La famille La Feuille

La famille La Feuille appartenait à la noblesse féodale, et, dès le XIIIe siècle, nous voyons ses membres porter le titre de « miles » ou « chevalier » (notamment en 1247, 1277, 1298). Ce fut une très importante maison, autant que l’on peut en juger par ses possessions, les dignités ecclésiastiques conférées à certains de ses membres et le rang des familles qui contractèrent alliance avec elle. Mais, malgré l’éclat qu’elle connut certainement en son temps, cette maison, très tôt éteinte — la dernière mention qui en est faite date de 1406 — est encore fort peu connue et les documents qui la concernent ne sont parvenus qu’en petit nombre jusqu’à nous. Nous essaierons, cependant, d’en étudier successivement :
1) L’origine.
2) La généalogie.
3) Les possessions.
4) Les dignités ecclésiastiques.
5) Les armoiries.
6) Les alliances.

1) Origine

L’origine exacte de la famille La Feuille nous est encore inconnue. Celle-ci apparaît, dès la fin du XIe siècle, dans l’entourage des Vicomtes de Brosse, et il est probable que le fondateur de cette maison fût, soit un fils, soit un gendre de l’un des Vicomtes. En effet, la Terre aux Feuilles était une châtellenie de la Vicomté de Brosse, au même titre que la Châtre, au Vicomte et que Vouhet. Or, nous voyons la châtellenie de La Châtre, à la fin du XIIe siècle, échoir à Pierre de Brosse, frère cadet du Vicomte Bernard II, et celle de Vouhet servir d’apanage en 1348 à Jeanne de Chauvigny, fille d’André II, Vicomte de Brosse, comme cadeau à l’occasion de son mariage. Dans les deux cas, les châtellenies adviennent soit à un fils, soit à une fille d’un vicomte, et il est normal de penser qu’il en fût de même pour celle de la Terre aux Feuilles. En tout cas, si les La Feuille ne furent pas descendants directs des Vicomtes de Brosse, ils en furent au moins des familiers, car, maintes fois, sur des actes, les noms des membres de cette famille voisinent avec ceux des Vicomtes.
C’est ainsi que vers 1120, le Vicomte Bernard I est témoin dans un acte de donation fait par Géraud et Imbert La Feuille. Un peu plus tard, les mêmes La Feuille assistent à leur tour à une donation faite par le Vicomte.
En 1137, Isembert La Feuille et son fils Geoffroy sont témoins dans une charte du même Vicomte Géraud et de Foulques son frère.
En 1154, c’est Umbert La Feuille qui apparaît dans un accord entre le Vicomte Bernard II et le prieuré de Saint Benoît.
Ce sont encore, au début du XIIIe siècle, Boson et Élie La Feuille qui assistent à un don d’aubains fait par le Vicomte de Brosse. Mais, si nous n’avons rien de certain concernant l’origine des La Feuille, qu’il nous soit cependant permis d’exposer une hypothèse qui paraît vraisemblable, mais à laquelle nous n’attachons évidemment que la mince valeur d’une supposition plausible.
Le plus ancien membre de la famille qui nous soit connu par un acte authentique (de 1112) est Isambert, dit la Feuille « Isambertus cognomento Folium » qui, du consentement de sa femme Pétronille et de son fils Géraud, fait divers dons aux chanoines réguliers du Saint-Nicolas-de-Beaulieu (Indre, canton de Saint Benoît du Sault). Il donne, en outre, un certain nombre de setiers de froment « in castro Brucie ».
Le fait d’avoir besoin du consentement de sa femme et de son fils pour disposer de ces biens, paraît signifier qu’il les tient du chef de sa femme. Pétronille est donc possessionnée à Saint-Nicolas-de-Beaulieu, bourg sis dans la châtellenie de Chaillac, le fief principal et personnel des Vicomtes de Brosse, ainsi qu’à Brosse même. Elle pourrait, par suite, appartenir à la famille vicomtale et si, comme nous le pensons, la châtellenie de la Terre aux Feuilles (au début de Mondon) fut donnée au fils ou à la fille d’un Vicomte, Pétronille pourrait bien être celle-là. Comme elle se marie aux environs de 1090, elle serait alors fille du Vicomte Bernard I et sœur du Vicomte Géraud.
De quel pays serait son mari ? Les deux premiers La Feuille connus sont notre Isambert, dit La Feuille et son contemporain peut-être son frère, Umbert La Feuille, qui fut prieur d’Evaux (Evaux, dans la Creuse, arrondissement de Bénévent), puis de Bénévent (Bénévent l’Abbaye, dans la Creuse, arrondissement de Bourganeuf), monastères appartenant tous les deux à la Marche.
Les La Feuille seraient peut-être alors originaires de la Marche et Isambert, Marchois, ayant épousé Pétronille, fille supposée d’un Vicomte de Brosse et devant être, par suite, d’un rang égal au sien, pourrait être fils d’un comte de la Marche, qui serait alors Adal¬bert II.
Les deux époux, Isambert et Pétronille auraient alors été cousins, ainsi qu’il ressort du tableau suivant :

Isambert et Pétronille auraient alors été cousins

Toute cette hypothèse, qui paraît relever de la pure imagination, recevra cependant une apparence de confirmation des faits suivants :
On sait qu’Isambert, dit La Feuille et sa femme Pétronille eurent pour enfants Isembert, Géraud, Boson, Umbert. Il est alors curieux de constater que, dans notre hypothèse Isembert aurait pris le nom de son père Isambert La Feuille, Géraud aurait reçu le nom du frère de sa mère, Géraud, vicomte de Brosse. Boson aurait reçu le nom du frère de son père, Boson III, Comte de la Marche, Umbert aurait reçu le nom d’un autre frère de son père, Umbert La Feuille, prieur de Bénévent.
En outre, parmi la descendance d’Isambert et de Pétronille se trouvent plusieurs personnages appelés Boson, qui est un prénom de tradition dans la famille des Comtes de la Marche.
D’autres s’appellent Élie, autre nom de tradition de cette même famille. De son côté, le prénom de Géraud, porté par un des fils d’Isambert, est un prénom de tradition transmis par le Vicomte de Limoges Géraud à son fils Géraud, seigneur d’Argenton, ancêtre de Géraud, vicomte de Brosse, lui même oncle supposé de notre Géraud La Feuille.
Pour ces diverses raisons, il se pourrait donc que cette famille la Feuille, dans laquelle on rencontre des prénoms de tradition tant des Comtes de la Marche que des Vicomtes de Brosse, fut issue du mariage de deux membres de ces deux maisons.
Mais, nous le répétons encore une fois, ce n’est qu’une hypothèse.

2) Généalogie

Les documents que nous avons pu rassembler sur la famille La Feuille ne sont pas encore suffisants pour permettre l’établissement d’une généalogie complète et sûre, mais il nous paraît cependant intéressant, quand ce ne serait que pour servir de base à des recherches éventuelles, de présenter un essai d’arbre généalogique groupant les divers personnages de cette famille dont nous avons eu connaissance, mais sans pouvoir, toujours les relier par des liens de parenté définitivement établis.
Nous distinguerons donc les filiations certaines des filiations probables en représentant les premières par des traits continus et les secondes par des traits discontinus. Les dates accompagnant les noms des personnages sont celles des actes dans lesquels ceux-ci sont mentionnés.
La famille « La Feuille » est aussi connue sous le nom de « La Failhe »

Généalogie La Feuille

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3) Possessions

a)  Haute-Vienne

– Arrondissement de Bellac
.          Canton de Saint Sulpice Les Feuilles
.          .      Châtellenie de La Terre aux Feuilles (avant 1254), comprenant le territoire des .          .        six paroisses (aujourd’hui communes) de Saint Sulpice Les Feuilles, Les .          .          .        Grands Chézeaux, Saint Georges les Landes, Cromac, Mailhac, Arnac.
.          Canton du Dorat
.          .          Commune de Saint Sornin La Marche : Mas de Ruera (1277).

b) lndre

– Arrondissement du Blanc
.          Canton de Saint Benoît du Sault
.          .          Commune de Chaillac : biens divers (1277).
.          .          Commune de Beaulieu : Bourg de Saint Nicolas (1112).
.          Canton de Belabre
.          .          Commune de Belabre : biens divers (1277).
– Arrondissement de La Châtre
.          Canton d’Eguzon
.          .          Commune de Céaulmont : Seigneurie et Château de la Prugne (plus tard La .          .          Prugne au Pot), vers 1300.

c) Vienne

– Arrondissement de Montmorillon
.          Canton de Montmorillon
.          .          Commune de Lathus : biens divers.
.          Canton de Lussac Les Châteaux
.          .          Commune de La Bouresse : biens divers (1277).
.          Canton de La Trimouille
.          .          Commune de Thollet : Terre du Cluzeau (1277).

4) Dignités ecclésiastiques

Prévot d’Évaux (Creuse. Arr. d’Aubusson. Monastère de Génovéfains, congrégation vivant sous la règle de Saint Augustin. Le Prévôt était le doyen du chapitre, administrant les biens de la communauté) : Umbert La Feuille, vers 1080-1105.
Prieur d’Évaux : Umbert La Feuille, en 1108.
Prieur de Bénévent : Umbert La Feuille, en 1128.
Prévot de Saint Benoît du Sault (Indre. Arr. du Blanc. Abbaye de Bénédictins, issue du monastère de Saint Benoît sur Loire) : Géraud La Feuille, en 1154.
Abbé de Nouaillé (Vienne. Arr. de Poitiers, canton de La Villedieu. Abbaye de Bénédictins, fondée au IXe siècle) : Elie de La Feuille, depuis 1265 et en 1277.
Abbé du Dorat : Isembert de La Feuille, en 1266 et en 1277.

5 Armoiries

Nous ne connaissons, comme armoiries ayant pu appartenir à la famille La Feuille que celles indiquées par M. de Chamborant pour Guillaume « de la Failhe-Renant », que nous avons vu être le même que le Guillaume « de La.Foilhe » de l’abbé Nadaud, et qui, finalement, est un « de La Feuille ». Ce sont les suivantes :
« D’or à la fasce d’azur chargée d’un annelet aussi d’or ». Il est curieux de noter que Radegonde de La Feuille, fille du Guillaume précédent, épousa vers 1280, Raoul Pot, et lui apporta le château de Piégut. Ils furent la souche de la famille des Pot, Seigneurs de Piégut. Or, ceux-ci portèrent comme armoiries « D’or à la fasce d’azur », c’est à dire les mêmes que celles des La Feuille, moins l’annelet chargeant la fasce. On peut donc se demander s’il n’y eut pas corrélation entre ces deux blasons.

6) Alliances

– Vers 1170-1180 : de Lignières, alias de Linières.
Sibille, fille de Séguin de Lignières, épouse N. La Feuille, dont elle a Boson La Feuille (Charte de Boson La Feuille (La Folla) de mars 1222-1223, confirmant à l’abbaye d’Aubeterre les droits que celle-ci, avait acquis sur les biens de Sibille, mère dudit Boson et fille de Séguin de Lignières).
De Linière, ou Lignières, barons de Linières, vicomtes de Mereville, etc. Originaires de Linières (chef-lieu de canton, arrondissement de Saint Amand, Cher). Armes « D’or, au chef vairé de 3 traits d’argent et d’azur, au lion de gueules couronné d’or brochant sur le tout ».
– Vers 1200 : de La Rippe.
Dame de La Rippe, épouse Hymbert de La Feuille, chevalier, dont elle a Boson ; Simon ; N. seigneur de Monron ; Hysembert, abbé du Dorat ; Elie, abbé de Nouaillé ; Pétronille, moniale de Villesalem.
De La Rippe. Armes « Coupé d’argent et de gueules, à 5 fusées couchées et posées en sautoir de l’un en l’autre ».
– Vers 1260 : du Breuil.
Limosine du Breuil, épouse Guillaume La Feuille, chevalier, seigneur de Puyagu (Piégut). – du Breuil, comtes et marquis de Gargilesse. Armes De gueules, à une manche mal taillée ou hache d’armes antique d’argent ».
– Vers 1290 : de Nailhac.
Élie de Nailhac, épouse Philippe, dame de Mondon, fille de Hymbert de la Feuille, chevalier, seigneur de Mondon de Nailhac. vicomtes de Bridiers. Originaires du Berry. Dans la Haute-Marche et en Touraine. Armes « D’azur, à deux lions léopardés d’or, l’un sur l’autre ».
– Vers 1280 : Pot.
Raoul Pot, fils de Guillaume, chevalier, seigneur de Champroy et de Catherine du Verdier, épouse Radegonde de La Feuille, fille de Guillaume, chevalier, seigneur de Puyagu et de Limosine de Breuil.
Pot, barons de Châteauneuf-en-Auxois, de Châtelus, de Preuilly : Vicomtes de Bridiers ; comtes de Romorantin, de Saint Fol, de la Roche-Pot marquis de Rhodes, etc. Originaires de la Marche. En Limousin, en Berry, en Bourgogne, en Poitou et en Nivernais. Armes « D’or à la fasce d’azur ».
– Vers 1380 : Aubert.
Guillaume Aubert, fils de Guillaume, seigneur de Bré et de La Roche-l’Abeille (en Limousin), de Murat et de Monteil-Dégelat (en Auvergne) et de Isabelle de Rochechouart épouse Sybille La Feuille dame de La Vau. – Famille originaire du Bas-Limousin, qui a donné naissance au pape Innocent VI. Armes « De gueules, au lion rampant d’or, à une cotice d’azur brochant sur le tout, au chef cousu de gueules, chargé de 3 coquilles d’argent ». (Armes d’Étienne Aubert, pape en 1352, sous le nom de Innocent VI). – Alias « De gueules, au lion d’argent, à la bande d’azur, brochant sur le lion au chef de gueules soutenu (ou non) d’azur, chargé de 3 coquilles d’argent ». (Sceau d’Etienne Aubert, comte de Bré et de La Roche-l’Abeille à la fin du XIVe siècle).