Dans le cadre que nous venons de décrire s’agite une population qui, d’après le dernier recensement, est de 9733 habitants ce qui, par kilomètre carré, donne 42,13 : chiffre inférieur à celui du département qui est de 69. La population spécifique pour la France est de 72 habitants par kilomètre carré ; notre pays est donc peu peuplé.
D’après le tableau ci-dessous, on voit que le maximum de densité de population se trouve dans la commune de Saint-Sulpice et le minimum dans celle de Jouac.
Ce même tableau montre que cette population est répartie en 275 lieux habités comprenant 2367 maisons, Il donne par surcroît le nombre d’électeurs.
Sous l’ancien régime, les recensements précis sont fort rares ; Nous n’en avons trouvé qu’un seul : il concerne Lussac ; on se contentait soit du nombre de communiants, soit du nombre de feux.
D’après les procès-verbaux des visites épiscopales de 1762-1765, nous trouvons que les neuf paroisses qui composent actuellement notre canton avaient 5250 communiants.
Le Pouillé, publié par M. l’abbé Lecler, ne donne que 3610 communiants en 1773, tandis que celui de la Bibliothèque de Limoges, de la même époque, en accuse 8490. On voit combien ces renseignements sont peu exacts.
Le recensement de Lussac qui, précisément, distingue entre les communiants et les enfants, 1217 contre 495, va nous permettre de traduire d’une façon approximative les chiffres ci-dessus.
En appliquant cette proportion au résultat de 1762-1765, on trouve pour cette époque une population totale de 7385 habitants, tandis qu’en 1773, elle n’est que de 5078 habitants. Nous ne chercherons pas à expliquer cette différence.
A la Révolution, nous rencontrons quelques renseignements épars : les trois communes de Lussac, Jouac et Saint-Martin ont, en l’an IV, une population de 2101 habitants
les recensements suivants nous montrant que la population de ces trois communes représente 28 % de la population totale, on obtient ainsi pour le canton à cette époque 7500 habitants.
Le premier recensement précis est de 1806 ; il donne 7216 habitants ; nous avons donc gagné en un siècle 2517 habitants. Ce gain tend à décroître tandis qu’en 1830 la population du canton est de 9218, en 1837, de 11571, les trois derniers recensements donnent pour 1891, 10119 habitants, pour 1896, 9838, et pour 1901, 9733 : nous n’échappons pas à la loi commune de la dépopulation.
Il est vrai qu’il ne faut pas prendre trop à la lettre les enseignements à tirer de ces chiffres, car, dans notre pays, il y a lieu de tenir compte du courant d’émigration qui, suivant l’importance des travaux des villes, s’accroît ou diminue et fait descendre ou monter le chiffre de la population résidente au moment du recensement. Ainsi les travaux entrepris à Paris, sur la fin de l’empire, avaient fait baisser d’une façon considérable les résultats du recensement de 1866.
Dans les résultats du recensement de 1901 , la Haute-Vienne tient un excellent rang, tant au point de vue de sa forte natalité que de sa faible mortalité ; il en est de même du reste pour tout le Plateau Central.
Voici pour notre canton les moyennes des dix dernières années, avec mis en regard les résultats généraux :
A. Natalité. — France, 2,20 % département, 2,48% canton, 2,07 % (Ces chiffres ne comprennent pas les mort-nés). Elle varie dans d’assez fortes limites à Saint-Sulpice, elle atteint 2,32 pour 100 habitants, tandis qu’à Lussac, elle n ‘est que de 1,92%. Le département se classe 9ème . Comme partout, le nombre des filles est supérieur à celui des garçons pour nos communes, le rapport varie entre 1,03 et 1,10 ; pour la France, le rapport de 1901 est de 1,03.
B. Nuptialité. — France, 1,56 % ; Haute-Vienne, 1,70 %. Le canton ne donne que 0,88 mariages sur 100 habitants ; le maximum est atteint à Saint-Sulpice avec 1,29 et le minimum à Mailhac avec 0,72 %. Cette nuptialité très faible paraît due à l’émigration qui fait marier à Paris et dans les grandes villes un certain nombre de jeunes gens. Le département se classe 4ème .
C. Mortalité. ¾ France, 2,02 % ; Haute-Vienne, 2,62 % canton, 1,74 % ; voici les moyennes de chaque commune : Mailhac 1,32 ; Jouac 1,59 ; Arnac 1,62 Saint-Georges 1,61, Saint-Sulpice 1,80, les Chézeaux 1,83, Lussac et Cromac 1,87 ; Saint-Martin 2,25. Le département arrive troisième par sa faible mortalité.
D. Excédent des mariages sur les décès. — Cet excédent, qui représente l’accroissement de la population, est pour la France de 0,19 ; pour le département de 0,86 pour le canton de 0,33 %; Mailhac a le maximum avec 0,78 et Lussac le minimum avec 0,05 %.
Pour la mortalité, nous avons dressé les tableaux ci-après pour les XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles.
XVII° siècle
XVIII° siècle
XIX° siècle (1891-1900)
Le premier n’est pas exact en ce qui concerne les enfants, les registres d’état civil ne constatant à cette époque que les décès des grandes personnes et de quelques enfants ; on voit que le maximum de mortalité a lieu entre 31 et 50 ans.
Ce n’est qu’à partir de 1773 que les curés constatent le décès de tous les enfants, sauf des mort-nés ;
Le deuxième tableau contient de curieux renseignements sur la mortalité enfantine qui autrefois était énorme.
Sur 100 décès, les enfants de dix ans et au-dessous figurent pour 49,32 % à Arnac ; 45,7o à Saint-Sulpice ; 44,89 à Lussac et seulement 34,56 aux Chézeaux.
Le maximum de mortalité est plus élevé que dans le siècle précédent : il est compris entre 41 et 6o ans ; pour les Chézeaux même il a lieu entre 71 et 8o ans.
Le troisième tableau montre combien à notre époque, grâce aux progrès de l’hygiène et aux lois récentes sur la protection de l’enfance, la mortalité enfantine a diminué ; jusqu’à 10 ans, elle n’est plus que de 16,09 %. On y voit aussi que le maximum de mortalité se produit entre 71 et 8o ans ; voici qui réduit à néant la légende qui prétend qu’autrefois on vivait beaucoup plus vieux qu’actuellement.
Dans ce tableau on remarquera que pour 7 communes un accroissement sensible de la mortalité entre 21 et 3o ans ; elle diminue ensuite. C’est sur le compte de la tuberculose que l’on doit rejeter cet accroissement.
Dans la commune de Saint-Sulpice, pour les cinq dernières années, les tuberculeux entrent dans la mortalité pour plus de 8 %. A Cromac cette proportion est de près de 7 %.
Tuberculose et alcoolisme se lient intimement : ici nous n’échappons au fléau qui sévit sur toute la France ; mais l’absorption de l’alcool semble en forte baisse, conséquence de la nouvelle loi sur les boissons hygiéniques : la consommation d’alcool pur qui, pour le canton était en 1901 de 1,64 l. par habitant, est tombée l’an dernier à 0,97l.*. En revanche la consommation du vin est devenue d’un usage courant et elle a augmenté dans de fortes proportions. Elle est de 1 hectol. 16 par tête.
*La France occupe le 7ème rang dans la consommation de l’alcool avec 4,o8 l. par habitant.
De ce chiffre relativement faible, il ne faudrait pas conclure que les conséquences de l’alcoolisme sont ici moins grandes qu’ailleurs : il ne faut pas oublier que nos ouvriers émigrent. C’est à Paris et dans les grandes villes qu’ils s’intoxiquent ; le nombre croissant d’aliénés en est une preuve lamentable et pour ceux-là on ne peut invoquer le surmenage intellectuel : alcoolisme et aussi syphilitisme sont les seuls agents en cause. Saint-Sulpice seul entretient à Naugeat six aliénés.
La santé
Il y a dans le canton 121 débitants et marchands en gros, dont 20 pour le seul chef-lieu de canton, soit un pour 8o habitants.
Tonner contre l’alcoolisme n’est pas chose nouvelle et le 18 novembre 1760, le procureur de cour de Lussac dénonce les hôteliers qui donnent à boire à toute heure, même la nuit, « en sorte que les habitants tombent dans une ivrognerie impitoyable, ce qui occasionne à ces buveurs insatiables des querelles, des blasphèmes affreux jusqu’à maltraiter et les mettre hors d’état de se conduire chez eux, ce qui les met ainsi que leur famille hors d’état de se substenter ». Sur ses réquisitions, le juge prend des mesures énergiques en ordonnant la fermeture des cabarets à cinq heures du soir de la Toussaint à Pâques, et à sept heures le reste de l’année ; ils devaient, en outre, être fermés pendant les cérémonies religieuses ; le tout à peine de trois livres d’amende, tant contre les cabaretiers que contre les buveurs*.
*Archives de la Haute-Vienne, Papiers de justice de Lussac.
Une délibération de Saint-Sulpice du 25 novembre 1823 constate que les cabarets sont toujours pleins de buveurs et ordonne leur fermeture pendant les offices des dimanches et fêtes : il y avait alors quatre cabaretiers et un maître de billard.
L’état sanitaire est généralement bon, à part les affections tuberculeuses que nous avons signalées, et actuellement les maladies épidémiques paraissent ignorer le chemin du canton. Il n’en était pas ainsi autrefois : nous voyons qu’en 1597 une épidémie décima la paroisse de Lussac, à tel point qu’il ne se trouvait plus d’officiers pour rendre la justice. En 1767 une épidémie sévit sur la paroisse d’Arnac où, cette année-là, on compta 121 décès* ; sur ce chiffre il y a 69 enfants au-dessous de 10 ans ; à la Villeaubrun notamment il y eut dans les trois derniers mois de l’année 17 décès dont 14 enfants. A Saint-Georges, en l’an XI, on note 48 décès et 64 en l’an XII ; la moyenne annuelle était comprise entre 25 et 3o.
*La moyenne annuelle était de 65 décès.
Il y a 4o ans, les fièvres intermittentes existaient à l’état endémique dans toute la campagne : le dessèchement des étangs, la substitution des routes empierrées aux chemins semés de fondrières, enfin les défrichements les ont fait entièrement disparaître. La fièvre typhoïde, qui était autrefois commune, tend à devenir rare, bien qu’il soit difficile de faire prendre, dans les villages où un cas se déclare, des mesures prophylactiques.
Sous l’ancien régime, nous n’avons pas rencontré de médecins, mais les chirurgiens étaient très nombreux, ainsi le seul bourg de Lussac en comptait 5. Nous trouvons, en outre, des opérateurs à Arnac (1644-1670) ; à Lussac (1661) ; un oculiste aux Chézeaux en 1779. Signalons aussi la présence à Lussac, en 1748, du sieur Giusepe de Carllini, opérateur spargirique italien.
La thérapeutique de ce temps est souvent singulière : dans une consultation écrite donnée le 22 janvier 1766 par Lamure, médecin de Montpellier, à la femme d’un notaire d’Arnac, qui paraît atteint d’hydropisie, il lui est prescrit de prendre « le matin un bouillon fait avec le collet de mouton, demi-once de racine de patience sauvage, deux dragmes de racine de pivoine mâle et demi poignée de cresson d’eau ; si l’on ne s’en étoit pas bien trouvé, on ajouteroit au bouillon une vingtaine de cloportes prises en vie, lavées et écrasées. »
Les apothicaires ont souvent fait défaut ; on en rencontre à Arnac, de 1646 à 1696 ; à Lussac, de 1654 à 1714. Ils se mêlaient aussi de soigner les malades : le 20 mai 1667 Pierre Gayot, apothicaire d’Arnac, donne quittance de 5o livres pour avoir traiter, panser et médicamenter Pierre de la Mareschère « d’une sertaine playe dans la cuisse, partie destre, de la grandeur de la paulme de la main, pénétrante jusque à l’os ; plus une aultre playe en la jambe de la mesme partie sur l’os tibiat avec grande excoriassion, de la grandeur de quatre doit, pénétrante jusque à l’os, desquelz playe il luy avoit falleu faire couture pour consolider ; et pour l’avoir traicté et pansé pour le temps et espace de deux mois ou environ continuellement. »
Les médecins n’apparaissent qu’au commencement du XIX° siècle ; actuellement il y a dans le canton six médecins, trois pharmaciens et trois sages-femmes.
Pour la période 1891-1900 la moyenne de la vie est, tous les décès compris, de 51 ans ; déduction faite des enfants au-dessous d’un an, elle atteint 6o ans, et les enfants au-dessous de 6 ans défalqués, elle est de 64 ans.
Les centenaires sont peu nombreux ; sous l’ancien régime, le plus âgé, Léonard Prévost, meurt au Mont en 1693, à l’âge de 103 ans.
De 1825 à nos jours nos tables de décès nous ont donné huit centenaires dont 2 hommes et 6 femmes ; les deux existences les plus longues ont été celle d’Anne Bassinet, décédée à Chez-Gros-Jean le 23 juin 1835 à l’âge de 108 ans et d’Anne Mencier, veuve Cadillon, décédée à Mondon le 7 février 1837 à 106 ans.
Il serait curieux, dans une monographie d’un pays, de classer d’une part, les familles sans enfant, d’autre part celles qui ont postérité ; puis de grouper celles-ci suivant le nombre de leurs enfants..
Ce travail pourrait s’effectuer avec beaucoup de patience, mais il demanderait une connaissance parfaite du pays. Nous n’avons pu l’entreprendre d’une façon générale pour toute la population, mais des documents que nous avions sous la main nous ont permis d’obtenir des renseignements approchés : nous avons dépouillé une période de dix années de déclarations de successions et nous avons constatés les résultats suivants :
Les familles d’un et deux enfants forment plus de la Moitié, exactement 58,55 %.
Ces résultats portent sur 62,65 % de la population, car c’est ce chiffre qui représente le nombre de successions déclarées sur 100 décès.
Il nous a paru intéressant de pousser plus loin ce travail de statistique et nous l’avons refait en tenant compte de l’importance des successions déclarées. On touchera du doigt la diminution de la natalité dans les familles à mesure que la fortune augmente : dans la première catégorie on trouve des familles de 9 enfants, c’est le maximum ; dans la catégorie suivante le maximum est de 8 ; dans la troisième de 7 ; dans la dernière de 5.
Les familles d’un et deux enfants représentent 53,5o % dans la première, 64,34 % dans la deuxième ; 67,29 % dans la troisième ; enfin 70,6o % dans la quatrième.
Autrefois on se mariait fort jeune ; l’âge nubile était 14 ans pour les garçons et 12 pour les filles.
Voici une statistique à ce sujet, prise sur les registres d’Arnac.
Sur 100 mariages, 15 fois la femme est plus âgée que le mari dans la première période et 5 fois la seconde.