Histoire

Arnac, dont la terminaison dénote une origine celtique, contient le radical AR “ qui signifie, dans toutes les langues, ce qui couvre, contient, enferme, protège un enclos, maison agricole, petite habitation arcs, arx ”. AR veut dire aussi rocher, endroit élevé *.

* Abbé Bergier, Etudes historiques et philologiques sur l’origine, le développement et la dénomination des localités, 1884.

Dans le département et aux environs plusieurs bourgs portent ce nom d’Arnac. Cette communauté a provoqué de fâcheuses confusions et rendu difficile* la recherche des documents concernant notre commune jusqu’au XVIIIe siècle, où, pour distinguer notre Arnac des autres localités, on lui adjoignit le nom de la Poste à cause du relais de poste qui s’y trouvait. C’est en 1700 que, dans les registres d’état civil, nous rencontrons, pour la première fois, le mot composé Arnac-la-Poste.

* Ainsi M. de Beaufort dit, p. 143, d’après un écrit du vicaire de la maison de Rochechouart, que les tours de Bridiers, du Dorat et d’Arnac furent renversées en 1200 par un tremblement de terre. Est-ce notre Arnac ?

Vers 1760, des familiers de la maison de Laval-Montmo­rency, qui possédait la baronnie d’Arnac, lancèrent le nom d’Arnac~Laval-Montmorency ; cette tentative n’eut point le succès de Magnac-Laval. En 1764, on trouve encore Arnac­-la-Poste-de-Laval cet essai fut général, car à la même épo­que on rencontre Saint-Léger-Laval, Saint-Amand-Laval; mais après il n’en est plus question.

Diverses trouvailles faites à Arnac établissent l’origine antique de ce bourg.
En 1868, en établissant la route le long du champ de foire, on rencontra un souterrain-refuge de 1,50m de haut sur 0,80m de large, donnant accès à une salle carrée de 2,50m sur chaque côté.
A 500m. du bourg on découvrit, à la même époque, une urne cylindrique en granit munie d’un couvercle de même et renfermant un vase de verre à long col pourvu de deux anses. Il contenait des ossements humains calcinés, un anneau de bronze et un fragment de poignée d’épée. (M. Masfrand).
Enfin, vers 1861, en réparant l’église, ou trouva l’autel gallo-romaine que nous avons reproduit précédemment. C’est un cippe à quatre faces mesurant 1,10m de haut avec têtes et fronton en relief. (M. l’abbé Lecler).
Ajoutons que dans le territoire de la commune on rencontre un camp gallo-romain à Martinet, des vestiges de constructions de cette époque au Buis et à Oreix, un souterrain­refuge aux Brosses-Perrot et que des dolmens existaient au Bost et à L’héritière.

M. Grignard, dans son dictionnaire topographique manuscrit, très exact en matière géographique, mais sujet à caution en matière historique, conte ainsi, sans indiquer ses sources, l’origine d’Arnac; nous lui en laissons la responsabilité :

“ L’église primitive d’Arnac-la-Poste érigée en prieuré de Saint-Martial fut bâtie au commencement du IXe siècle sous l’invocation de Saint-Pardoux. La translation des reliques de ce saint eut lieu en 1018 par les soins de Gui de Lastour, surnommé le Noir, qui les fit transporter du monastère de Sarlat. La dédicace de celle église date de 1028 ; elle fut consacrée par Jourdain, évêque de Limoges, à son départ pour la Terre Sainte, en présence de Guy de Lastour et de plusieurs cheva­liers et barons.
Le bourg actuel d’Arnac doit son origine à la maison de Lastour. Séguin de Lastour, fils du célèbre Gouffier de Lastour, de retour de Jérusalem, où il s’était couvert de gloire à la bataille d’Ascalou, fit jeter, en 1190 les fondations d’une église à peu de distance de l’ancien prieuré de Saint-Martial et lui donna le nom d’Arnac, en mémoire d’Arnac-Pompadour, fondé par son ayeul Guy de Lastour. Il fit égale­ment construire une commanderie de l’ordre des Templiers qui fut jointe à l’église. Ces deux édifices furent crénelés, entourés ,de fossés et de remparts. Peu à peu les habitants de l’ancien bourg et prieuré de Saint-Martial abandonnèrent cette localité et formèrent une colonie autour du bourg d’Arnac.”

Il n’est pas besoin d’être grand clerc en histoire du Limousin pour décider que le premier paragraphe est mani­festement faux : l’église construite au IXe siècle est celle d’Arnac­Pompadour; les événements de 1018 et 1028 s’appliquent aussi à cette localité.

Quant au second paragraphe, on ne rencontre mention de la fondation de 1190 ni dans les généalogies de la maison de Lastour, ni dans les divers cartulaires limousins, ni dans les chroniques de la région.

La tradition d’un établissement de Templiers est encore fort répandue à Arnac on montre près de l’église un vieux logis qu’on appelle la maison des Templiers, mais qui, par malheur, est tout au plus du XVe siècle.

De ce que cet établissement n’est cité ni dans le texte du fameux procès, ni dans les cartulaires des diverses com­manderies de l’ordre du Temple qui ont été publiés, ni dans les divers ouvrages concernant cet ordre, ni surtout dans l’accord intervenu le 23 juin 1282 entre l’évêque de Limo­ges et le précepteur des Templiers, relativement aux églises et chapelles qu’ils possédaient en Limousin *, nous concluons qu’il n’a jamais existé. Ajoutons qu’on ne trouve pas Arnac parmi les possessions des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem. qui furent les héritiers de cet ordre.

Bull. de la Soc. arch. t LIV, p493


Nous soupçonnons fort le curé Védrine, dont nous avons déjà signalé l’imagination ardente, d’être pour quelque chose dans l’éclosion de ces légendes.

Une autre légende, assez courante dans la commune, attribue à Saint-Martial la fondation d’Arnac : ce saint se trouvait au camp de César à Martinet et pour indiquer à ses disciples le point où ils devraient construire une église. il lança son marteau qui vint tomber sur l’emplacement où s’élève actuellement le bourg d’Arnac.

Nous n’avons rien rencontré sur les origines de la seigneurie d’Arnac: il est à croire qu’elle fut de tout temps une dépen­dance de la châtellenie de Magnac; tout au moins depuis le XVe siècle que celle-ci passa aux mains des Brachet qui possé­daient déjà dans la paroisse les fiefs du Monteil et d’Oreix.

Elle pourrait être aussi une dépendance du Monteil, car une pièce du XVIIIe siècle désigne la baronnie d’Arnac sous le nom de baronnie du Monteil; ajoutons que la famille Brachet était originaire du Monteil.

Magnac et Arnac, possédés successivement par Gilles Brachet, qui rendait aveu en 1492, Jean Brachet et Claude Brachet furent saisis sur ce dernier et adjugés, le 1er mai 1545, à An.toine de Neuville, chr de l’ordre du roi, conseil­ler d’état..

Antoine laissa pour héritière sa petite-fille, Marie de Bonneval, qui, dans son contrat du 12 mars 1599 se quali­fie de dame de Magnac, Neuville et Arnac. Elle épousa François de Salignac, baron de la Mothe-Fénelon.

Le 3 sept. 1612, avec sa tante Marie de Neuville, femme de Jacques d’Urfé, elle rend hommage au roi pour sa baronnie de Magnac et châtellenie d’Arnac (Arch. nat., P.. 562e-2704). Dès 1525 on trouve cette qualification de châtellenie appliquée à la seigneurie d’Arnac.

Marie fit don de Magnac et d’Arnac à son fils aîné Pons de Salignac quand il épousa, le 20 février 1629, Isabelle de Lussans. Cette donation fut sans doute résolue par la suite, car c’est Antoine de Salignac, son frère cadet, qui obtint en avril 1653, des lettres du roi portant l’érection de Magnac en marquisat et d’Arnac en baronnie *.

* Le Dict. des Fiefs de M. Gourdon de Genouillac attribue cette érection à un Arnac situé en Languedoc ; le Dict. d’Expilly hésite entre les 4 paroisses qui portent ce nom.


 Ces lettres sont fort curieuses par les détails qu’elles renferment sur les services de ces seigneuries (Arch. nat. Xla 8698, fe 177).

Antoine ne laissa qu’une fille, Marie, qui épousa en 1681 Pierre de Laval-Montmorency. Celui-ci rendit au roi, le 26 juil. 1684, un dénombrement pour ces terres qui étaient tenues au devoir d’une paire d’éperons d’or :

“ Plus nous tenons en arrière-fief de S. M. à cause de notre dit mar­quisat, nos baronnies et châteaux d’Arnac et du Soulier qui, estant dis­tinctes, ont droit particulier de haute, moyenne et basse justice avec l’appel devant notre sénéchal du marquisat de Magnac.

“ Plus joignant nostre dite enclave de Saint-Maurice et suivant led. contour de nostre territoire circonscrit, nous appartient le bourg et paroisse d’Arnac avec droits de fort et fossez et choses en dépendant dans ledit bourg ; laquelle paroisse d’Arnac nous appartient à la réserve des villages de la Salesse, Lage du Lac, Margot, Ruffet, Rufasson, Des­champs, L’héritière, Puyroger et la Villaubrun, lesquels villages sont de l’élection du Blanc, généralité de Bourges, et sénéchaussée de Mont­morillon. Tout le reste de la dite paroisse, qui nous appartient, estant de même sénéchaussée, destroit et généralité que tout le reste de nostre dit territoire circonscrit et la dite paroisse est bornée et limitée du costé d’orient par la paroisse de la ville de La Souterraine, qui, comme dit est, despend de la province de Limousin et du parlement de Guyenne, et par la paroisse de Versillac, et du côté de septentrion par les bourgs et paroisses de Mailhac et Saint-Sulpice qui sont de la susdite élection du Blanc et généralité de Bourges, sénéchaussée de Montmorillon. (Arch. nat. P. 5733-3972).

Pierre de Laval étant décédé en 1687, Marie de Salignac épousa en secondes noces son cousin germain, Henri-Joseph de Salignac-Fénelon, frère du fameux archevêque.

Les seigneurs d’Arnac furent ensuite Gui-André de Laval (1686-1745), et Gui-André-Pierre, fils du précédent (1723-1794), maréchal de camp, lieutenant général puis maréchal de France. En 1750, il obtint du roi l’érection en duché, sous le nom de Laval, du marquisat de Magnac et de la baronnie d’Arnac.

Le bourg d’Arnac, vu des éminences voisines, est fort pittoresque il émerge des frondaisons des chênes, ramassé autour de son église, sur un petit monticule qui paraît occuper le centre d’une plaine fortement vallonnée.

De près, l’impression est différente : les abords en sont difficiles, les rues malpropres, escarpées, tortueuses, la place bosselée, inégale, seule un peu curieuse à cause du portail fortifié, la plupart des maisons vieilles, décrépites et bâties sans souci de l’alignement.

Enserré de toutes parts par de grands domaines, le bourg ne s’accroîtra que difficilement. Il possédait 55 rn. en 1745 * ;

* D’après le terrier maintes fois cité qui nous indique qu’à la même époque on trouvait dans le bourg 21 chevaux dont  7 chevaux de poste chez Ytier, 3 mules, 10 bœufs, 30 vaches, 226 brebis, 19 chèvres, 32 cochons et 9 ruches.


le recensement de 1901 donne 108 habitants. Sa population était de 266 h. en 1793, 364 en 1846, 349 en 1856, 415 en 1901.

Les registres de La Souterraine nous apprennent qu’un grand incendie, qui dura du 12 au 13 septembre 1615, con­suma dans le bourg 12 à 13 maisons (Note de M. Bellet).

Certaines maisons portaient des noms particuliers dus sans doute aux enseignes ou sculptures qui les décoraient. C’est ainsi que nous pouvons citer La Croix Blanche (1705)

La maison du Châtaignier (1734) ; la maison de La Lancette, à trois étages, appartenant de 1729 à 1775 aux chirurgiens Mondelet. La maison de Quarante Ans (1745), joignant au chemin qui va au Seux, à droite la maison de l’Ecu (1771).

L’appellation de rue d’Enfer donnée à une des rues d’Arnac, à la pente raide, paraît toute moderne.

La situation d’Arnac sur une grande route royale lui valut certaines visites : quelques-unes purent être agréables, d’autres pas !

En avril 1440, Charles VII allant du Dorat à Guéret, au moment de la guerre de la Praguerie, y séjourna.

Au commencement de sept. 1544, “une grande bande de Gascons, gens sans adveu ”, qui était au nombre de 4000 hommes de pied et de 500 chevau-légers, après s’être abattue sur la Touraine, le Poitou et le Berry, où elle avait “ faict des maux infinis et détruit plusieurs gros bourgs et villes closes ”, se donna Arnac, “le droict chemin de Paris ”, comme point de ralliement, avant d’envahir le Limousin, sous le commandement du baron de Bèze. A cette occasion, Il n’est pas douteux que notre bourg fut mis à feu et sang. (Reg. cons., t.1, p.387; Bonaventure, p. 771)

Après le procès de Montmorency, Louis XIII, revenant de Toulouse à Paris, passa par Limoges, où il coucha le 9 nov. 1632; le 10, il était à Morterolles *;

* Le 11, il coucha à Saint-Benoît. Cf. Pièces fugitives pour servir à l’histoire de France, 1759, p. 125.


le lendemain, Pierre Robert, lieutenant général de la Basse-Marche, dont il devait traverser la circonscription, se rendit à Arnac pour le recevoir, comme il le raconte dam ses mémoires.

Je lui fis une harangue en pleine campagne, près du bourg de Dar­nac (sic) j’étois accompagné de plusieurs officiers et habitans du Dorat. Nous le trouvâmes dans un petit carrosse qui avoit le fouet à la main et le menoit tout seul et n’y avoit que lui dans led. carrosse et quand il fut près d’Arnac, il monta à cheval et avait un manteau d’écarlate.

Je fus tellement transi que je ne pus jamais me ressouvenir du pre­mier mot, si bien que je lui en fis sur l’heure mesme un autre de cette sorte : plusieurs grands personnages sont demeurés courts an parlant.

Mon harangue finie, il eut grand peine à nous dire tenès-moi cela et je vous serai bon roi, car il ne pouvoit parler qu’avec une grande peine. mais il avoit un fort bon jugement et étoit adroit à toutes sortes d’exercice que l’on lui put montrer. Madame la princesse de Condé arriva aussi en ces quartiers et logea à Magnac, qui suivoit le roi. (D. Fonteneau, t. 31, p. 577, et t. 45, p. 167.)

Les registres révolutionnaires d’Arnac paraissent. perdus, aussi ne possédons-nous rien sur le grand mouvement popu­laire dans le bourg.

La tradition rapporte que pendant les trois journées de la Peur, les femmes et les enfants se réfugièrent sur les voûtes de l’église où on avait entassé des pierres pour servir de projectiles.

Une société populaire existait en 1793, et à la même époque, un notaire du bourg, Barret, était administrateur  du district et membre du comité de salut public du dépar­tement.

Le 27 janv. 1814, le pape Pie VII, rentrant de captivité sous la conduite du capitaine Lagorce, traversa la commune d’Arnac et s’arrêta pour déjeuner à la Villeaubrun.

Enfin, au dernier siècle, Arnac fut le théâtre d’une curieuse émeute qui eut pour motif la suppression du bureau de l’enregistrement.

En 1843, les démarches réitérées des habitants de Saint-Sulpice pour obtenir au chef-lieu du canton le transfert du bureau de l’enregistrement furent couronnées de succès, et on leur donna satisfaction par arrêté du 13 juin 1843. Les habitants d’Arnac, qui avaient mis tout en oeuvre pour assurer sa conservation, furent vivement affectés de cet insuccès, et, les têtes se montant, jurèrent de le conserver par la force. Le 28 juil., prévoyant des difficultés, l’administration envoya un vérificateur, M. Coudert de la Vilatte, pour assister à l’opération du transfert. Le receveur, M. Saintaraille, le mit au courant de la situation, et il put se rendre compte que les esprits étaient fort montés et qu’il était bon de prendre quelques mesures de précaution. Le maire n’était pas de cet avis et jugeait que tout se passe­rait sans incident, à tel point qu’il ne crut point devoir différer un voyage projeté.

Le vérificateur, qui avait essuyé maintes menaces et injures, ne partageait pas cet optimisme. Il fit prévenir le bri­gadier de gendarmerie de Boismandé et pria le curé de conserver chez lui les clés du clocher pour éviter qu’on ne sonnât les cloches.

Le 1er août, jour fixé pour le déménagement du bureau, des charrettes vinrent à 5 h. du matin pour enlever les registres. Déjà on remarquait dans le bourg un mouvement inusité et quand les voitures se montrèrent, il se forma des groupes discutant avec animation sur le parti à prendre. Tout à coup le tocsin sonne et la foule envahit la place. La brigade de gendarmerie qui s’était tenue cachée survient au trot et couvre les papiers administratifs. Il y eut un moment de stupeur bientôt passée et la foule, rendue furieu­se par cette intervention, vocifère de plus belle, réunissant dans une même haine agents et gendarmes. En vain, le vénérable adjoint, vieillard octogénaire et fort aimé, s‘em­ploie-t-il pour calmer ses administrés, en vain les agents représentent-ils qu’ils ne font qu’exécuter un ordre de l’au­torité supérieure, les habitants s’exaspèrent de plus en plus. A une sommation des gendarmes d’employer la force, une centaine d’individus, armés de faux et de fourches, excités par les vociférations d’une multitude surtout composée de femmes ivres de colère, se précipitent pour enlever les voi­tures qu’on a grand peine à protéger.

Le tocsin sonnant toujours, la foule s’accroissant de la population des villages voisins et parlant d’incendier les voitures, le vérificateur, d’accord avec le brigadier et l’adjoint, reconnut qu’il était impossible de faire plus lon­gue résistance et donna l’ordre de décharger les charrettes ; de suite l’émeute s’apaisa.

Sur-le-champ, on envoya à Limoges un exprès pour mettre au courant des autorités. Le soir même, le maire, qu’on était allé prévenir, partit aussi pour Limoges, accompagné d’un délégué. L’administration ne pouvait revenir sur le parti qu’elle avait arrêté, et le 2 août, le directeur prévenait le vérificateur que le transfert aurait lieu sous la protection de la force armée qui, se mettant en marche le soir même, arriverait le lendemain.

L’émeute couvait toujours, et quand le vérificateur voulut reprendre le chargement de ses registres, il ne put trouver personne qui consentit à lui louer une charrette; les marchands refusèrent même de vendre les cordes nécessaires à l’emballage des archives.

Le 3 août, de très grand matin, la brigade de Boismandé s’installe à Arnac ; trois autres brigades, sous le comman­dement d’un lieutenant, vinrent bientôt la rejoindre ; elles étaient accompagnées du procureur dit roi et du juge d’instruction de Bellac.

A l’arrivée de cette force armée, le tocsin sonne à nouveau et les gens du bourg, bientôt renforcés de ceux de la cam­pagne, armés de faux, de fourches et de bâtons, se préci­pitent au bureau de l’enregistrement et en prennent posses­sion, en refusant l’accès aux agents et aux magistrats : tous les pourparlers sont inutiles ; le juge d’instruction, qui veut entrer dans l’église, est menacé d’un coup de fusil, et bientôt une lutte corps à corps s’engage avec les gendar­mes qui, finalement, ont le dessous et sont mis en fuite à coups de pied et à coups de poing : vingt gendarmes contre quatre cents individus affolés.

Les habitants des communes voisines, intéressés au main­tien du bureau, viennent grossir la foule menaçante ; les magistrats prennent alors le parti de se retirer dans une maison voisine et d’y commencer une instruction judiciaire. Mais après avoir reçu les dépositions du vérificateur et du receveur, ils sont obligés de clore sous les yeux moqueurs de la foule, faute de témoins ou de prévenus à interroger.

Tout à coup, on entend un bref commandement, un cliquetis de sabres, un piaffement de chevaux : c’est un escadron de chasseurs qui, au trot, charge la multitude ébahie de cette intervention soudaine et, malgré ses cris et ses huées, la rejette des abords du bureau. Le préfet, le commandant de la gendarmerie de la Haute-Vienne et le procureur général dirigeaient eux-mêmes cette opération exécutée sans effusion de sang.

Craignant un retour offensif, on réquisitionna une char­rette et de suite les archives y furent placées. Immédiate­ment, sous la protection de huit gendarmes et de chasseurs, le convoi se mit en marche et arriva sans encombre à Saint-Sulpice.

Les magistrats, à l’abri de la force armée, purent repren­dre leur enquête à la suite de laquelle les habitants les plus compromis furent traduits en cour d’assise et gratifiés de quelques mois de prison.