Nous ne connaissons pas, pour notre canton, de trouvailles de stations de l’époque paléolithique. Si l’on reporte les stations connues sur une carte, on remarque que seules les zones calcaires ont été habitées à cette époque. Trois motifs retenaient, en effet, l’homme sur ces terrains : il y trouvait tout d’abord la matière première de ses outils et de ses armes taillés dans des rognons de silex ; dans les vallées, il rencontrait des rochers minés par les eaux ou même des grottes qui lui servaient d’abri. Enfin, sur les plateaux calcaires et crétacés, il pouvait circuler et chasser à travers la forêt peu touffue et partout découpée par des clairières arides. Il hésitait, au contraire, à s’engager au milieu des forêts inextricables qui croissaient dans l’humidité des terrains granitiques et où, d’un autre côté, les schistes et les granits ne pouvaient lui fournir ni armes ni outils*.
* Cours d’archéologie régionale à la Faculté des Lettres de Poitiers, par M. Lièvre. Cf. Compte rendu par M. Ginot dans la Revue poitevine, 1890.
Pour la période suivante, il n’en est plus de même et nous trouvons dans notre canton de nombreux restes de l’époque néolithique : le climat de nos contrées est devenu plus sec et les cours d’eau ont considérablement baissé ; puis l’accroissement de la population a obligé l’homme à étendre son territoire ; enfin il a obéi au désir de voir ce qu’il y avait plus loin ; il a cédé à cette vague mais puissante attraction de l’inconnu.
Parmi les trouvailles d’objets de cette époque, nous citerons celle d’une hache en silex à Puichaffrat, en 1881, par l’abbé Joyeux. A Cromac d’autres haches ont été rencontrées par M. Genty, instituteur. L’an dernier nous avons constaté la trouvaille à Piégut d’une superbe lame en silex blond. Nous-mêmes nous avons trouvé au-dessous des fondations romaines de Virevalais un couteau de même matière.
Mais la présence des hommes de cette époque est surtout révélée par leurs sépultures.
Ces sépultures étaient de deux sortes les dolmens et les tumulus.
Le dolmen est une sorte de caveau ou de chambre sépulcrale dont les parois sont formées de fortes dalles de pierre posées debout et supportant, en forme de toiture, une autre dalle souvent énorme.
Le tumulus est un tertre circulaire ou ovale composé de pierres et de terre et recouvrant une chambre sépulcrale, qui parfois est un véritable dolmen, mais qui le plus souvent est bâtie à pierres sèches.
Ces deux sortes de constructions se retrouvent dans notre pays où elles ont fait l’objet d’une étude de M. de Beaufort*. Depuis l’époque où il écrivait jusqu’à maintenant, le vandalisme en a détruit un certain nombre.
De ses recherches et des nôtres, il résulte qu’on a constaté dans notre canton onze dolmens et onze tumulus, à quoi il faut ajouter deux menhirs dont nous dirons plus loin la destination.
*Recherches archéologiques dans les environs de Saint-Benoit-du-Sault. Mém. de la Société des Antiquaires de l’Ouest, 1852. Nous y avons fait de nombreux emprunts.
Les onze dolmens sont les suivants :
– Communes de Saint-Sulpice : dolmens de l’Age-Maillasson ou des Bras, de Berlande, de Peuchaud, de Virvalais, de Lacou.
– Commune d’Arnac : dolmens de l’Héritière, du Four des Fées et de la Pierre-Virdouaire. (Ces deux derniers, détruits vers 1868, figurent encore sur la liste des monuments histo¬riques.)
– Commune de Cromac : dolmen des Redondes, dit Pierre¬-à-la-Martre.
– Commune de Mailhac : dolmens de Bouéry et de la Vaudelle (tous deux désignés sous le même nom que le précé¬dent).
Ces dolmens sont tous en granit, sauf celui des Redontes qui est en schiste noirâtre.
La forme de la table est le plus souvent irrégulière et ne paraît pas avoir subi de préparation.
Trois seulement portent des traces de travail : celui de l’Age-MailIasson présente une large entaille indiquant qu’il a dû servir de polissoir. Ceux de la Vaudelle et de Bouéry portent de petites fossettes. Sur le premier, elles sont au nombre de sept, rangées en triangle ; elles ont 6 centimètres de diamètre sur 2 centimètres de profondeur ; sur le second, elles sont au nombre de onze, irrégulièrement dispersées. Deux d’entre elles sont réunies par un canal de quelques millimètres de largeur.
Certains ont voulu voir dans ces signes cupuliformes une écriture rudimentaire ; le dolmen des Gorces près de Parnac porte vingt-deux cupules de 6 centimètres de diamètre.
Ces dolmens sont indifféremment placés sur des plateaux ou dans des plaines. Le plus grand est celui de Bouéry qui mesure 4 m x 3,5 m.
Nous ne connaissons qu’un seul tumulus elliptique, c’est celui de Lavaud (Lussac) dont le grand axe a 30 mètres et le petit 14 mètres ; sa hauteur était de 4 mètres. Des fouilles y ont amené la découverte d’ossements placés dans une cavité circulaire.
A la Font-Claire (Les Chézeaux) le tumulus est circulaire et il a 29 mètres de circonférence.
Sur la côte de La Salle se trouve un groupe de neuf petits tumulus irrégulièrement distribués au bord du plateau. Un est carré sur 6 mètres de côté ; deux sont circulaires avec 7 m de diamètre et 1 m de hauteur ; les autres sont à base rectangulaire de 9 m sur 5 m et 1,1 m de haut. A côté on voit six emplacements circulaires à peine élevés de 20 à 40 centimètres, restes sans doute de tombelles détruites.
M. de Beaufort cite aussi le tumulus du Châtelas, mais c’est une véritable motte féodale.
La litholatrie, ou culte des pierres, se rencontre dans l’antiquité. On la trouve dans la Bible, chez les Grecs, et encore maintenant chez certains peuples sauvages.
En Gaule, ce culte existait. On plantait en terre de longues pierres brutes et on les adorait. Ce sont nos menhirs. Ils étaient consacrés à un dieu qui, dans l’Olympe romain, correspondait à Mercure.
Dans notre canton, on ne signale que deux monuments de ce genre aux Bastides (Jouac) et au Paulmet (Saint-Martin).
Le premier, aujourd’hui brisé, était connu sous le nom de Pierre-Frite, il avait 3,50 m de haut et 1,9 m de largeur à la base sur une épaisseur d’1 m; il était en granit.
Le second est en quartz hyalin laiteux, ses dimensions sont :
– Hauteur : 3 m.
– Largeur : 1 m.
– Épaisseur : 60 cm.
Les souterrains-refuges, que certains archéologues placent dans cette période et que d’autres, au contraire, attribuent au Moyen-âge, sont assez nombreux malgré la dureté du sous-sol qui s’opposait à la pénétration d’outils primitifs ; nous en avons relevé douze, tous percés dans des veines de tuf ou granit en décomposition dont ils épousent la forme :
– Commune de Saint-Sulpice : à Lavaupot, à Peupiton, à Cheuget, aux Grandes-Pièces.
– Commune d’Arnac : au bourg, aux Brosses-Perrot.
– Commune des Chézeaux : à la Goutte-Bernard.
– Commune de Cromac à La Dent, à Banne.
– Commune de Lussac : à La Griminière.
– Commune de Mailhac : au Coudert.
– Commune de Saint-Martin : à Montbon.
En raison de la dureté du sol, leur plan est en général assez simple : il comprend une salle à laquelle aboutissent un ou plusieurs couloirs.
La forme de cette salle varie fréquemment : aux Brosses et au Coudert, elle est ovoïde ; rectangulaire avec extrémité circulaire à Lavaupot ; carrée à Arnac ; enfin à Banne, elle offre la forme annulaire.
Leurs dimensions sont plutôt exiguës ; celle de Lavaupot qui a 7 mètres sur 2 mètres 30 est une exception et toutes les autres lui sont bien inférieures : elles ne pouvaient recéler qu’un nombre très restreint d’individus et encore pendant un temps relativement court ; leur hauteur ne dépasse jamais 2 mètres.
Les couloirs, toujours coudés, varient de dimension : à Lavaupot on ne peut avancer qu’en rampant ; aux Brosses, la section est un carré d’un mètre ; aux Grandes-Pièces, le couloir a 1 mètre 6o .de large sur 1 mètre 50 de haut ; à Seugé, 0 mètre 85 en tous sens.
Celui de Banne, en dehors de sa curieuse salle annulaire, présente dans les parois du couloir des cavités assez grandes pour y loger un homme en observation et des sortes de gorges pratiquées pour recevoir une barricade. Comme autre système de défense on peut indiquer l’étranglement du couloir des Grandes-Pièces qui, en un point, est réduit à 0 mètre 85 en tous sens ; c’est aussi le plus long connu : il a 11 mètres de longueur.
Signalons aussi l’absence de puits ; ce qui confirme ce que nous venons de dire sur la brièveté de leur occupation.
Très peu d’objets y ont été rencontrés ; la trouvaille la plus intéressante a été celle faite à Lavaupot d’une meule de granit de 0 mètre 36 posée sur son gisant ; des ossements de mouton, du fer oxydé l’accompagnaient.
Les sépultures par incinération ont laissé des traces à Saint-Sulpice et à Arnac : des urnes ont été rencontrées, dont quatre dans la première localité.
Celle d’Arnac et une de celles de Saint-Sulpice sont cylindriques ; les trois autres, cubiques, d’environ 1 mètre 50 sur 1 mètre 40, ont été brisées et employées dans des constructions ; le trou qu’elles portaient au milieu était carré.
L’urne d’Arnac a 60 centimètres de haut sur 40 centimètres de diamètre ; celle de Saint-Sulpice, 35 centimètres de haut pour un diamètre de 60 centimètres. La cavité circulaire a 13 centimètres de profondeur et 22 centimètres de diamètre ; un petit bourrelet, destiné à retenir le couvercle, fait saillie tout autour. Ce couvercle n’a pas été retrouvé ; à l’intérieur on a rencontré des ossements, débris de verre, grains de collier qui n’ont pas été recueillis.
Celle d’Arnac renfermait un vase élancé à deux anses en verre ; il contenait des ossements, un anneau de bronze et un fragment de poignée d’épée.
Ces deux derniers objets sont les seuls fournis par notre canton pour l’âge du bronze.
Chez les Pétrocores (→ Dordogne) comme chez les Celtes Bituriges (→ Berry, Bourges), écrivait Strabon, au premier siècle de notre ère, il y a des usines bien montées pour le travail du fer. Voisins des Bituriges, les habitants de notre pays se livraient aussi à ce travail ; dans la commune de Saint-Georges et à Peuchaud, on trouve des amas volumineux de scories, placés en général sur les plateaux, qui indiquent qu’à une époque inconnue, mais à coup sûr fort éloignée, des ateliers de fonte ont existé sur ces points.