Colette Marsaud.

     Le Collège représente beaucoup pour moi.

    Sa construction, sous l’égide de Mr. Letourneur, Maire de St Sulpice les Feuilles, mais aussi Maître des Requêtes au Conseil d’Etat, m’a permis d’envisager des études longues.

    J’étais à l’école primaire lorsque les deux premières classes (6ème et 5ème) fonctionnèrent en 1958. Autant qu’il m’en souvienne, les premiers bâtiments du Cours Complémentaire (il devint Collège quelques années plus tard) n’étaient pas achevés et ne le furent que pour la rentrée 1959.

    A l’époque,  nous nous présentions toujours à un concours d’entrée en 6ème, que je réussis avec succès, comme bon nombre de mes camarades de classe, sous la direction de notre maîtresse Madame Frachet. A la rentrée des classes 1961, elle nous accueillit et nous conduisit au collège.

    Monsieur Parent, Directeur, nous attendait. Nous rejoignîmes les élèves arrivés par le petit car bleu conduit par Monsieur Labrousse. A l’époque, le recrutement des élèves avait lieu sur notre actuel 87 Nord, mais aussi sur la commune d’Azérables et plus particulièrement l’école de Jeux où enseignait la famille Bonhême. En ce qui me concerne, et comme beaucoup d’élèves à l’époque, je venais à pied (environ 5 kms chaque jour). Nous marchions gaiement en groupe et n’aurions pas eu l’idée de nous plaindre du poids de nos sacs ! A partir de la 5ème, j’utilisais le vélo. En période d’extrême mauvais temps, nos parents venaient nous attendre avec la voiture. J’ai ainsi le souvenir d’une tempête de neige en 4ème. Monsieur Parent nous avait fait quitter les cours plus tôt, afin que Monsieur Labrousse puisse raccompagner tous les élèves dans de bonnes conditions.

    En qualité d’élèves, nous prenions nos repas à la cantine située au niveau des salles d’étude et d’informatique, qui correspondaient plutôt à un sous-sol dans l’ancien bâtiment avant la rénovation. Le pain ne nous était pas fourni ; nous devions l’apporter, pas toujours dans de bonnes conditions à l’intérieur du cartable. Très vite s’instaura un système plus agréable : 2 à 3 garçons allaient à la boulangerie acheter des baguettes après avoir collecté les fonds près de nous. Les repas étaient très simples et répétitifs. D’autres anciens élèves doivent comme moi se souvenir, des traditionnelles saucisses pois cassés, des nouilles blanches (nature ou avec quelques filaments de gruyère), des nouilles rouges (à la sauce tomate), des pommes de terre «  sauce espérance », de la sardine à l’huile, du carré de chocolat noir en dessert. Les légumes ou pâtes, nous étaient servis à la louche par les cantinières qui tenaient dans l’autre main des faitouts émaillés ayant subi de nombreux chocs. A la fin du repas, les garçons débarrassaient, lavaient les tables (déjà les éponges et les chiffons) et balayaient. Les filles essuyaient et rangeaient la vaisselle dans des armoires métalliques. En cas d’assiette ou de verre cassés, nous devions les remplacer aux frais de nos familles d’où, parfois, des séries d’assiettes aux décors hétéroclites. Au paiement trimestriel de notre cantine était incluse une somme forfaitaire pour les fournitures scolaires.

    A mon entrée au collège, celui-ci ne comptait que 4 classes. La classe de 6ème avait sa salle à l’emplacement de l’actuelle L2, tandis que « notre salle de musique » était le local où nous suivions des cours de Travaux Scientifiques et Expérimentaux avec Monsieur Parent. Je nous revois utilisant les balances Roberval et calculant les tares avec divers produits. Nous inscrivions les résultats de nos expériences sur des cahiers de Travaux Pratiques à spirales. Pourquoi tant de précisions?  Nous n’avions pas de listes de fournitures en juin. Tout simplement celles-ci nous étaient distribuées le jour de la rentrée de septembre : cahiers de 100 pages, de 200 pages petit format de marque STELLA (en lettres noires ou dorées sur un cartonnage bleu à reliure noire), cahiers de Travaux Pratiques, et carnet de notes avec consigne de tout recouvrir. De même, nous étaient fournies les feuilles simples et doubles petit format et, bien évidemment, les manuels scolaires, beaucoup moins attractifs et colorés que maintenant, le plus souvent en noir et blanc.

    Consciente de l’enjeu que les études représentaient pour mon avenir, ma famille m’acheta un cartable neuf et le petit matériel scolaire nécessaire. Ne rêvez pas ! Les grandes surfaces n’existaient pas, mais quelle chaleur, quel accueil dans nos petits commerces de St Sulpice ! Madame Bonny conseilla judicieusement ma mère pour le cartable et la trousse : le cuir de qualité m’accompagna sans entrave jusqu’au baccalauréat. Stylos, crayons, classeurs s’achetaient chez Madame Tournebise, les vêtements à l’enseigne de la maison Maillochon, les chaussures au magasin Dubrac.

    Les filles portaient des blouses et le pantalon restait peu utilisé en milieu scolaire (il fut interdit au moins jusqu’en 1968 au Lycée du Dorat) hormis le survêtement pour les activités sportives.

  Je me souviens parfaitement de ma classe de 6ème. Monsieur Parent nous enseignait les mathématiques : sa voix puissante nous impressionnait. Pourtant, nous, St Sulpiciens, nous le connaissions déjà : son épouse, ayant été notre maîtresse au CE1, et Gérard, son fils, l’un de nos meilleurs camarades.
Monsieur Verbois assurait les cours de Français. En ces temps, pas si lointain, 5 fautes en dictée amenaient le zéro fatidique et éliminatoire pour le Certificat d’Etudes.
Mademoiselle Roc enseignait l’Histoire-Géographie et Mademoiselle Baricault l’Anglais. Cette dernière, pour mieux nous solliciter, avait élaboré un système personnel de bons points sur de petits rectangles cartonnés avec un tampon à son patronyme. Chaque réponse juste donnait droit un bon point, le dixième offrant la note tant espérée : « 20 ». Les réponses fusaient toujours après avoir levé le doigt, principe du respect de chacun. C’est avec cette enseignante que je vis pour la 1ère fois utiliser un magnétophone en cours.
Monsieur Ramboiser venait tous les lundis enseigner la musique. Aveugle, cet homme nous apprît les rudiments du solfège au son d’un guide chant manuel puis électrique. Nous étions impressionnés par ses fiches cartonnées perforées en écriture Braille , ainsi que par son acuité auditive et sa capacité à reconnaître nos voix. Pour ses déplacements d’une salle à l’autre, un élève devait lui donner le bras et le guider. Avec lui, nous étudiâmes aussi les biographies des grands musiciens et apprîmes de nombreux chants afin de préparer la fête de fin d’année avec la distribution des prix. La « Truite de Schubert » cohabitait avec « Sacré Charlemagne », « Enfants de tout pays » aussi bien que « Douce Nuit » ou « Mon Beau Sapin », énumération bien loin d’être exhaustive.

    De la 6ème à la 3ème, les filles suivaient des cours de couture mais que faisaient les garçons, je ne sais plus. En 5ème, avec mademoiselle Roc, nous réalisâmes pour la fête des mères, une broderie au point de tige sur un tissu noir.

    En 5ème, un nouvel enseignant, Monsieur Martin vint compléter l’équipe pédagogique. Il avait dirigé la classe de fin d’études quelques années auparavant et son épouse avait la responsabilité de l’une des pharmacies de St Sulpice. Nous étions 40 élèves et la salle L1 que nous occupions était « bien remplie ». Je revois Mademoiselle Roc nous présenter du crêpe noir de deuil lors d’une explication de textes dans le cadre d’une inspection me semble-t-il, puisqu’elle nous enseignait l’Histoire Géographie. Dans cette dernière discipline, les photocopies n’existaient pas encore et nous devions réaliser seuls nos fonds de carte avec beaucoup de maladresse pour la plupart. En Français, Monsieur Verbois utilisait le principe d’une barque pour relier les relatives et les conjonctives à la principale. Il m’enseignait aussi le dessin : je nous revois dessinant notre main gauche. Quelle horreur pour moi mais quelques coups de crayon de Monsieur Verbois et tout s’équilibrait. L’arrivée de l’algèbre et de la géométrie avec démonstration (ou en 4ème) me perturba, malgré les qualités de Monsieur Parent… Décidément les Maths seraient « ma bête noire ». Le déclic ne vint réellement qu’en seconde.

    En 5ème, nous rejoignaient un certain nombre d’élèves reçus au Certificat d’études. Ils «rattrapaient » le niveau dans diverses disciplines. Les difficultés venaient surtout de l’Anglais, où en un an, ils devaient assimiler les connaissances prévues au départ pour 2 années scolaires. Beaucoup ont réussi cette adaptation sans que je puisse préciser actuellement si des heures de soutien étaient organisées pour eux.

     C’est dans notre salle de classe que se réunissaient les sportifs pour suivre en noir et blanc les retransmissions télévisés des matchs de football, rugby ou autres activités sportives.

     En classe de 4ème, nous fûmes moins nombreux (redoublements, départs en apprentissage) et logeâmes en H.G.1. Monsieur Verbois étant au service militaire, Monsieur Moudelaud assurait les cours de Français et Histoire Géographie. Madame Moudelaud nous enseignait la géologie.  Un cours m’a marqué, il rejoignait déjà mes deux passions l’Histoire et la Géographie. A l’aide de cartes, elle nous présenta les origines de la terre, la création du Gondwana puis la dérive des continents selon le principe de la tectonique des plaques. L’étude des roches me rebuta, pourtant elle me passionne maintenant.

    En 3ème, l’effectif global de l’établissement étant de plus en plus élevé, un préfabriqué, avec 2 salles de classe séparées par un couloir, nous attendait à proximité du dispensaire. Nous occupâmes l’une des salles ; la seconde fut réservée aux cours de physique-chimie avec Monsieur Martin. Aucune arrivée d’eau n’étant prévue, le « folklore » consistait à aller s’approvisionner au robinet avec les cristallisoirs, près des toilettes extérieures, en cas de besoin pour les rares expériences réalisables dans de telles conditions.

     Permettez-moi une digression : les toilettes ! ! Cet édicule rectangulaire exposé aux 4 vents en hiver, « très odorant » en été, aux portes fermant à mi-hauteur du bâtiment, était un local surprenant ! Pourtant, ce bâtiment subsistait encore en 1972 quand je revins au collège en qualité d’enseignante. Aucun lavabo n’était prévu. Les services d’hygiène devaient être plus tolérants ! ! Toutefois, des lavabos existaient dans le couloir d’accès à la cantine.

   Revenons à l’enseignement. Deux objectifs à réaliser cette année de 3ème. : le Brevet et l’Orientation. La plupart d’entre-nous obtinrent le Brevet. Nous devions réviser l’intégralité du programme dans toutes les disciplines. Sauf mémoire défaillante de ma part, nous avions à l’écrit : Dictée-Questions, Rédaction, Biologie ou Physique-Chimie, Histoire ou Géographie, Anglais. En Anglais, nous avions aussi une épreuve orale. Pour le Brevet, Monsieur Labrousse nous conduisit à Limoges avec le car jusqu’au centre d’examen à Léonard Limosin. A midi, nous déjeunâmes pour la plupart, dans un petit restaurant près des Halles. Qui avait réservé ? Monsieur Parent peut-être ? Le latin, la seconde langue (Espagnol ou Allemand) n’apparaissent pas : ces disciplines n’étaient pas enseignées dans les collèges ruraux ; d’où des difficultés avec des cours grands débutants les années suivantes. Une épreuve sportive existait aussi au stade de Bellac, je crois !

     Comment occuper nos récréations ? Pas de C.D.I, de foyer, encore moins Internet, vous le comprendrez aisément. Nous disposions du stade moins bien entretenu que maintenant. Dès le mois de Mai, au fond du stade, nous avions notre refuge derrière les hautes herbes. A cette époque, l’intégralité du terrain entourant le collège était pratiquement libre d’accès. Au tout début, un agriculteur passait parfois avec un petit troupeau de vaches ! !

     Les filles jouaient au ballon prisonnier, les garçons au foot. Faire le tour du stade en marchant tranquillement par groupes tout en bavardant, nous occupait aussi fréquemment. L’hiver, nous organisions des glissades sur les ruissellements d’eau gelée couvrant la piste. Notre ancienne maîtresse, Mademoiselle Paty qui avait la responsabilité du Cours Préparatoire en salle H.G 2, nous rejoignait parfois pour assister à nos exploits.

    En fin d’année scolaire, les jeux se diversifiaient sur le stade où à l’ombre des tilleuls : pyramides humaines, courses de vitesse, jeux de cartes en tout genre, équilibre sur les barres, pétanque…

    L’année scolaire s’achevait par la distribution des prix à la salle des fêtes (actuel local du contrôle technique) ou sur le stade et à cette occasion une estrade était élevée. Sur celle-ci, siégeaient nos enseignants, les maires des différentes communes, Monsieur Dubois, conseiller général, puis son successeur Monsieur Buxeraud. Nous recevions des livres (beaucoup plus prisés qu’actuellement, la télévision n’existait pas dans tous les foyers, loin de là) selon les principes suivants : Prix d’excellence, Prix d’honneur ; 1er, 2ème et 3ème prix par discipline, puis les accessits. Qui a gardé les programmes sur feuilles vertes réalisés à la mairie ? Ils feraient notre joie maintenant ! Les élus d’un jour, appelés à tour de rôle gravissaient timidement les marches pour recevoir leurs récompenses, joie de nos familles respectives qui ne ménageaient pas leurs applaudissements.