuse, contribuent un peu au découragement ” (L. 549). Différents motifs mettent aussi obstacle au départ des recrues : défaut d’équipement, réclamations des hommes désignés, absence d’un certain nombre, etc.
La Vienne étant à son tour menacée par les Vendéens, le département prit, au commencement de mai, des mesures énergiques pour recruter des défenseurs : il enjoignit à tous les officiers des gardes nationales d’avoir à partir sur-le-champ pour Poitiers, à cheval et armés ; son arrêté fut communiqué à Lussac le 9 mai avec ordre de se rendre à Limoges le 13. La plupart des officiers du canton, après avoir joui en paix des honneurs attachés à leurs grades, acceptèrent d’aller au danger. Trois seulement se récusèrent :
Jean Lavaud, capitaine, et Jean Saulnier, lieutenant, prétendirent n’avoir jamais accepté leurs charges et, de plus, ne pas savoir monter à cheval ; ils offrirent de se rendre à pied ; un autre lieutenant, François Pillaud, qui était en même temps officier municipal, crut devoir demander à la municipalité à quelle charge il devait plutôt se consacrer. On lui répondit de se rendre à Limoges et de s’en rapporter à la prudence du département.
Le 18 mai, Lavaud et Saulnier n’étant pas encore partis, ordre est donné au maire de les faire conduire sous escorte. Il fallut bien s’exécuter, mais nos deux guerriers malgré eux se vengèrent de leurs concitoyens d’une façon plaisante : en arrivant au Dorat Saulnier n’avait qu’une mauvaise jument et était sans manteau, Lavaud n’était vêtu que de loques et n’avait ni pistolets ni bottes. Sur les observations qui leur furent faites, ils répondirent que c’était tout ce qu’ils possédaient, mais que si on voulait les voir en meilleur équipage, le district n’avait qu’à réquisitionner la jument de Ducouret, le manteau de Michelet, les bottes, les pistolets, une veste et une culotte du maire. Le 21 mai, le district accepta leur demande : le maire dut livrer sa garde-robe et ses pistolets, Ducouret sa jument, et Michelet son manteau.
Le 23 mai, deux envoyés de la Société Républicaine de Limoges, Scevola Sauger et Barret, viennent visiter Lussac et s’enquérir de l’esprit public. Ils constatent qu’il n’y a pas de plaintes contre la municipalité, que les impôts rentrent bien, que ceux qui vont à la messe ne parlent pas contre la constitution.
Le 14 juillet 1793 la nouvelle constitution est acceptée par l’unanimité des 248 votants de l’assemblée primaire. Le 27 du même mois, la municipalité taxe le pain à 8s. 7s.et 6s., suivant la qualité, et édicte des peines sévères contre les boulangers qui s’abstiendront de faire du pain.
La Convention, par décret du 7 août, avait commis Brival, commissaire à Tulle, pour se rendre dans la Haute-Vienne et y prendre vis-à-vis des fonctionnaires toutes les mesures qu’il jugerait convenable. Ce commissaire, investi de ces redoutables pouvoirs, arriva à Lussac le 22 suivant ; sur-le-champ, il suspendit la municipalité Gaillard, maire, Pillaud et Bouchalais, officiers municipaux, Rougier-Labergerie, procureur de la commune, Rougier-Lageboutaud, Cailleaudeau, Gigaud et Guillemin-Montplanet, notables. A leur place, il nomma une commission sous la présidence de Brac, de la Trigalle. Il ordonna en même temps la vente de l’église Saint-Etienne.
A la suite de cette suspension, le comité de Salut Public du département, prit un arrêté enjoignant à tous les membres suspendus de rester en état d’arrestation chez eux. Gaillard, Pillaud et Montplanet devaient être tout particulièrement gardés à vue, chacun par un garde national.
Le 20 oct. passent à Lussac, Biron et Faugeras, commissaires envoyés dans le département pour propager et entretenir l’enthousiasme de la liberté et de l’égalité.
Sans doute sous l’influence de cette visite, un comité de surveillance se forma dans le bourg qui prit alors le nom de Lussac-la-Patrie.