Les renseignements nous ont été communiqués très aimablement, par M. Paul Lafay, actuellement en rééducation, et auquel nous laissons la parole :
« L’ancêtre commun de notre famille avec M. Henri Bonnet, les famille Bouzat et Letourneur de Saint-Sulpice-les-Feuilles, est Sylvain Bonnet dont le père Pierre Bonnet était menuisier au château de Rhodes. Il s’est donc marié en 1811 à Mouhet avec Eulalie Sigonnaud, creusoise d’un village de Saint-Sébastien. Ils eurent 3 fils : Arsène (sans descendance), Eugène (mon arrière grand-père), Basile (grand-père d’Henri Bonnet) et une fille Eugénie.
Mon arrière grand-père était le chef des républicains de la région. Le chef des bonapartistes était le notaire des Chézeaux Georges Aufort et le chef des royalistes M. De Fougières habitant le château de la Goutte-Bernard. Quelques détails m’ont été communiqués par M. Henri Bonnet. Les trois chefs ne se regardaient pas dans la rue, mais la nuit tombée, se retrouvaient chez l’un d’eux. J’ai la lanterne sourde qui servait aux déplacements nocturnes de mon trisaïeul.
En 1848, il a planté l’arbre de la liberté. J’ai connu celui-ci, superbe et gigantesque ormeau en face de la mairie.
Au coup d’État de Napoléon III, il était sur la liste des arrestations et a dû prendre le maquis dans les bois d’Aufort qui le ravitaillait : l’amitié l’emportait sur la politique ! Il eut 2 enfants : Charles Pharmacien à Dreux et maire de cette ville et Judith ma grand-mère, épouse de Léonard Coulaud né à Jabreilles (Haute-Vienne) et Directeur de l’école d’Arnac-la-Poste où il a laissé un profond souvenir. Quand on a changé l’école et son matériel (vers 1960) j’ai racheté comme souvenir des tables de classe et la chaire de mon grand-père. Un homme de 83 ans s’est approché et m’a demandé en quoi ces vieilleries m’intéressaient. Je le lui ai dit. Il s’est découvert, mis au garde à vous et m’a dit : « Permettez-moi de vous serrer la main. Je n’ai pas eu l’honneur d’être l’élève de M. Coulaud mais mon père l’a été et m’en a beaucoup parlé ». De fait, mon grand-père était le vrai juge de paix du coin. Quand le notaire et maire avait des difficultés entre gens et n’arrivait pas à les mettre d’accord, il leur disait : « Allez-voir M. Coulaud ». On lui répondait : « Ce sera d’accord ; avec M. Coulaud, on est sûr que ce sera juste ». Ces renseignements m’ont été donnés par une descendance du notaire. J’ai le matériel d’arpentage qu’utilisait mon grand-père lors de partages pour héritages.
Il a épousé Judith Bonnet et ils eurent une fille, Alice née le 6 octobre 1867. Celle-ci épousa M. Marcel Moulinier, receveur de l’enregistrement à Saint-Sulpice-les-Feuilles. Son mari mourut subitement lui laissant une fille, Marcelle qui épousa en 1911 un jeune magistrat de Bergerac originaire du Bugne, Louis Chaussade qui termina sa carrière comme 1er président de cour d’appel à Agen. Ils eurent deux fils Pierre (en 1913) et Jean (en 1917).
Pierre a fait carrière dans les cabinets ministériels puis termina comme I.G.A.M.E. à Rouen. Sous-préfet de Brive en 1944, il a beaucoup aidé la Résistance. Jean, sortant de l’école coloniale, débuta en Afrique. En 1942 il fut mobilisé, fit les campagnes de Tunisie, d’Italie et de France. Après la guerre il fut préfet puis directeur des D.O.M.-T.O.M. (Départements d’Outre Mer et Territoires d’Outre Mer) au Ministère de l’Intérieur.
Ensuite, ma mère s’est remariée avec Antoine Lafay, né le 19 juillet 1867 à Chantelle (Allier). Celui-ci était alors inspecteur primaire à Bellac. Ses inspections l’amenaient dans la région et c’est J.-B. Bouzat, directeur de l’école de Saint-Hilaire-la-Treille qui servit d’intermédiaire. Mon grand-père Lafay était vigneron. Sur sa généalogie je sais peu de chose, seulement que son grand-père Gilbert Lafay fit la campagne de Russie avec Napoléon 1er et fut du 1% qui en revint ! Un arrière grand-oncle fit la campagne de Crimée sous Napoléon III. Aussi mon grand-père était-il bonapartiste alors que ma grand-mère née Anne Licrosse était plutôt royaliste et mon père républicain. Mon père était veuf avec une fille, Louise qui en 1920 épousa Philippe Brun, commissaire de police et qui eut 3 enfants : Geneviève, Philippe et Michel. Geneviève a épousé un ingénieur qui fut directeur chez Brandt. Michel fut officier. Il passa par l’École de la Garde de Guéret. En 1944 La Garde prit le maquis ; Guéret fut libéré mais repris par une contre-attaque. Michel resta dans l’armée dans l’artillerie. Après la guerre il continua comme Officier de la Légion étrangère. Il prit sa retraite anticipée comme Lieutenant colonel et entra chez Brandt. Philippe, après son Droit, entra au Crédit du Nord où il fit une belle carrière. De Bellac, mon père fut nommé à Guéret et en 1904 fut nommé sur place Directeur de l’École Normale de garçons.
C’est là où je suis né en 1907. L’école m’a laissé un souvenir ineffaçable. Élève à l’école annexe, je suis allé au lycée en 1917 jusqu’au baccalauréat (1923-1924 car il y avait alors deux parties et deux examens distincts). Je partis ensuite comme interne au Lycée Saint-Louis de Paris, alors le meilleur lycée scientifique de France. J’y fis deux années : mathématiques spéciales préparatoires (actuellement Maths-Sup) et Mathématiques Spéciales avec d’excellents professeurs. J’ai tenté sans succès le concours de l’École Normale Supérieure de la Rue d’Ulm. J’ai changé de voie pour deux raisons. D’une part, l’internat ne me convenait pas. D’autre part, je voulais être physicien et en Spéciales on était submergé par les Maths. J’ai continué mes études à la Faculté des Sciences (alors à la Sorbonne). J’ai été reçu à la licence es-sciences physiques (1927) au diplôme d’études supérieures (1928) à l‘agrégation (1929).
J’ai préparé celle-ci comme auditeur libre à l’Ecole Normale Supérieure d’Ulm (cela m’a fait gagner 1 an). Le Directeur Vessiot, m’avait d’abord refusé d’être auditeur (j’étais plus jeune que tous ses élèves candidats à l’agrégation). Je suis entré sur les instances de mon ancien professeur de Spéciales M. Grévy, ami d’études de Vessiot.
J’ai travaillé avec acharnement car mon père était arrivé à l’âge limite et m’avait dit qu’une fois à la retraite, il ne pouvait plus m’aider. J’ai été reçu premier à l’agrégation de physique et je crois que ce fut la plus grande joie de mon père.
En même temps, j’avais passé le concours de P.M.S. (préparation militaire supérieure). Ayant eu une mauvaise angine j’ai été incorporé en retard. A l’école d’artillerie de Poitiers on m’a mis en réforme temporaire pour 6 mois. Je suis donc revenu à Poitiers en mai 1930 dans la brigade automobile. Je sortis major de promotion.
Après mon service militaire j’ai fait un trimestre au Lycée de Bayonne et en octobre 1931 j’ai été nommé à Montpellier pour les classes de Spéciales et Spéciales Préparatoires. J’ai fait 4 ans dont je garde de bons souvenirs : les élèves étaient gentils et travailleurs, mon collègue de maths, charmant.
En 1935 je fut nommé à Saint-Louis, heureux de retrouver mon vieux lycée. J’ai enseigné d’abord dans une classe préparant à l’Institut National Agronomique. En 1937 j’ai eu une classe de Spéciales jusqu’à ma retraite en 1969. J’ai donc passé 36 ans de ma vie à Saint-Louis.
En 1935 je me suis marié avec Lucienne Beaugérie de Pierre Buffière, patrie de Dupuytren. Nous avons eu trois fils : François (1938), Jean-Paul (1939) et Étienne (1944).
François a été reçu à l’Ecole Supérieure d’Électricité. Il est donc ingénieur E.S.E. ; il est entré à E.D.F. où il a une belle situation. Jean-Paul, le plus doué en maths, a refusé d’aller en Spéciales. Il a dit « Je veux être vétérinaire », je lui ai demandé de bien réfléchir. Il a été inébranlable. Il est donc allé en classe de vétérinaire au lycée Lakanal à Sceaux. A l’époque il n’y avait pas de classe spécialisée à Paris. Il a été reçu dans un bon rang et est entré à Alfort. Il a d’abord exercé à Saint-Paul en Haute-Vienne où il trouvait la clientèle trop exigeante.
De plus marié en 1965, sa femme née Michèle Bugnard n’aimait pas la pluie Limousine.
Il est allé vers la Corse à Corte en 1978. Il a défrayé la chronique début 1983 ayant été victime d’un attentat du F.L.N.C. (Front de Libération Nationale Corse). Grâce à des intermédiaires, les affaires se sont tassées et il a pu rester à Corte sans incident nouveau. Étienne a toujours beaucoup admiré Jean-Paul. Il a voulu aussi être vétérinaire. Heureusement on avait créé une classe à Saint-Louis. Reçu dès le ler concours, son classement lui barrait Alfort et il est allé à Toulouse. A sa sortie, il a travaillé dans divers organismes et actuellement il dirige un laboratoire de produits vétérinaires à Bordeaux. Marié en 1965 il a eu trois fils : Stéphane, Marc et Pierre.
Au total nous avons 9 petits enfants, cinq garçons et 4 filles. François a un fils Benoît et trois filles : Béatrice, Emmanuelle, Anne-Claire. Jean-Paul a un fils Philippe et une fille Valérie. Étienne a trois fils.
Le 31 octobre1985 nous avons eu le bonheur de réunir toute notre famille pour nos noces d’or.
La jeune génération est solide. Les deux plus grands arrivent à 20 ans.
Philippe est étudiant à l’I.S.E.P. (Institut électronique de Paris) et Stéphane est reçu à l’E.C.B. (École de commerce de Bordeaux).
L’ancêtre Sylvain Bonnet pourrait être fier de sa descendance : il y a eu un ambassadeur de France, deux doyens de faculté, un directeur régional de l’enregistrement, un conseiller d’état…
Le nom de Lafay (du latin fagus, le hêtre) ne se perdra pas. Si ma vie devait recommencer, je souhaiterai qu’elle soit ce qu’elle fut. Revenons à la maison des Chézeaux. Des papiers indiquent qu’en 1513 elle était maison noble. En haut de l’escalier de pierre à vis est gravée une date, 1601, à l’entrée d’un pigeonnier (qui n’était autorisé qu’aux nobles). Au 18e siècle la partie arrière était relais de poste sur le chemin Paris-Limoges (je crois qu’il fallait 9 jours de trajet). Un maître de poste a fait graver sur le porche ses initiales et la date L.P. 1689 (Louis Petipied). La création de la route
royale (la RN 20 actuelle) a dépossédé les Chézeaux au profit de Boismandé, puis le rail a tué la route.
J’ai retrouvé la trace d’un passage allant du relais aux écuries. J’ai racheté les anciennes écuries pour y faire atelier, bûcher et garage. Le passage a été supprimé à la Révolution. A la place fut construit un four à pain individuel. A la fin du 18e siècle les deux parties de la maison appartenaient à des propriétaires différents. Devant : la famille Gravier, derrière : Mlle Marie Anne Aufort. Mon arrière grand-père a épousé une fille Gravier ou une proche parente si bien que c’est là où il a habité. Il a ensuite hérité de la partie arrière. Mon grand-père Coulaud a fait détruire la façade qui avait d’anciennes fenêtres jolies mais très petites (vers 1880). Dans la salle à manger j’ai conservé le dallage de pierre qui a plusieurs siècles. J’aimais me retrouver dans ma vieille maison et j’espère qu’avec la rééducation je retrouverai avec grand plaisir mes vieilles pierres, mes arbres fruitiers, mes fraisiers, mon châtaignier séculaire qui fait près de 6 m de tour à 1 m du sol et que je pourrai de nouveau dire :
Aux Chézeaux
Bien au chaud
Plus de maux
Tout est beau »