Généralités : Epoque gallo-romaine

Cette période fut des plus brillantes dans notre pays, si nous en jugeons par les restes que, chaque jour, la charrue exhume de la terre. Le territoire de deux de nos communes, Cromac et Jouac, était du reste traversé par une voie importante que nous avons décrite précédemment.
Les points où les vestiges de cette époque ont été rencontrés sont les suivants :
– Commune de Saint-Sulpice : au bourg, à Cheuget, à Virvalais, à Lavaupot, au Peu-Guillebaud, à Peuchaud.
– Commune d’Arnac : au bourg, au Buis, à Martinet, à Oreix.
– Commune des Chézeaux : au bourg.
– Commune de Cromac : Montlambert.
– Commune de Mailhac : Mondons.
– Commune de Lussac : Lavaud.
– Commune de Saint-Georges : Les Fontenets.
– Commune de Saint-Martin : La Mazère.
En tout seize stations.

En général, ces restes paraissent appartenir à des exploitations agricoles, sauf les villas de La Mazère et de Cheuget, où l’on retrouve le goût et le confort qui distinguaient les grands seigneurs gallo-romains. La première, dont nous avons relevé le plan, est construite selon les règles de l’architecture romaine.
Toutes sont édifiées en petit appareil. Il a existé cependant sur le territoire de Saint-Sulpice, soit au bourg, soit au Peu-Guillebaud, des constructions en grand appareil ; on a, en effet, trouvé pêle-mêle, lors de la démolition de l’église et sur l’emplacement de ce village, de gros blocs réguliers de 1m50 à 2 mètres de long sur 1 mètre de haut et 60 à 80 centimètres de largeur. Ces blocs portaient des entailles destinées à placer des crampons. Quelques-uns montraient une sorte de demi-colonne de 30 centimètres de diamètre.

La villa de La Mazère comportait un balnéaire ; c’est peut-être aussi à un établissement de ce genre ou à un moulin que l’aqueduc romain trouvé à Lavaud conduisait les eaux.
Faisons remarquer que les deux lieux dits où ont été rencontrées les deux plus importantes villas sont caractéristiques et ont porté jusqu’à nous le souvenir de ces constructions : La Mazère (mansio) et Le Dognon (domnionus), dont le doublet est donjon ; nos recherches nous ont montré qu’en effet il existait une tour carrée sur ce dernier point.

Dans presque toutes les contrées de France, il existe des enceintes de terre qu’on désigne sous le nom de châteliers, châtelards, châtelats ; leurs formes et leurs dimensions sont partout les mêmes : un rectangle de 100 à 150 mètres sur 80 à 100 mètres.
Les trouvailles qui y ont été faites permettent d’affirmer leur origine romaine ; d’autre part, comme on les relève partout, il est à croire que c’est un motif d’ordre général, sans doute une mesure politique, qui leur a donné naissance. Enfin, leurs dimensions restreintes — une cohorte n’aurait pu s’y loger — ne peuvent les faire attribuer à une armée en campagne ; il est donc probable que ce sont des cantonnements.
M. Ledain pensait que ces camps avaient été occupés par des barbares auxiliaires ou des colonies de Létes transportées ou dispersées sur des terres fiscales par les empereurs du IVe siècle. A l’appui de sa thèse, il a donné des textes forts probants extraits des lois et des historiens*.

Dans notre périmètre, nous connaissons deux camps** et une motte appelée le Chatelas (Arnac) ; cette dernière, malgré cette dénomination, nous paraît appartenir à l’époque féodale.

*De l’origine et de la destination des camps romains dits châtelliers en Gaule.
**L’abbé Joyeux a cru rencontrer les traces d’un autre camp vers Chéniant, à un kilomètre de Saint-Sulpice. Nous n’avons pu les retrouver.
M. Grignard indique aussi dans son Dictionnaire topographique, au point de croisement du vieux chemin de Lussac à La Souterraine et de celui de La Villanger à Arnac « des excavations considérables qui ressemblent assez à des restes de fortifications ou retranchements munis de fossés toujours remplis d’une eau permanente ». La carte de l’état-major indique bien en ce point une sorte d’étang de forme carrée, actuelle ment, il ne subsiste plus rien.

Le camp de Martinet (Arnac), appelé le camp de César, est placé sur la partie culminante d’un mamelon granitique ; il mesure 130 mètres sur 135 mètres. Il était défendu par une levée de terre large à la base de 7 mètres et haute de 4 à 5 mètres ; celle-ci n’était pas doublée par un fossé.
Commune de Cromac et vis-à-vis Lacroux, on voit une éminence qu’on désigne sous le nom de Chatelas et sur laquelle existent des traces de travaux de défense ; cette éminence est isolée du reste du coteau par une coupure de 10 mètres de large taillée en plein granit ; des trois autres côtés elle est protégée naturellement par l’escarpement de ses flancs. Après avoir franchi cette coupure, on se trouve dans un espace rectangulaire de 50 mètres sur 30 mètres où existe un bloc de maçonnerie ; puis un nouveau fossé de 3 mètres se présente, derrière lequel on rencontre un second emplacement de 34 mètres sur 26 mètres, dont une partie est occupée par une éminence formée de pierres et de terre.
Une médaille de la XIIe légion y a été découverte vers 1840. Il est fort probable que nous nous trouvons en présence d’un de ses cantonnements.
A notre connaissance, deux autres médailles romaines ont été rencontrées dans le canton : G, Norbannus, à Lavaupot ; C. Tétricus, à La Mazère.
Comme autres objets de cette époque rencontrés dans des fouilles, citons à La Mazère une tête d’homme en bronze et une tête de femme en pierre blanche ; un autel à Arnac conservé à Cluny* ; à Cheuget, un étui, une lance.
Les poteries exhumées sont en général grossières ; à Virva¬lais, cependant, nous avons ramassé des fragments de vases en terre noire fine et de ces belles poteries rouges dites samiennes.

*Cet autel se trouve classé au musée de Cluny sous le n° 357 ; dessus on a placé un leo lupus rapporté des environs de la Souterraine par M. du Sommerard. A la suite on trouve trente-huit objets provenant des fouilles de Breth.
Nous devons à l’aimable obligeance de notre éminent compatriote et ami, le maître Cari Rosa, le dessin de ces deux objets qui accompagne notre travail.