Le bourg
Le bourg des Grands Chézeaux en 1839 avait toujours sa grande et belle place ; au milieu, il y avait une Croix de Mission en bois avec les instruments de la passion.
Une grande partie des murailles de la Chapelle de Saint-Eutrope existaient encore et montraient la place qu’elle avait occupée. A l’Ouest, à quelques mètres de la porte principale, il se trouvait une croix qui fut transportée sous le marronnier de M. Maillasson, au Nord était la Grande Croix dite des Ormes à cause de la protection qu’on leur accordait. Ces quatre magnifiques arbres auxquels on coupe la tête en 1877 pour les rajeunir, portaient les tristes stigmates de 93. En face de la maison de M. Casimir Aumasson étaient de grosses pierres, quelqu’un disait que c’était les restes de la Croix de l’Antique Chapelle de Saint-Valéry dont parle M. de Beaufort dans son ouvrage sur les antiquités du pays.
Vers 1840, non loin du puits d’en haut, on planta un jeune ormeau qui en 1848 fut adopté et béni solennellement comme arbre de la liberté.
Il y avait cinq maisons flanquées de tours où se trouvait l’escalier conduisant aux divers appartements. Trois les montraient sur la façade. Du côté des jardins on n’en apercevait que la girouette. Ces habitations avaient un air grave et imposant, c’était de petits châteaux (Castella).
Une autre partie des maisons était à galeries recouvertes par un avancement de toiture, pour y arriver il fallait escalader un esca¬lier le plus souvent en pierre.
En haut, étaient les appartements, en bas les servitudes. Elles étaient plus gaies que leurs sombres et lourdes sœurs et portaient d’avantage à la critique. Plus d’une fois, du haut de ces galeries où l’on était abrité du vent et des ardeurs du soleil, la bonne ménagère aidée de sa voisine avait fait le portrait du malheureux passant qui ne s’en doutait guère.
Le bourg avec ses constructions variées avait une figure qui le distinguait des autres. Sa physionomie était grave et peu ordinaire. Nulle route ne se traversait, cependant, il était un lieu de passage considérable pour la beauté des vaches et autres animaux qui venaient de Confolens, Le Dorat, Magnac-Laval et se dirigeaient sur Paris. Aussi voyait-on à l’Allée de Rhodes d’immenses écuries pour loger ces nobles voyageurs. Les voitures de Mondon, chargées de fer, les mulets portant du charbon se croisaient continuellement. Les chemins impraticables étaient pratiqués quand même !
La partie où est la cure, qui fut construite en 1844, n’avait que trois feux. Là était l’école des garçons et des filles. Plus bas, à la place des maisons Lagaisse et Soulat était la demeure du Père Chaput qui, âgé d’au moins 80 ans, faisait encore des toiles, on y entrait par les jardins.
Les rues en 1839.
C’est l’actuel “ Bas-Bourg ”
Les rues n’avaient que douze maisons d’un aspect pauvre et triste, presque toutes basses et couvertes de paille. Le soleil n’avait que deux moyens d’y faire parvenir sa lumière, c’était une petite fenêtre inamovible de 20 centimètres environ et dont l’embrasure était garnie de fils de fuseaux et autres objets de ménage, du 2e une porte à deux compartiments, celui du haut toujours ouvert, à moins qu’il ne fît très froid, celui du bas tans cesse fermé servant parfois de balustrade où s’appuyait l’habitant du logis pour voir circuler les rares passagers ou pour se tenir au courant des nouvelles. Cette partie si intéressante du bourg, malgré son puits antique, sa pierre d’audience et sa belle Église semblait toujours en deuil de sa grandeur passée.
Il est certain par les masses épaisses de mâchefer que l’on rencontre de toute part, par les tuiles romaines, les fondements de tours, les fourneaux mis à découvert par différentes fouilles surtout celles qui ont été faites en 1875 à l’occasion du prolongement du cimetière, que ce lieu était autrefois important et probablement le bourg primitif (note complémentaire de 1879).
le bourg en 1839 avait encore deux huissiers en mémoire des deux justices d’autrefois. l’un s’appelait Pierre Ambroise Aumasson, l’autre Prudence Maillason.
La fabrique
En 1839 elle avait au moins 20 ouvriers. Après la mort de M. Gravier son fondateur, et le départ de son fils qui va habiter à La Souterraine, cette usine voit son commerce diminuer. Sa moralité disparaît. Les ouvriers sont moins nombreux. Le feu l’a réduit presque à rien en 1856 (voir Drouault page 253). En 1879 il y a à peine 4 ou 5 ouvriers.
Les habitants de plusieurs lieues à l’entour y portaient carder leurs laines, on y fabriquait des draps, des couvertures que l’on vendait ou échangeait pour des laines. Il y avait aussi une huilerie considérable.
Terre des pages
L’an 1881 le sieur Armand Aumasson du bourg fait construire une habitation pour ses métayers au Champ dit Les Pages. Ce nom avait été à cette terre et à une autre située plus bas parce que c’était auprès d’elle qu’était le chemin où passaient les puissants seigneurs de Rhodes et de Piégut, les uns et les autres parents, les uns et les autres Pages de Rois ou de Reines, de Prince ou de princesses, lorsqu’ils se visitaient.
Ce chemin était à 2 ou 300 mètres au-dessus de la Planche Macoux et descendait du côté de la Valette.
La maison est bénite le 1er janvier 1882. A cette occasion le sieur Aumasson donne la mort à la Grande pierre appelée la Pierre du Berri mais qui était un vrai menhir, seul monument druidique de la commune des Chézeaux.
Incendie au village de Chez Redon en 1879
Le 3 juillet 1879 à 2 heures du matin, le bourg des Chézeaux est réveillé par ces mots lugubres “ Au feu ! Au feu ! A Chez Redon ”. Ils étaient proférés par Louis Dulatier ancien militaire qui, nu-pieds, haletant, annonçait qu’un terrible incendie dévorait la maison de Jean-Baptiste Marcoux.
En un instant, tout le monde est sur pied. Les hommes et les femmes courent à Chez-Redon. La première chose qui s’offre à leurs regards est une maison en feu, mais lorsqu’on leur dit que là, au milieu des flammes, se consume le corps d’une enfant de 4 ans, tout le monde est ému et verse des larmes.
Cette pauvre enfant n’était pas seule victime du terrible fléau. Dans la maison de Jean-Baptiste Joyeux, la plus voisine du sinistre, on voyait, étendu sur des lits, Jean-Baptiste Marcoux âgé d’environ 60 ans, brûlé depuis les pieds jusqu’à la tête, mais vivant encore, Marie-Louise sa fille âgée de 19 ans, les mains, la poitrine et la tête dans un état affreux. Marie Marcoux épouse du père Jamot, les yeux et le front brûlés. Ce spectacle était affligeant et navrait le cœur. Tandis que Madeleine Joyeux et d’autres personnes dévouées donnent les premiers soins aux malades, les autres s’efforcent d’éteindre l’incendie ; bientôt ils sont aidés par les pompiers de St-Sulpice qui font la part du feu et empêchent de plus grands malheurs. Tout le monde fait admirablement bien son devoir. Mais celui qui mérite le plus d’éloges est Jean-Baptiste Joyeux ; quatre fois il expose sa vie pour arracher aux flammes les personnes de la maison incendiée. Quand il a retiré une victime, il va se plonger dans l’eau et les habits tout imprégnés d’humidité, il court en sauver une autre. Le matin de ce même jour meurt Jean-Baptiste Marcoux. Le soir on enterre la pauvre petite Marie âgée de 4 ans, le lendemain Marie-Louise Marcoux rend le dernier soupir dans d’horribles souffrances.
Au mois de septembre, Jean-Baptiste Joyeux reçoit la médaille d’argent première classe (Signé Dufour, curé, témoin oculaire).
L’abbé Dufour a aussi noté les calamités dues au climat
En 1860, la châtaigne manque entièrement. Le raisin ne peut mûrir à cause de l’été froid et pluvieux. Le vin est très cher.
En 1861, la neige et la gelée du 5 au 6 mai font un mal immense à la vigne et aux fruits. Le vin est très cher.
En 1863, l’été est très chaud. Il y a 35 degrés à l’ombre, 40 au soleil.
En 1867, il y a une abondance extraordinaire de pommes de terre et de châtaignes.
En 1868, le 15 et le 16 août, le tonnerre ne cesse de gronder, l’eau tombe à torrent, la rivière déborde de toutes parts, l’eau passe sur les chaussées des étangs, les planches sont emportées partout. Une grande partie de la chaussée de Mondon est détruite. Les flots dans leur fureur, renversent les maisons, déracinent les arbres, font rouler les rochers.
L’année 1870 est remarquable pour sa grande sécheresse et sa chaleur. Depuis le mois de mai jusqu’au mois d’octobre il ne tombe un peu d’eau que le 5 et le 29 août. Les puits tarissent presque tous, les rivières sont à sec. La récolte de blé est assez abondante et de bonne qualité, celle du foin n’est que moitié des années ordinaires. Le prix des bêtes diminue de beaucoup, un grand nombre périt pendant l’hiver rigoureux qui suit, faute de nourriture.
Le dimanche 28 Juillet 1872 une grêle de grosseur énorme tombe dans les paroisses de Mailhac, Cromac, Jouac, Lussac et la Châtre d’Anglin. Les arbres sont déracinés, les moissons hachées. Il y a 505 carreaux brisés dans la paroisse des Chézeaux.
Le 16 septembre 1874, la paroisse est encore ravagée par la grêle quoique moins forte que celle du 28 juillet 1872. Elle fait néanmoins beaucoup de mal.
L’abbé Dufour avait aussi noté “ pendant les mois d’octobre, novembre et décembre 1873, et les mois de janvier, février 1874 une épidémie de fièvre typhoïde règne dans le bourg, au Cluzeau, Puychaffrat, Chez-Redon et monte à la Goutte-Bernard où elle fait sa première victime. Puis plus de 30 personnes en sont atteintes. Plusieurs succombent entre autres Chaput et sa sœur, et Elie Aumasson. La plus grande terreur règne dans la paroisse. On évite de venir au bourg ”.