La F.A.M.A. (Fabrication Artisanale de Maroquinerie d’Art).
En 1960, les pionniers des usines à la campagne arrivèrent en Limousin. On ne pouvait s’empêcher de penser à un retour, après un début de siècle qui avait vu se fermer, les unes après les autres, maintes fabriques artisanales victimes de la prospérité de l’industrie. Saint-Sulpice-les-Feuilles connait bien cette aventure… Mais reprenons un peu l’ordre chronologique des événements.
En 1963 Sigismond Vogel travaille comme artisan sous-traitant à Paris. Il confectionne des porte-monnaie pour quelques grandes marques françaises spécialistes du cuir. Son affaire ne lui permet pas, toutefois, un développement conséquent sur la capitale où le terrain demeure cher et introuvable. L’idée lui vient alors de s’installer à la campagne et il envisage de descendre à Argenton sur Creuse (Indre).
Par quel hasard, on ne le saurait pas, l’ancien maire de St Sulpice, aujourd’hui décédé, M. Maxime Letourneur, prend contact avec Sigismond Vogel et lui propose un terrain où installer sa fabrique. L’affaire est acquise.
L’artisan fabrique des porte-monnaie. Il engage du personnel de la commune et des environs et entreprend de développer son atelier. Des porte-monnaie, on passe alors à l’échelle supérieure et la petite entreprise étend son activité : porte-monnaie mais aussi blague à tabac, trousses d’écoliers, petits sacs, porte-main, dossiers en cuir, pochettes, portefeuilles, porte-cartes, étuis à lunettes… A St Sulpice, la fabrique d’escarcelles ne cesse de prospérer. Du personnel est engagé, l’activité grandit, le marché se développe. Une ombre cependant : Sigismond Vogel envisage de prendre sa retraite…
Cela c’était il y a cinq ans. Depuis, l’artisan a pris sa retraite et sa jeune épouse a pris la relève. Yvette Vogel a pris la direction générale et commerciale de cet atelier qui, aujourd’hui a pris la forme d’une société, la F.A.M.A., et emploie 50 personnes. L’origine de l’activité, elle, n’a guère changé… on s’applique toujours a confectionner les pièces de cuir qui seront signées, s’il-vous plait, par les plus grandes marques de maroquinerie françaises. Il y a d’ailleurs de forte chance pour que votre porte-monnaie ou votre portefeuille, quelle que soit sa marque, ait été fabriqué à Saint-Sulpice-les-Feuilles, sans que personne ne le sache car l’entreprise se fait un devoir d’anonymat et de mutisme. L’ancien directeur artisan explique : « Pour notre part, discrètement, nous travaillons pour les grossistes. Eux, ensuite, se chargent de distribuer dans les magasins et boutiques ».
L’entreprise limousine, qui fournit la marchandise attendue par les centrales d’achat, tente aussi, depuis quelques années, de conquérir le marché international. En collaboration avec la chambre d’industrie et de commerce de Limogés, elle s’est efforcée de devenir compétitive sur le marché mondial. Tentative réussie, puisque le marché s’est ouvert : la Belgique et la Suisse sont désormais de gros clients, et une percée s’accentue aux États-Unis.
Bref, environ 10% des produits en cuir fabriqués à Saint-Sulpice-les-Feuilles, sont déjà destinés à l’exportation, un chiffre tout de même appréciable puisque l’on sait que la production de l’atelier est de 60 000 pièces par mois. Soulignons en outre que la gamme est des plus variées et que 300 pièces différentes naissent des doigts agiles et des machines outils.
Vingt ans plus tard, Saint-Sulpice-les-Feuilles ne regrette rien. Sa fabrique de campagne peut faire rêver bien des communes rurales. L’école tient bon, le petit commerce sait qu’il doit à un artisan téméraire d’avoir maintenu au pays une bonne partie de sa jeunesse. A l’heure à laquelle nous écrivons M. Sigismond Vogel est décédé, mais la F.A.M.A. poursuit son activité.