Généralités : La nature

Situation

Le canton de Saint-Sulpice-les-Feuilles forme l’extrémité N. de l’arrondissement de Bellac, département de la Haute-vienne, et joint l’Indre, la Creuse, les cantons de Châteauponsac, de Magnac-Laval et du Dorat et la Vienne ; il est compris entre 0°54’ et 1°12’ de longitude, 46°13’ et 16°24’ de latitude ; il est beaucoup plus long que large et son plus grand axe orienté dans une direction S.E.-N.O. a une longueur de 26 kilomètres, sa plus petite largeur n’atteint pas 4 kilomètres, il comprend 23,103 hectares et se classe par son étendue le dernier des cantons de l’arrondissement.

Sous-sol et végétation

C’est un pays hybride qui se rattache par son sol granitique et ses aspects variés au Limousin, par son patois au Berry et par sa législation ancienne, sa coutume, au Poitou.

Il correspond à peu près aux quatre anciennes châtelle­nies d’Arnac-la-Poste, de Lussac-les-Eglises, du Fief Lussa­zois et de la Terre-aux-Feuilles ; celle-ci était par son étendue la plus importante et son nom symbolise à merveille l’aspect. général du pays : nos ancêtres, qui l’avaient ainsi baptisée, avec un grand sens de la nature, l’avaient peinte en trois mots. Malgré les défrichements, les déboisements, elle est toujours la terre aux feuilles ; vu d’un point culminant, c’est un moutonnement à perte de vue de frondaisons sombres qui donnent. L’illusion d’une immense forêt : de près, la forêt s’évanouit, et se reduit à quelques bouquets de bois et surtout aux nombreuses haies garnies d’arbres touffus qui enclosent chaque héritage.

Il résulte, de cette luxuriante végétations que le pays, alors que les plaines environnantes du Poitou et du Berri sont brûlées par le soleil, conserve encore sa fraîcheur et sa gaîté. Mais c’est surtout à l’automne qu’il revêt toute sa splendeur ; il y a, à cette époque, une quinzaine vraiment prestigieuse comme tonalités : le vert noir des chênes forme un fond velouté dans lequel se sertit l’or rutilant des châ­taigniers et des peupliers, tandis que, de loin en loin, les cerisiers piquent leur note d’un rouge éclatant dans cette masse sombre que les troncs de bouleaux rayent d’un éclair blanc aux premiers plans, des genévriers érigent, immo­biles, leurs pyramides tristes.

Dans la châtellenie de Lussac, l’aspect est tout autre et les plaines étendues présagent l’approche des pays calcaires.

Granits et micaschistes se partagent notre canton : nous avons rencontré les premiers à Saint-Sulpice, Boismandé, les Chézeaux, Saint-Georges, Mailhac, La Tâche, Bourdelle, le Mont, Le Bost, Arnac.

Les seconds se trouvent à Lascroux, Mondon, Cromac, Jouac, Lussac, aux Plaignes, au Gat, à la Palisse.

Au Peudemont le ruisseau sert de limites à ces deux roches.

Dans les anfractuosités de ce territoire, qui formait une extrémité du Plateau Central, vinrent se déposer, entre Lussac et Saint-Martin, un lambeau de lias qui pénètre jusque dans la commune des Chézeaux ; puis, à l’époque tertiaire, se formèrent. des grès ferrugineux qu’on rencontre en petite quantité à l’Espardelière et entre le Gat et Chantouant.

Des sables, teintés en jaune par l’oxyde de fer, couvrent une partie des communes de Cromac et de Jouac. Ces granits roses ou gris sont sillonnés de nombreux filons de quartz qui ont en général la direction N.-N.-E. S.-S.-O. Ces filons, qu’on croit d’origine aqueuse, sont surtout importants à Plantedis où ils sont exploités pour l’empierrement des routes; ou y rencontre de beaux cristaux de roche souvent colorés par le fer.

Le seul minerai du pays est la limonite (oxyde de fer), qu’on trouve sous formes de plaques et de rayons au Nord de Lussac.

Cours d’eaux

Ce territoire, qui, par sa contexture, est nettement du Limousin, est, comme cette contrée, assez accidenté, sauf dans la partie Nord. Comme elle aussi, il est arrosé par de nombreux ruisseaux qui entretiennent une fraîcheur fort propice à la végétation.

Tous ont creusé leurs lits dans une direction S.-E.-N.-O. Les plus importants, qu’on peut qualifier de rivières, sont l’Asse et la Benaize. La première sort de l’étang de Chez­-Travais dans la commune de Saint-Hilaire, longe le bois le Bouéry, traverse la commune de Saint-Léger, coupe en deux celle de Lussac, après avoir formé l’étang de Murat où elle reçoit le ruisseau du Puy-Saint-Jean, puis sépare les communes de Lussac et de Verneuil ; elle a pour affluents sur sa rive gauche, les ruisseaux des Frétilles ou des Pra­delles et de la Roche.

La seconde sort de la commune de La Souterraine ; elle traverse les communes d’Arnac, Saint-Sulpice, Mailhac, où elle s’étale pour former le bel étang de Mondon, Cromac, Jouac, Saint—Martin et sépare Lussac du département de la Vienne ; sur sa rive droite, elle reçoit le ruisseau de Vareilles, le ruisseau de la Garde, celui de la Chaume ou de Lavaupot qui forme le chapelet d’étangs de la Chaume, du Bardon et de Jançais ; enfin le ruisseau qui sort de l’étang  Jachère. Sur la rive gauche, elle a pour affluents la Planche Arnaise qui, elle-même, reçoit un petit ruisseau appelé le Glévert ; les ruisseaux de Bouchet, de Menussac, de Catoget descendant des Redeaux, de Rigolet ; enfin le ruisseau qui sort de l’étang de la Chaume.

Le canton est en outre arrosé par le ruisseau de Peudemont qui se réunit au ruisseau des Riaudes ; la rivière de la Brame coupe aussi la commune d’Arnac.

La Benaize, aux temps préhistoriques a fortement raviné le sol et s’est ouvert une profonde vallée remarquable par les éboulis de rochers qui l’encombrent. De l’étang de Mondon à Jouac, c’est plutôt un torrent qu’une rivière ; la cas­cade du Pot-Bouillant, au-dessous de Lascroux, est bien connue dans le pays et mérite d’attirer l’attention du touriste.

L’été, ces cours d’eaux sont presque à sec, mais, à la suite des pluies, ils roulent un fort volume d’eau. « Ce qui nous a le plus surpris, écrit en 1691 le visiteur de la paroisse de Lussac, ce sont plusieurs rivières et ruisseaux qui débor­dent si extraordinairement que de plusieurs jours on ne peut les passer sans danger, ce qui oblige les étrangers à rester dans le bourg jusqu’à l’écoulement »

Étangs

Ces rivières formaient autrefois de nombreux étangs ; le terrier d’Arnac de 1745 nous en fait connaître dix dans cette seule paroisse : celui de la Salle (10 séterées), du Monteil (6 s.) du Breuil à Champlong, de Ponjauge (7 s.) de Lubignac (9 s.) de Commergnac, de Lascoux (7 s.) du Pont à Martinet (1,5 s.) des Bordes (40 s.) l’Etang­-Neuf (2 s.).

Les archives de Lussac constatent l’existence dans la châtellenie en 1458 des étangs de la Fortunère, de Lenedère près la Maison-Neuve, du Petit-Etang ; en 1476 de l’étang de l’Agebardon ; des étangs de l’Age-Bernard (1502), des Forges (1523), des deux étangs du Ris Gasteau (1544) ; des étangs du Latier (1561), de Champeron (1598), du Rosnet, de Saint-Martin, de la Chaume en 1636 ; des Clotures en 1678 de Roussines, nouvellement fait, du Patour, de l’Etang-Neuf et de la Maison-Neuve en 1784 des étang des Aubussons en 1787, des Forestilles.

Dans la paroisse de Saint-Sulpice, citons les étangs de Bantard (1526), de Lavaupot (1528), du Bardon (1597) ; dans celle de Mailhac, l’étang de Mondon (1607) dans celle de Cromac, les étangs de lascroux (1540), de Soulignac ; dans la paroisse des Chézeaux, les étangs de Jançais, de la Seiche, du Redoux, de la Pandue (1486), de la Porte de la Goutte Bernard (1661), des Landes ; dans celle de Saint-Georges, l’étang de la Rue ou de Lorau (XVe siècle), les trois étangs de Puylaurent (1732), l’étang de Champagnac (1781).

Il ne reste plus actuellement que les étangs du Bardon, de Jançais, des Landes, de Mondon, de la Tâche, de Souli­gnac, de Lascroux, de la Chaume et des Frétilles.

Altitude et climat

Le terrain du canton s’abaisse suivant une ligne tirée de Saint-Sulpice à Lussac tandis que les cartes nous révèlent des cotes de 184 m dans cette dernière commune, elles indi­quent des altitudes de 350 et 359 m dans Arnac et Saint­-Sulpice ; les autres communes se placent intermédiaires, tels le bourg des Chézeaux avec la cote 300, Saint-Sulpice avec 292, Arnac, avec 297.

Le point culminant parait être le peu du Drelet ; derrière lui se trouve le peu de Rissac (Commune de St-Maurice en Creuse) côté 407 m et qui semble un peu plus élevé. A ces hauteurs, bien inférieures à celles du Limousin, le climat est moins âpre que dans cette province et à défaut d’observations précises ou peut indiquer qu’il est de remarque constante que la température du bourg de Saint-Sulpice est généralement plus élevée que celle de La Souterraine et inférieure à celle de Lussac.

Une station pluviométrique a été installée aux Chézeaux, nous ne connaissons pas les résultats des observations qui y ont été faites, mais il résulte, des intéressants essais de M. Garrigou-Lagrange sur la climatologie du Limousin, que nous nous trouvons dans une zone où il tombe annuel­lement de 700 à 900 mm d’eau pour la période 1877-1887, La Souterraine a donné 1,110 mm, Magnac 1,085 mm, Saint-Benoît 750 mm.

Les cartes qui accompagnent ces travaux nous montrent également que, d’après les moyennes prises dans la même période, notre canton est compris 1) pour le mois de

juillet entre les isobares de 765 mm à 765,5 mm de pression baro­métrique ; pour janvier entre 762 et 762,5 mm ; 2) pour jan­vier entre les lignes isothermes de 3° à 3,5°, et pour juillet entre 19,5° et 20°.

Flore

La flore est assez variée comme dans tous les terrains granitiques ; les principales essences qui composent nos bois sont le chêne, le châtaignier et le bouleau ; le pin et le hêtre se trouvent moins communément.

Par suite du défrichement des gorces et aussi d’une mala­die cryptogamique assez peu connue, les châtaigniers dispa­raissent ; dans quelques années les nosillades de Saint-Georges et de Cromac, les plus renommées du pays, seront introuvables.

Malgré le nombre d’arbres qui garnissent notre canton, on n’y trouve que peu de géants végétaux ; l’arbre le plus remarquable par sa grosseur est le châtaignier Mollard , sur la route de la Croix de la Crouzette à Soulignac qui mesure 7,10 m de circonférence à un mètre de terre. Citons aussi les quatre ormes de la place des Chézeaux.

A la belle saison, les silènes, les digitales, les spirées ornent de leurs vives couleurs les prés et les routes, tandis que le muguet tapisse nos bois.

M. Le Gendre a signalé vers Montbon, Cardamine impatiens, Corydalis solida, Ajuga reptens, Ornithogalum umbellatum, Primula elatior; à Roussine, Gentiana pneumonanthe; au Cherbois, Simethis bicolor, à Lussac, Thlaspi arvense, Asplenium ruta-muraria ; à Cromac, Heliotropum europoeum, plante des terrains calcaires dont l’apparition doit être la conséquence de 1‘emploi de la chaux, Scilla autumnalis, Hyssopus officinalis, Ophioglossum vulgatum.

Les orchidées sont peu variées Orchis bifolia et maculata sont très communs.

L’Isoetes tenuissima, très rare en Limousin, a été renconcontré dans l’étang des Landes.

Les fougères se trouvent à chaque pas : Polystichum filix-mas (fougère mâle) , Asplenium trichomanes (capillaire) , Pteris aquilina (fougère d’aigle), Polypodium vulgare (réglisse). Osmonda regalis (fougère royale) –

Les champignons qui, il n’y a pas longtemps, étaient dédaignés par les habitants des campagnes, sont aujourd’hui fort recherchés ; on ramasse surtout le cèpe, le rosé (Agaricus campestris), la giraudelle (Cantharellus cibarius), la poturelle ou nonne (Agaricus colubrinus) ; l’oronge est rare.

Faune

La faune locale n’a rien de particulier qui mérite d’être indiqué : le loup, commun autrefois, n’est signalé que de loin eu loin dans les bois de Bouéry . Il en est de même du gros gibier. En revanche, les renards, blaireaux, fouines, putois et belettes révèlent souvent leur existence par leurs méfaits.

Le petit gibier à poil et à plume, qui autrefois faisait de notre canton un excellent pays de chasse, commence à disparaître, conséquence des défrichements qui ont détruit ses refuges assurés et impénétrables ; les brandes du Cherbois donnent quelquefois l’hospitalité à des couples de petites outardes.

Le défrichement n’a point seulement rendu rare le gibier, il a aussi contribué à la disparition de la vipère qui, il y a une trentaine d’années, étaient encore fort commune.

Par suite de diverses sécheresses le poisson, surtout la truite, est devenu rare; les ruisseaux sont cependant empois­sonnés par les nombreux étangs ; en outre, à diverses repri­ses, de nombreux alevins y ont été immergés ; l’écrevisse qui, comme dans le reste de la France, n’était plus repré­sentée que par quelques individus, commence à se répandre à nouveau.

L’entomologiste fera dans ce pays une ample récolte de cérambycidés et en général de tous les insectes qui habitent le bois, mais par contre il sera surpris de l’absence presque complète des insectes carnassiers, tels que carabes, cicindèles, calosomes ; il y a, croyons-nous, une étroite relation entre cette absence et la présence des myriades de cirons dont nous conservons un cuisant souvenir à l’au­tomne, certains jardins de Saint-Sulpice sont inabordables.

 La Hoplia cœrulea, un des plus jolis insectes de France, existe dans la vallée de la Benaize.

La belle Vanessa Morio qui, en notre jeunesse, était une rareté en Poitou, se trouve ici assez communément.

Phénomènes naturels

Comme phénomènes naturels, nous avons relevé les suivants : le 20 décembre 1604. un tremblement de terre fut ressenti à Lussac pendant la messe ; il dura un quart d’heure. A la date du 10 février 1645, Robert du Dorat mentionne un violent ouragan qui, à Lussac, emporta la couverture de l’église Saint Etienne de Lussac ; en juil­let 1693, une grêle dévasta la paroisse des Chézeaux.

 Le 15 juillet 1806, un ouragan accompagné d’un fort orage, qui dura de 9 heures 15 à 9 heures 38 du soir, ruina toute la région de Saint-Sulpice, découvrant les bâtiments, brisant les arbres et concluant les récoltes.

Les principales inondations sont celles de janvier 1755 et juin 1757 qui causèrent de grands dégâts à la forge de Mondon ; celle des 12-14 juillet 1792 qui emporta Mondon et tous les moulins au-dessous ; celle du 16 août 1868.

Les registres d’état-civil relatent un assez grand nombre d’accidents dus à la foudre ; le plus remarquable est celui qui survint à Lussac le 12 juillet 1729 où deux personnesfurent tués « sous le clocher de l’église paroissiale ayant été frappées par un éclat de tonnerre qui a tombé sur le clocher, lequel il a beaucoup endommagé, soit dans la charpente de laquelle il a transporté des bois à plus de soixante pas éloignés dud. clocher, fracassé toute la lan­terne d’icelui, dérangé toute la charpente du côté de l’accident, soit dans la couverture de laquelle il a détaché une grande partie du rebardeau et ensuite a descendu tout le long de la masse de pierre dud. clocher dans lequel il a laissé plusieurs de ses marques et après avoir frappé du coup mortel les susnommés et renversé par terre plusieurs autres personnes qui étaient tant sur led. clocher que dans l’église, sans pourtant leur faire un mal considérable, il a passé à travers lad. église enfin sortit par la croisée qui est sur le maistre autel dont il a cassé quelques carreaux ».