Souterrain de Lavaupot : Les locaux

Nous examinerons :
I – La Hutte, habitation de surface, et l’Entrée par puits.
II – La Caverne artificielle, habitation souterraine profonde.
III – Le Corps de garde, organe d’observation et de défense, creusé à un étage intermédiaire entre celui de la Caverne et la surface du sol.

Entrée par puits et locaux d'habitation

Entrée par puits et locaux d’habitation

I  Entrée par puits et Locaux d’habitation
En haut         : Coupe schématique.
En bas           : Plan.

A. — Puits de descente.
B. — Boyau d’entrée.
C. — Grande salle.
D. — Salle foyer.
E. — Petite Salle.
F. — Petite Salle.
G. — Boyau de communication.
H. — Corps de garde.
I. — Vestibule.
J. — Poste de guet.
P. — Boyau cheminée.
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1. — Entailles de la paroi.
2. — Puits de trappe.
3. — Porte en gueule de four.
4. — Petite fenêtre.
5. — Ouverture du plafond.
6. — Porte en gueule de four.
7 — Niche d’écoute.
8. — Arcade de communication.
9. — Conduit d’aération.
10. — Ouverture en gueule de four.
11. — Arcade de communication.
12. — Niche.
13. — Conduit d’aération.
14. — Porte en gueule de four.
15. — Porte en gueule de four
16. — Couloir.
17. — Porte en gueule de four.
18. — Fenêtre circulaire.
19. — Conduit acoustique.

I] Hutte de surface et entrée par puits.

1) Hutte de surface.

C’est évidemment là un élément dont il ne peut rester de traces aujourd’hui, mais la comparaison de nos Souterrains-Refuges avec des habitations troglodytiques africaines, dont certaines sont encore utilisées, présentent avec les nôtres les plus grandes analogies. En Afrique, cette dernière se dresse au dessus de l’orifice du Puits de descente, qu’elle couvre, cache et défend, comme une maison moderne recouvre l’escalier conduisant à la cave.
On trouve des huttes de dimensions et d’importances variables et au fur et à mesure que le type du souterrain se perfectionne et se civilise, la Hutte s’agrandit, pour devenir finalement une véritable maison, l’habitation de surface prenant ainsi toujours plus d’ampleur, au détriment des cavernes, qui finissent par ne plus constituer que des sortes de caves d’importance secondaire.
Dans les types primitifs, cette Hutte est faite de bois et de branchages, et sert de logement pour le chef de famille et pour les autres hommes, s’il y en a. Seules les femmes couchent sous terre de façon permanente. Les hommes vivent évidemment la plupart du temps dans la salle souterraine commune avec le reste de la famille, mais ils couchent en général dans la Hutte de surface, gardant ainsi, l’entrée des locaux d’habitation.
L’entrée par puits devait alors être gardée des incursions indésirables grâce à un veilleur installé dans le Corps de Garde, que nous décrirons plus loin.
L’orifice du Puits de descente se trouvant toujours, en Afrique, à l’intérieur de la Hutte, il devait en être de même dans nos pays. De plus, il est vraisemblable que cet orifice était, en temps ordinaire, recouvert d’une trappe de bois ou de pierre.
Soulevons donc cette trappe et engageons-nous dans le Puits de Des¬cente (A), lequel, prolongé par un Boyau (B), nous conduira à l’intérieur de l’Habitation souterraine, dans la Grande Salle (C).

2) Puits de Descente (A)

Le Puits de descente proprement dit, de section horizontale à peu près carré, mesure 1,50 m de côté au départ et 1 m seulement au fond. Des marches étroites et peu profondes, ou, plutôt des entailles sont creusées dans la paroi N-E, formant une sorte d’escalier très frustre, lequel, parvenu à une profondeur d’ 1,90m, s’arrête brusquement devant un Puits plus étroit, que nous nommerons Puits de Trappe.
Arrivé à la dernière marche, au bord de ce dernier puits, un visiteur averti devait, pour pénétrer sans dommages dans le souterrain, effectuer un brusque tour à gauche, en posant le pied sur un étroit rebord de rocher, puis se glisser adroitement dans une petite porte (3) en forme de gueule de four creusé dans la paroi Nord-Ouest et donnant accès dans le Boyau d’Entrée (B).
En face de cet escalier, et dans la paroi opposée, une petite fenêtre (4) permettait à un guetteur blotti dans le Corps de Garde (H) d’observer l’arrivant et peut-être, à l’occasion, de le frapper d’une flèche ou d’un épieu.

3) Puits de Trappe (2)

Fosse verticale, à bords francs prolongeant le Puits de Descente. Des rebords rocheux ménagés entre les deux permettent de supposer que l’on disposait au bas du Puits de Descente un plancher factice de branchages, comme cela se pratique pour les trappes destinées à la capture des bêtes sauvages, afin qu’un visiteur indésirable ne connaissant pas les aîtres, y pose son pied et disparaisse dans le trou.

4) Boyau d’Entrée (B)

Le visiteur, qui est un familier de l’habitation, a su tourner à temps et s’enfourner dans l’étroite porte (3) du Boyau d’entrée. Le guetteur a pu le reconnaître par la petite fenêtre (4), et nous verrons qu’il lui est possible, si cela est nécessaire, de l’annoncer aux occupants de la Grande Salle (C).
Voici le visiteur engagé dans le Boyau (B), lequel descend fortement, passe un moment sous une ouverture ménagée depuis le sol du Corps de Garde (H), rentre ensuite sous voûte et aboutit enfin dans la Grande Salle (C) par une porte en gueule de four (6) débouchant à 0,70m au-dessus du niveau du plancher de cette salle (Ce Boyau, large de 0,50 à 0,90m est, au début, haut de 0,50m, il s’élève ensuite jusqu’à 0,70m puis 1,40m et s’abaisse à nouveau jusqu’à 0,50m. L’ouverture qui fait communiquer le Boyau avec la Grande Salle mesure 0,42m de hauteur sur 0,50m de largeur,).

II] Caverne Artificielle

1) Grande Salle (C)

Ayant franchi la petite porte (6) en gueule de four, le visiteur se trouve dans une assez vaste salle de forme irrégulière, large de 2 à 3 mètres, longue de 5,50m et d’une hauteur centrale maximale de 1,75m .Cette salle présente deux sortes de protubérances, formant comme deux autres petites salles, les pièces (D) et (E), mais, avant de passer à la description de celles-ci, signalons un élément excessivement curieux, et dont nous aurons l’occasion de reparler.
Dans la paroi E-S-E de la Grande Salle se creuse une sorte de niche d’écoute (haute de 0,65m ; large de 0,45m) (7), se terminant à sa partie supérieure par une cavité ayant à peu près la forme et la dimension d’une tête, cavité en haut de laquelle débouche un conduit acoustique (19) dont il sera reparlé plus loin ; La base de cette niche constitue un siège (de forme à peu près triangulaire), où pouvait se tenir assis un individu de petite taille, ayant l’oreille gauche contre la paroi, près de l’orifice inférieur du conduit acoustique.

2) Salle Foyer (D)

Au S-E de la Grande Salle, une sorte de protubérance constitue ce que nous appelons la Salle Foyer (D) communiquant avec elle par une arcade en demi-ellipse (Haute de 1,70m et large de 1,50m) (8).
C’est une petite pièce rectangulaire, surmontée d’une voûte en berceau calcinée et couverte d’une épaisse couche de suie, contraire¬ment aux voûtes des pièces voisines. C’est donc là une pièce où l’on faisait habituellement du feu. A vrai dire, c’est une véritable cheminée.
En effet, au milieu de l’un des grands côtés de cette petite pièce, et au ras du plancher, débouche un Conduit d’aération (9) de 0,15m de diamètre. En face, à 1 m de hauteur, une ouverture (10) en forme de gueule de four (de 0,40 de hauteur, sur 0,37 de base) est le point de départ d’un conduit (P), sorte de Boyau de communication, jouant en même temps le rôle de tuyau de cheminée. Ce conduit s’élève en s’agrandissant, puis se greffe sur un couloir (k) qui va déboucher à l’air libre 5m plus haut que le niveau du foyer. Le feu, allumé sur le sol de la Salle Foyer, recevait ainsi, de l’air par l’arcade de communication (8) avec la Grande Salle et par le Conduit d’aération (9). Le tirage se faisait avec l’orifice (3) du Tuyau de cheminée.
Cet ensemble constituait ainsi une véritable Cheminée, présentant toutes les qualités requises pour un bon fonctionnement.
Cette cheminée, dont le long usage prouve une occupation prolongée de l’habitation, devait, tout en assurant le chauffage des troglodytes et la cuisson des aliments, produire en outre, par tirage, une ventilation puissante, propre à renouveler l’air vicié de la demeure souterraine.

3) Première petite Salle (E)

Cette petite salle se creuse à l’O-N-O de la Grande Salle avec laquelle elle communique par une sorte d’arcade (haute de 1,60m et large de 1,20m) (11).
Le sol en est plus élevé de 0,70m que celui de la Grande Salle et il s’élève en se rapprochant du fond, formant ainsi quelque chose d’analogue aux planches à coucher des corps de garde. Il ne serait donc pas impossible que cette Petite Salle eût constitué une sorte d’alcôve à usage de dortoir.
Du côté Sud de cette Petite Salle est taillée une niche (haute de 0,50m, large de 0,80m, profonde à l’Est de 0,50m, à l’Ouest de 1,45. Sur montée d’une voûte en demi-cercle de 1,80m de diamètre) (12) dont nous ne pouvons deviner l’usage et, dans le fond de la salle s’ouvre un conduit d’aération (de forme circulaire et de 0,25m de diamètre) (13) long et coudé.
Enfin, dans la paroi Est une porte en gueule de four (haute de 0,42m, large de 0,50m) (14) donne accès dans un boyau (G) conduisant à la seconde petite salle (F).

4) Seconde Petite Salle (F)

Située au N-N-E de la grande salle et reliée à elle par un petit Couloir (16), qui s’ouvre par une porte en gueule de four (15) située à 0,70m au-dessus du niveau du plan¬cher de cette grande salle (ce couloir long de 3,25m est d’abord haut de 1m et large de 0,70m ; il augmente ensuite de proportions jusqu’à devenir haut de 1,30m et large de 1,70m).
Ce couloir, avant de pénétrer dans la salle qu’il dessert, reçoit l’autre extrémité du boyau (G) provenant de la première petite salle (E) (par une ouverture en gueule de four haute de 0,40m et dont la base est large de 0,50m).
Cette seconde petite salle (F), soigneusement taillée, qui mesure 1,65m sur 2 m, est surmontée d’une voûte (haute en son milieu de 1,60) en forme de dôme irrégulier.

III – Corps de Garde (H,I,J), avec dispositifs d’observation et de défense.

L’ensemble que nous désignons par ce qualificatif de corps de garde, et qui constitue un curieux dispositif d’observation et de défense, se compose de deux petites pièces reliées par une sorte de vestibule arrondi, le tout creusé à un étage intermédiaire entre la surface du sol et le niveau de la grande salle.
Nous nommerons, pour être plus clairs, ces deux petites loges corps de garde (H) proprement dit et poste de guet (J).

1) Corps de Garde (H)

Petite loge (haute de 1,30m à peu près circulaire et d’un diamètre moyen de 1,70m) dont le plancher est crevé d’une ouverture (rectangulaire de 1m sur 0,60m) (5) donnant vue et accès dans le boyau d’entrée, profond en cet endroit de 1,50m. Dans la paroi N.E. de la loge, au-dessus de cette ouverture et commandant ainsi le couloir, est taillé une niche hémisphérique (de 1,15m de diamètre) dans une paroi de laquelle est forée la fenêtre (4), dont nous avons déjà parlée et qui a vue sur l’escalier de descente du puits. Une sorte de vestibule (ayant pour plan un secteur de cercle de 1,45 de rayon) (1) relie ce corps de garde au poste de guet.

2) Poste de Guet (J)

Autre petite loge (circulaire d’un diamètre de 1,20m et d’une hauteur de voûte de 1,65m), creusée, celle-ci à flanc de coteau, sous une très mince épaisseur de rocher (de 0,20m seulement).
Elle est munie, à 0,75m au-dessus de son plancher, d’une petite fenêtre circulaire (18) de 0,30m de diamètre, s’ouvrant à l’extérieur sur la campagne.
Dans le plancher de ce poste est forée une sorte d’appareil acoustique (19) consistant en un étroit conduit (ce conduit acoustique, de tracé rectiligne et de direction presque verticale mesure 1,20m de long sur 0,06m de diamètre), déjà mentionné lors de la description de la grande salle, et reliant ce poste de guet avec la niche d’écoute (7) de cette grande salle (C).
Le Puits de Descente (A), le Puits de Trappe (2), le Boyau d’Entrée (B), le Corps de Garde (H,I,J), constituent tout un dispositif d’observation et de Défense ingénieux et original, sur lequel nous croyons devoir insister un peu, et, afin d’en faire comprendre plus facilement le mécanisme, nous avons établi un schéma des différents organes de ce dispositif.
L’observation du plan du souterrain fera ressortir que ce n’est bien là qu’un schéma, et non la reproduction réduite d’une coupe exacte du terrain par un plan vertical. Dans la réalité, ces divers éléments s’entremêlent et se superposent de façon trop complexe pour qu’une ou même plusieurs coupes puissent en rendre clairement la physionomie.
Quelques mots d’explication sur le schéma en question permettront de saisir le fonctionnement probable du système.
Dans le poste de guet (J) est tapi un guetteur observant la campagne par la fenêtre (18). Voit-il quelque chose à signaler qu’il prévient aussitôt les occupants de la Grande Salle (C) au moyen du conduit acoustique.
Les membres de la famille sortent alors du souterrain, s’il s’agit de donner la chasse à l’être signalé ; ils restent sur place, faisant les préparatifs nécessaires, il s’agit de recevoir un visiteur en ami ou en ennemi.
Cependant, dans la niche hémisphérique du corps de garde (H) veille un autre guetteur, ou le même qui s’y est transporté, lequel par la fenêtre (4) observe l’escalier de descente.
Un visiteur se présente à l’entrée du Puits (A) et en descend les marches, tandis que, tapi dans l’ombre, le guetteur l’observe et le reconnaît pour ami ou ennemi.
Voici ce visiteur parvenu au bas des marches. Si c’est un indésirable qui ne connaît pas les lieux, il a de grandes chances de tomber alors dans le Puits de Trappe (2) et de s’y rompre le cou, à moins que, demeuré en vie, il n’y attende d’être assommé ou capturé par les habitants du souterrain.
Parvient-il par chance à éviter ce premier piège, ainsi qu’une flèche du guetteur, et à pénétrer dans le boyau d’entrée (B), qu’il se trouve bientôt à découvert en (5), à la merci, de ce même guetteur qui peut lui faire rouler quelque quartier de rocher sur la tête. Si, par miracle, l’ennemi ne l’a pas encore occis, il lui reste encore à pénétrer en rampant par la porte, (6), dans la grande salle (C), où l’attendent les habitants alertés.
On voit combien il était difficile d’arriver en vie jusqu’au cœur de la place, et à quel point le système d’observation et de défense était complet et bien compris.