Généralités : Vicinalité

La Haute-Vienne possède 5.239 km de routes diverses depuis les routes nationales jusqu’aux chemins vicinaux ordinaires ; dans ce chiffre le canton de Saint-Sulpice entre pour 256 km 673m se décomposant ainsi : 12 km 800 route nationale, 139 km 720 de chemin de grande communication, 104 km 153 de chemins de communes. Soit par hectare 11m11, chiffre supérieur à celui du département qui est de 9m54.
Fait digne de remarque, ce canton n’est traversé en aucune de ses parties par une voie ferrée ; un projet de chemin de fer à voie étroite qui nous relierait à Limoges par Châteauponsac est actuellement à l’étude ; dans la suite il pourrait nous rattacher aux chemins de fer départementaux de l’Indre.

De tout temps ce territoire a été bien partagé au point de vue de la vicinalité ; il était, en effet, traversé par une voie romaine et un chemin de poste devenu plus tard route royale.
Le tracé de cette voie est encore visible en bien des points, soit par une traînée rougeâtre due aux sables ferrugineux utilisés pour son entretien, soit aux pierres qui composent son substratum.
Elle a été tout d’abord reconnue par M. de Beaufort qui en a dressé la carte* ; suivant lui, elle serait un tronçon de la voie de Limoges à Bourges par Argenton ; mais M. P. Ducourtieux, qui s’est occupé spécialement de cette question, a bien voulu nous faire remarquer que cette voie, décrite par les itinéraires, s’inclinait à l’ouest, en partant de Limoges, pour joindre Saint-Goussaud, où l’on place Proetorium, puis, de ce point, montait directement sur Argenton. D’après ses recherches, notre voie serait un fragment de celle qui réunissait Argenton à Confolens en passant par le pont de Blanzac, Peyrat-de-Bellac et Mézières.

* Mémoires de la Société des Antiquaires de l’Ouest, t. XIX, p. 207.

Sa largeur varie de 8m à 15m, elle est établie en général sur un lit de pierres prises dans le voisinage, d’une épaisseur de 45 à 50 cent., liées ensemble par une terre sablonneuse avec un bombement de 30 cent. Les fossés qui la bordaient sont encore visibles en plusieurs endroits.
Venant de Saint-Benoit, elle suit le chemin de Lignac et du Breuil à Mailhac et pénètre dans la commune de Jouac un peu avant le croisement de ce chemin avec celui de Beaulieu à Jouac ; elle traverse ensuite la route de Mailhac à La Souterraine, puis va passer sur la chaussée d’un petit étang. A droite et à peu de distance on rencontre de grands trous où a été prise la pierre qui a servi à sa construction. Elle traverse le chemin des Bastides aux Plaignes, puis celui des Bastides à Chez-Palant, descend à la rivière de la Benaise où devait être un pont ; il y a 50 ou 60 ans, de grosses pierres taillées y ont été rencontrées. On la retrouve ensuite dans le chemin des Plaignes à la Botière, passe près de ce village, qui suit ou côtoie le chemin de Jouac à Saint-Léger où elle est connue sous le nom de « Chemin de César ». Elle traverse ensuite le chemin de Lussac à Mailhac, puis entre dans la commune de Saint-Léger.
Elle était encore usitée au XIe siècle : un titre de 1158 la mentionne sous le nom de via ferrata ; au XVIe siècle on la trouve désignée sous le nom de la Ferrade ; un tènement de la commune porte encore ce nom.

Les « grands chemins » du pays que l’on trouve cités dès le XVe siècle étaient :

I] — La grand chemin de Poitiers à Guéret par Montmo¬rillon et la Souterraine ; traversant l’Asse à Eport, il allait à Lussac ; puis parallèle à la route moderne dans les landes du Cherbois, il passait par la Bastide, la Croix-Pommée, coupait le chemin de la Poste à côté du Puichenin et rejoi¬gnait avant Ruffec la route actuelle de La Souterraine.
Ce chemin est mentionné dans le Guide des chemins de France publié en 1552 chez Estienne. Les étapes indiquées sont Bourg-Archambault, Esperey (Espardelière ou Eport), 1 lieue ; Lussay-les-Eglises, bois, 1 lieue ; la Bassinde, qualifiée de passage périlleux, 3 lieues ; La Souterraine, bois, 5 lieues. Il faut rectifier certainement la Bastide, cette localité se trouvant aux distances respectivement indiquées pour Lussac et La Souterraine : c’était au-dessous de ce point que la route coupait la rivière de la Tâche dont la vallée est assez escarpée, mais ne justifie pas la qualification de passage périlleux.
Cette route était fréquentée par les pèlerins qui se rendaient à Lussac ; la traversée des brandes était particulièrement incommode : point de verdure, mais des ajoncs, des fougères à perte de vue ; on ne citait qu’un seul arbre, chêne énorme, disparu il y a seulement quelques années, sous lequel les pèlerins avaient l’habitude de se reposer pour prendre leur repas, d’où son nom de Chêne Marandé.
II] — La route royale, encore désignée sous le nom de chemin de la Poste, qui venant de Toulouse et Limoges par Morterolles passait à la Vigne, Saint-Martial, Arnac où se trouvait un relai, le Puichenin, Piégut, au-dessus de Pui¬ferrat, à Virevalais ; coupait le ruisseau au moulin du Retour et arrivait aux Chézeaux où était un autre relai ; il continuait ensuite sur Paris par la Châtre-Langlin et Saint-Benoît.
Vers 1735 son tracé fut changé pour adopter la route actuelle.
En septembre 1737, M. Naurissard, ingénieur pour le roi, sans doute chargé des travaux, certifie que la construction du grand chemin a pris 3,593 toises d’un pré appartenant à Jean Poujaud, notaire du Doignon.
En 1755, Israël Marcoul de la Prévostière présentait une supplique à l’intendant pour obtenir une décharge d’impôts en ce qui concernait sa terre de Puymonier, joignant l’an¬cien chemin de Toulouse à Paris, et sa terre de Puylebœuf, joignant le chemin de La Souterraine au Dorat, qui « ont été totalement détruites par les carrières qui ont été ouvertes dans icelles pour la pierre nécessaire au grand chemin de Limoges à Paris. »
III] — Le grand chemin du Dorat à la Souterraine passant par Montmagner.
IV] — Le développement de la forge de Mondor au XVIIIe siècle, fit créer une voie importante encore connue sous le nom de chemin des Mulets qui mettait les fourneaux en communication avec le Berri où l’on trouvait le minerai et la castine ; elle va en ligne droite de Mondon à Champagnac.
Ces mulets et leurs conducteurs étaient la terreur des habitants : une délibération de Saint-Sulpice du 13 mai dit que « les mulets sont pour les propriétaires cultivateurs un véritable fléau, leurs conducteurs ne se gênant pas pour les empêcher de désastrer les champs qu’ils traversent ». On souhaite donc vivement une route passant par Mondon qui permettra de faire les transports par voitures et débarrassera le pays des mulets.
Les bestiaux venant de la Charente, de Magnac, du Dorat, et se rendant à Paris suivaient une route qui passait à Laffai, à Bouery, à Grand Fa où se trouvaient d’immenses granges destinées à abriter les troupeaux pendant la nuit, à Mailhac, les Chézeaux. Quand une bête ne pouvait plus continuer la route, les conducteurs l’abattaient et la vendaient ; c’était, dit l’abbé Dufour, une bonne aubaine pour les villageois « qui mangeaient de la viande comme à Paris pour 30 ou 35 cent. la livre. »

En dehors de ces grandes voies, un fouillis de chemins bourbeux, étroits et encaissés, bordés de grands chênes, qui étalent encore sur nos cartes leurs lacis capricieux, faisait communiquer les villages entre eux ; ils n’étaient praticables qu’en été et les pluies hivernales les transformaient en ruisseaux : en 1691, les chemins de la paroisse de Lussac ne sont que « boues, bourbières et bouillons ».
Faut-il rappeler à ce sujet les impressions bien connues de La Fontaine sur nos routes : « mauvais chemins et odeurs des aulx, deux propriétés qui distinguent le Limousin des autres provinces du monde. »
Par ces chemins, en effet, seuls les cavaliers pouvaient s’aventurer et il n’y avait pas de voitures de luxe dans le pays ; l’abbé, Dufour nous apprend que la première, un primitif « tapecul », fut achetée par M. de Fougières vers 185o.
A part la route royale à peu près entretenue, la vicinalité resta dans cet état-là jusqu’en 1836. Une délibération du 20 août 1829 constate que les huit principaux chemins de la commune de Saint-Sulpice ne sont pas viables.
Le premier chemin construit dans le pays fut celui de Boismandé qui fut adjugé le 9 août 1831.
Ce fut dans sa séance du 31 août 1836 que le conseil général, à l’instigation de M. Morisot, préfet, qui s’était fait le champion de la vicinalité, classa le premier réseau des chemins vicinaux de grande communication.
Le tableau ci-dessous résume, d’après le Tableau statis¬tique et financier de la voirie de 1777 à 1876, publié par M. Le Myre de Villers, ce qui a été fait à cette époque et jusqu’en 1876 en matière de voirie.

Chemins

Voici les chemins de grande communication construits depuis :
– N° 6o, de Compreignac à Saint-Benoit-du-Sault → 2.868 mètres dans le canton.
– N° 61, de Magnac-Laval à La Souterraine → 6.510 mètres.
– N° 77, de La Souterraine aux Hérolles → 3.852 mètres.
– N° 84, d’Arnac-la-Poste à Saint-Benoit-du-Sault → 13.406m.
– N° 88, du Dorat à Chaillac → 6.734 mètres.
– N° 92 de Belabre à Forgevieille → 6.900 mètres.
– N° 93 de Rancon au Magnaud → 6.053 mètres.
– N° 105, de Saint-Sulpice-les-Feuilles à La Trimouille → 17.778 dont 4.727 mètres en lacune.

Notons qu’en 1900, on a inauguré dans le canton le système des rechargements cylindrés pour les chemins de grande communication.
Le service de la voirie ne fut organisé qu’en 1716, mais ce n’est qu’à partir de 1764 que nous trouvons sur nos routes, au Magnaud, des conducteurs et commis des chemins royaux.
L’importance croissante du réseau vicinal a fait créer à Saint-Sulpice, en 1868, un poste d’agent-voyer. Il a sous ses ordres 2 chefs cantonniers et 32 cantonniers.

Voici l’état de la vicinalité en 1902 :

Vicinalité