Méfiez-vous de devenir loup-garou.

     Deux hommes couchaient dans le même lit. Tous les soirs, l’un d’eux sortait pour une promenade mystérieuse. Lorsqu’il rentrait, son corps était froid comme de la glace.
L’autre lui demandait bien où il allait pour revenir glacé de la sorte, mais invariablement il lui répondait toujours :
Où veux-tu que j’aille ? Je vais tout simplement me promener autour du village pendant quelques heures, c’est une vieille habitude que je ne peux quitter, j’ai envie de prendre l’air de la nuit… C’est tout.
Un beau soir, celui qui restait toujours couché décida d’aller se cacher dans une charretée de foin placée à l’entrée de la cour et de voir ce que faisait vraiment son compagnon.
Lorsque ce dernier revint de sa «promenade », il n’était pas seul : il tirait derrière lui la dépouille d’un grand chien. S’installant dans un coin de la cour, il le croqua en rien de temps.
Une fois qu’il eut avalé le chien, il s’en alla au bourg voisin pour boire un coup. Pendant ce temps, le curieux revint se coucher.
Le lendemain matin, celui qui avait mangé le chien dit à la cuisinière de retarder un peu l’heure du déjeuner. Aussi, midi sonna sans qu’il n’y eût rien de prêt.
Bon sang de bon sang, jura celui qui avait passé une partie de la nuit dans la charrette de foin, je commence à avoir faim.
L’autre dit :
Moi je n’ai pas grand faim, je ne comprends pas que tu aies tant d’appétit.
– Bien sûr, toi tu n’as pas faim puisque cette nuit  tu as mangé un gros chien.
– Comment le sais-tu ?
– J’étais à te regarder faire dans la charrette de foin.
– Ah ! se lamenta l’autre, si je t’avais su là, je me serais mis ailleurs. Ma peine est à recommencer.

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    Une autre fois, un homme revenait tard de la foire de Saint-Yrieix lorsque, en pleine campagne, il sentit brusquement quelque chose lui tomber sur les épaules. C’était mou, lourd et cela respirait comme un être vivant.
Malgré tous ses efforts pour s’en débarrasser, il ne put y parvenir et eut bien du mal à redresser sa marche car la chose le forçait à se diriger vers la rivière  toute proche.
Il finit par arriver chez lui, harassé comme s’il avait couru depuis son départ. Sa femme lui apprit qu’il avait dû porter un leberou repu, et se signa en pensant combien la mort s’était approchée de son homme.

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    Un damné cachait sa peau de loup sous un tas de fumier. Celui qui l’aurait piquée par mégarde avec une fourche risquait de devenir loup-garou lui-même.

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    Le loup-garou parcourt sept communes chaque nuit, et cela pendant sept ans. C’est la punition du diable lorsqu’il n’y a plus de place en enfer.
Pourtant, c’est une des moins pénibles car on peut s’en délivrer en faisant couler une seule goutte de son sang… mais cela, le damné l’ignore.

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