L’église des Grands Chézeaux

L’église des Grands Chézeaux, la dernière construction du bourg au Nord, est un édifice roman remanié au XVe siècle. Son plan est. rectangulaire.
Les murs buttés par de nombreux contreforts sont percés de fenêtres en plein ceintre, très étroites à l’extérieur, larges à l’intérieur qui est fort sombre.
En 1864, pour lui donner un peu de jour, on a fait percer une fenêtre en face de la petite porte.
Elle est divisée en trois travées voûtées par des croisées d’ogive qui ont remplacé un berceau roman écroulé probablement au moment des guerres anglaises. Ces voûtes étaient autrefois peintes, et en 1872, lors d’une réparation, on s’est contenté de repasser les couleurs pour les raviver ; on a ainsi conservé deux écussons qui timbrent les clefs des première et deuxième travées ; l’un porte d’or au chevron de sable, l’autre d’or à une bande de gueules. Ces armes ne concer­nent ni les seigneurs des Chézeaux, que nous connaissons, ni ceux de La Goutte-Bernard. Les secondes sont celles des de Bridiers : une Marguerite de Bridiers avait épousé en 1494 Raoulin de La Celle, seigneur de Jançay, qui possédait une chapel­lenie dans l’église; l’autre blason nous est inconnu.
La troisième travée, qui abrite le chœur, a pour clef une rosace flamboyante.
Dans la première travée, on remarque de chaque côté deux grandes arcades ogivales qui remplissent tout l’espace compris entre la deuxième et le clocher ; extérieurement, les murs indiquent de nombreuses reprises. Il est à croire que ces arcades faisaient communiquer la nef avec des cha­pelles latérales actuellement détruites.

L’église est précédée d’un massif clocher carré de 7m sur 9 qui masque l’ancienne grande porte et des modillons romans. En 1830 on a retrouvé les fondations d’un porche qui était placé devant. Sa longueur totale est de 24m.

A l’intérieur on voyait autrefois les pierres tombales avec inscriptions des seigneurs de La Goutte-Bernard et des Petit-Pied, qui ont été retaillées il y a quelques années ; l’une d’elles concernant les premiers portait la date 1535. Regrettons la perte de ces inscriptions qui auraient constitué toute l’épi­graphie du canton.

On conserve encore dans l’église une curieuse Pietà en bois du XVIIe siècle. La Vierge, couverte de vêtements longs et amples, tient embrassé le corps du Christ assis sur un gradin ; au pied de celui-ci se trouvent la couronne, les clous, le titulus.
En face, statue aussi en bois de saint Eutrope tenant une palme.

L’église ne possède pas de pièces d’orfèvrerie remarqua­bles ; à la distribution des richesses de Grandmont, en 1790, on lui donna le chef de sainte Anathalie et des reliques de saint Essence, saint Panaphrète et sainte Appollonie, com­pagnes de sainte Ursule, rapportés de Cologne en 1181 par les moines de cette abbaye (Texier, col. 893).
M. Berthommier a signalé dans le Bulletin t. 47, un fer à hosties du XVIIe siècle provenant des Chézeaux.

Les cloches des Chézeaux datent de 1843et 1851 ; elles ont été publiées par M. l’abbé Lecler. L’abbé Dufour dit que le 6 mars 1843 on fit prix avec Mutel, fondeur, pour la fonte d’une cloche du poids de 550 l. Elle fut fondue à La Souterraine, mais pesa 642 l., aussi son prix fut-il de 1162 F. Le jour de Pentecôte 1850 la grosse cloche se brisa ; le même fondeur la refondit à Azérables au mois de septembre suivant ; elle pèse 434 kg. Le parrain de la cloche brisée était André de Lit Forest, lieutenant particulier de Montmorillon ; elle était donc du XVIIe siècle.

Le curé constitutionnel, Jean Gravier, qui sans doute était doublé d’un artiste, traite, le 17 fév. 1793, avec la muni­cipalité des Chézeaux pour refaire le tableau de Saint-Pierre-ès-liens qui se trouve dans l’église ; il réclame pour tout salaire 20 l. et une pinte d’huile, “ promettant led. curé qu’il sera fait dans les formes et que dans le cas où il ne conviendrait pas à la municipalité, il n’en demandera rien (Reg. Révol.).
Ce tableau fut agréé, car il existe encore dans l’église, mais vraiment la municipalité des Chézeaux n’était pas difficile !

L’église des Chézeaux, qui avait pour patron saint Pierre-ès-liens, était à la présentation du prieur de Saint-Benoit ; le droit de fondation était réclamé par le vicomte de Brosses; dans l’aveu de 1552 cette cure, avec son annexe de Saint-­Eutrope, est estimée d’un revenu de 50 l.

Le curé, ne percevant pas les dîmes, était à portion congrue. Le 23 fév. 1790, il déclare que son temporel se compose d’une maison d’une valeur de 400 l. chargée de diverses prières et d’une autre maison valant 600 l. grevée de 6 messes avec service à 3 prêtres.

Les archives de la cure constatent diverses fondations :
– par Jean Souffrain, seigneur de La Vergue (26 février 1661), une rente de 12 l. Il donne en même temps une somme de 300 l. pour doter 5 pauvres filles ;
– par Pierre Goudon, seigneur de L’Héraudière, conseiller à Montmorillon (5 mars 1689), une rente de 16 s. pour la lampe ;
– Charlotte Petitpied (27 mars 1695), une rente de 6 I.

Citons encore André de La Forêt, conseiller à Montmorillon ; N. Gaillard, veuve Pierre de La Gastine, seigneur de Lizière ; Jean Peuchaud, maître de poste en 1729.

Les seigneurs de La Goutte-Bernard avaient droit de tombeaux devant l’autel de Sainte-Catherine qui se trouvait à main droite dans l’église. Ce droit, leur fut contesté en 1532 par les Pot de Rhodes, comme seigneurs des Chézeaux. Vers 1780, Mad. de Rochechouart, ayant fait peindre, à l’occasion de la mort de sa mère, à l’intérieur et à l’extérieur de l’église, une litre ou ceinture funèbre, fit disparaître les armes de la famille Martin de La Goutte-Bernard qui se trouvaient au dessus de leur banc, d’où procès terminé par la Révolution (Cf. Manuscrits de l’abbé Dufour). La litre extérieure est encore en partie visible.
Tous les Souffrain, seigneurs de La Vergne, sont aussi inhumés dans l’église de 1661 à 1706.

Vers 1762, l’église étant en très mauvais état, l’évêque permit de célébrer le service dans la chapelle Saint-Eutrope, sauf les jours de grande fête ; les habitants avaient fait valoir que leur église était fort éloignée du centre du bourg.

Le culte fut repris le 21 prairial an XI ; quelques jours après, des voleurs s’introduisirent dans l’église et enlevèrent tous les vases sacrés qui étaient en argent. Lors de l’appli­cation du Concordat, la qualité de paroisse fut maintenue aux Chézeaux à la suite d’une délibération prise le 18 thermidor an XII, exposant que “ le bourg est vaste et bien bâti, belle place et très sain ; qu’il y a des foires et des marchés, de belles auberges ; qu’il y avait avant la Révolution plusieurs justices subalternes qui y tenaient audience ; qu’il y a encore plusieurs notaires, huissiers et percepteur ; qu’il s’y fait un grand commerce de vins, eau-de-vie, sel, mercerie ; qu’il y a une très belle église et une grande dévo­tion à Saint-Eutrope ” (Cf. Manuscrits de l’abbé Dufour).
Dès 1457, il existait dans l’église une chapellenie de N.-D. qui avait été fondée par les seigneurs de Jançay ; d’après déclaration du 4 fév. 1491, son temporel était assigné sur le moulin Bardon, Le Genet, le moulin de La Villeaubrun et Maillasson. Le titulaire était tenu de dire 3 messes par semaine et de donner aux pauvres chaque dimanche pour dix deniers de pain ; il devait en outre “ tenir lampe jour et nuict ardente devant le corps de Dieu ”. Léonard Martin, était titulaire en 1491, Pierre Chanteclerc en 1508 Pierre Pipaud succède à Guillaume de Cosma  en 1553 (9406).