Villa gallo-romaine de Saint-Martin-le-Mault

Mémoire présenté par Virginie Bourry,
UFR Sciences Humaines et Arts de Poitiers. 1996-1997

Sommaire

Introduction

Avant-propos: découverte et prospection de la villa de La Mazère
Exposition des fouilles
Présentation générale de la villa

La « pars urbana »
L’habitation du maître
Les bains
Les autres apports des fouilles

La « pars agraria »
Structure générale
Les modes de construction
Les bâtiments d’exploitation

Le cimetière
Localisation et présentation du matériel
Les coutumes funéraires

Conclusion

Bibliographie

Introduction

Au cours du XXe siècle, les chercheurs et les archéologues ont manifesté un intérêt particulier quant à l’étude de la villa gallo-romaine. Le sol français est riche, en effet, de la présence de nombreuses villas de toutes tailles, plus ou moins bien préservées, dont les plus importantes ont bénéficié de fouilles et de recherches fort développées. On peut néanmoins estimer qu’un travail d’analyse de villas de moindre taille pourrait contribuer à améliorer la connaissance actuelle du fonctionnement général de ce type de structures. Celle qui fut découverte en 1897-1898 dans la commune de Saint Martin Le Mault (Haute-Vienne) et fouillée sous la direction de M. Maublant, propriétaire des lieux, offre par exemple un terrain d’étude favorable.

La commune de Saint Martin le Mault, située au nord de la Haute-Vienne, à la limite de l’Indre, s’étend sur un plateau de sol granitique peu perméable. Ce sol peu riche est cependant favorable à l’élevage ovin et bovin, ainsi qu’à la culture de quelques céréales destinées à l’alimentation du bétail. La villa gallo-romaine qui nous intéresse fut découverte, à la fin du siècle dernier, sur les parcelles 783, 786 et 787 (figure 1) de cette commune, à 225 mètres au nord-ouest du lieu-dit « La Mazère ». Ce nom d’origine latine (« maceria » signifiant « mur de clôture en pierres sèches ») s’est cristallisé en toponyme à l’époque franque pour désigner des domaines et des villages reformés auprès de murs en ruine, de restes de constructions ravagées. Le terme « villa », quant à lui, désigne aussi bien un domaine de grandes dimensions que les bâtiments de la ferme, tant d’exploitation que d’habitation. Les bâtiments de la villa de La Mazère ─ qui n’a pas été établie près d’un point d’eau, contrairement aux conseils des Agronomes ─ s’étendent sur neuf hectares environ, l’eau semblant provenir de l’étang de La Mazère situé au sud ouest, à cinq cents mètres de là. De même, la villa était éloignée des grandes routes romaines. Nous pouvons supposer qu’elle y était raccordée par un réseau de chemins. Elle devait, en outre, être reliée à un ou des centres urbains, répondant à l’idéal de l’économie antique, celui d’une autarcie avec vente de ses surplus. Son isolement n’est donc pas à percevoir comme une coupure entre elle et les autres structures environnantes.

La villa répond au plan le plus caractéristique existant : elle est divisée en deux parties, la « pars urbana » et la « pars agraria », chacune s’organisant autour d’une cour. Les fouilles effectuées sur la « pars urbana » ont notamment permis de dater les ruines de cette villa ─ provenant selon les indices recueillis, d’un incendie ─ du dernier quart du IIIe siècle. Ces fouilles, recoupées avec d’autres études, nous laissent par ailleurs entrevoir le degré de romanisation des habitants ainsi que la présence d’éléments indigènes.

Notre objet étant de dégager les différentes structures de la villa, les influences romaines qu’elle a connues, ainsi que le fonctionnement quotidien de ses bâtiments, nous avons choisi de mettre en évidence, dans un premier temps, les aspects positifs comme les aspects négatifs des fouilles déjà effectuées, pour mieux analyser ensuite la « pars urbana » et la « pars agraria » en nous appuyant également sur le cadastre et l’observation au sol. Nous nous intéresserons, enfin, à un petit cimetière gallo-romain situé à quelques centaines de mètres du site de La Mazère et semblant dépendre de la villa.

Avant-propos: découverte et prospection de la villa de La Mazère

Exposition des fouilles

 En 1897 et 1898, M. Maublant, propriétaire des terres de La Mazère, entreprit d’effectuer des fouilles dans la parcelle 787 du cadastre (Voir annexe 1). Ont alors été mis à jour les vestiges d’une villa importante, étudiés au moment même par M. Drouault, receveur des domaines à Saint Sulpice Les Feuilles, sur une étendue de deux à trois hectares. Aucun archéologue n’étant présent sur les lieux, les fouilles ont été quelque peu mal menées. En effet, non seulement incomplètes, elles ont aussi vidé les pièces de leur contenu et aucune étude stratigraphique n’a été faite. De plus, le plan établi par M. Drouault (Voir annexe 2), bien que précieux, ne mentionne aucun accès, n’y figurent ni l’épaisseur des murs, ni la localisation des principales trouvailles. Ainsi, bien que celui-ci soit bien coté et bien orienté, il ne comporte aucun détail relatif à la construction. Son auteur s’est donc contenté de la linéarité. Ce plan est donc partiel, les fouilles n’ayant pas apporté toutes les indications nécessaires: il lui manque le discernement des états successifs de construction, faute d’une étude stratigraphique.

Quant au matériel, il n’a pas été bien traité puisque, dès l’étape des fouilles, s’est opérée une sélection entre le matériel intéressant et celui qui n’était pas jugé comme tel (amphores, lampes à huile…). Parmi les objets ainsi préalablement sélectionnés, seuls ceux jugés présentables ou curieux ont été dessinés et pris en photo (buste en bronze et tête de calcaire). Les pièces découvertes n’ont fait l’objet d’aucune étude numismatique, les rapports se contentent de leur description. Ainsi, le matériel retrouvé n’est pas représentatif de l’ensemble du matériel du site et l’absence d’observation stratigraphique lui enlève toute valeur de référence.

Le caractère essentiellement agricole de la villa ayant par ailleurs été oublié, les fouilles n’ont porté que sur l’habitation principale et ses annexes thermales; aucun bâtiment d’exploitation n’a été cherché, leur présence même ne semble pas avoir été soupçonnée. Enfin, découragé par la banalité du matériel recueilli, par l’ampleur des travaux et par l’arasement des constructions, M. Maublant, après avoir démoli les fondations dans le but de récupérer des pierres de construction, a fait reboucher les fouilles.

Aujourd’hui la présence de cette villa se laisse deviner par les nombreuses pierres qui affleurent. Il nous a ainsi été possible par l’observation au sol, de replacer précisément dans les parcelles 783, 786 et 787 la « pars urbana » et la « pars agraria ». En outre, l’étude des structures actuelles du cadastre nous a permis de compléter nos observations et d’en déduire l’allure générale de la villa.

 Présentation générale de la villa

Les éléments constitutifs de la villa de La Mazère étaient au nombre de deux: la « pars urbana », à fonction résidentielle, comprenant un bâtiment principal composé de nombreuses pièces (dont une partie thermale) et la « pars agraria » à fonction agricole et artisanale, formée par les bâtiments d’exploitation. Les éléments de chacune de ces parties se regroupaient autour d’une cour et le tout était encadré par un mur d’enceinte [Nous nous sommes appuyés, pour avancer l’hypothèse de l’existence d’une enceinte, sur la typologie de M. Leday. La villa de La Mazère semble correspondre au type IC dans lequel une enceinte entoure toute la villa et un mur sépare la « pars urbana » et la « pars agraria ».] qui assurait à la villa calme et protection contre d’éventuels brigands. Ce mur [Lenceinte entourant la villa apparait en pointillés sur la figure 1]. était remplacé sur l’un de ses côtés par une tranchée [La tranchée apparait en pointillés dans la parcelle 788 sur la figure 1.]. En effet, malgré les conseils des Agronomes, la villa n’a pas été établie près d’un point d’eau. Les Gallo-Romains ont compensé ce manque par l’élaboration d’une tranchée qui emmenait l’eau de l’étang de La Mazère à l’habitation principale. Ils savaient donc adapter leurs établissements aux conditions géographiques et géologiques. On devine aujourd’hui l’existence de deux des autres faces de l’enceinte grâce à la présence de pierres sur le sol. Ainsi au sud-ouest de l’habitation principale, sur une longueur de 330 mètres et une largeur de 10 mètres (voire plus à certains endroits), de nombreuses pierres jonchent la terre de la parcelle 783. Cet alignement désordonné mais sans rupture s’inscrit dans l’exact prolongement du chemin séparant les parcelles 787 et 857. La « pars agraria » se situait donc dans le prolongement de la « pars urbana ». La troisième partie du mur est également identifiable. Elle constituait le côté nord-nord-ouest de la « pars agraria » et elle mesurait environ cent mètres de long sur une dizaine de mètres  de large. Enfin, la quatrième face de l’enceinte n’a laissé aucune trace, nous pouvons donc simplement supposer sa présence par la limite des parcelles 783 et 786.

La villa était donc un emplacement clos et protégé de tout côté se mettant ainsi à l’abri du brigandage de plus en plus fréquent au IIIe siècle. Il semble qu’elle constituait un bloc uni. Cependant une séparation concrète entre la « pars urbana » et la « pars agraria » (marquée par un mur) remet en cause cette unité.

 La « pars urbana »

 La « pars urbana » devait être isolée du reste des habitations par un mur qui n’a pas été révélé par les fouilles. Il nous est néanmoins aujourd’hui possible de le localiser par la présence d’un chemin séparant les parcelles 786 et 787, ce dernier ayant été établi (tout au moins en partie) sur d’anciennes constructions. La présence de cette clôture marquait le caractère exclusivement résidentiel de cette partie de la villa, évitant ainsi que les activités agricoles et artisanales de la « pars agraria » s’étendent dans la « pars urbana ».

 L’habitation du maître

 Le bâtiment de la « pars urbana » a été fouillé entièrement et les fondations en ont été dégagées. Il abritait probablement le maître de la villa et ses proches. Il semble avoir réuni le goût et le luxe qui distinguaient les grands seigneurs gallo-romains. Cet établissement a été construit selon les règles de l’architecture romaine. Les constructions forment un T (Voir annexe 2). A l’extrémité inférieure de la branche verticale a été découverte une entrée ou prothyrum qui avait encore conservé son pavimentum composé de mortier. Ce ciment a été importé en Gaule par les Romains, il ne figure pas dans les constructions datant de l’époque gauloise. Il consiste en un mélange de chaux, de sable et de tuileaux cassés ─ la chaux vive était produite par la cuisson de pierres calcaires dans un four, l’adjonction d’eau permettant d’obtenir la chaux éteinte. A la suite du prothyrum s’ouvrait un atrium établi selon les règles de l’architecture romaine, sa longueur (26,40 m) valant une fois et demi sa largeur (18,30 m). L’atrium franchi, on entrait dans la partie réservée à la famille. Elle comprenait une cour de 43,70 mètres sur 32,20 mètres, bordée sur au moins trois faces par une rangée de colonnes de 0,70 mètre de diamètre reposant sur un pluteus dont les fondations furent en grande partie découvertes lors des fouilles. Le peristylium formé par les colonnes, soutenait une galerie qui permettait de réunir entre elles les pièces de l’habitation et de circuler à l’abri des intempéries. Elle servait donc de promenoir et de lieu de réunion, abritant, selon les saisons, le soleil ou la fraîcheur. La colonnade devait encadrer un jardin ou xystrium au centre duquel une dépression semble indiquer l’emplacement de l’impluvium. Ce dernier était un bassin servant à recueillir les eaux de pluie qui ruisselaient du toit dont les quatre pans s’abaissaient vers une ouverture centrale (le compluvium) située juste au-dessus du bassin. Les eaux recueillies dans le bassin étaient ensuite dirigées vers une citerne sous-jacente (figure 3). Cette architecture répondait à la nécessité de se procurer de l’eau.

Figure 3

Figure 3

Ce jardin entouré d’une colonnade avait, quant à lui, deux fonctions essentielles: il assurait l’aération d’une maison qui était fermée sur elle-même et procurait la lumière indispensable à l’accomplissement des tâches quotidiennes. En effet, les fenêtres étaient rares, le verre à vitres était connu mais peu utilisé, il restait un élément de luxe remplacé souvent par des peaux et des toiles. Cette lumière naturelle évitait l’utilisation des chandelles de suif ou de cire et des lampes à graisse en terre cuite. Les fouilles ne s ‘étant pas attachées aux objets de la vie quotidienne, il n’est fait mention nulle part de ces lampes qui, pourtant, devaient se trouver sur le site.
Sur la façade gauche du peristylium, le pluteus n’a pas été dégagé. Cette façade s’ouvrait sur des chambres cimentées de grandeurs inégales, séparées par des corridors. On ne peut savoir à quoi étaient destinées ces pièces. En revanche les bains sont clairement identifiables dans la partie nord-ouest du bâtiment.

 Les bains

 L’été, les bains chauds allégeaient le corps par la sudation qu’ils entraînaient et, l’hiver, l’étuve permettait de faire une provision de chaleur pour la journée. Les bains ajoutaient au plaisir de la baignade celui de la conversation ainsi que le bienfait du délassement et du repos. Il est intéressant de noter que le maître du domaine n’a pas négligé cet élément du « standing » romain. Les bains sont situés à peu de distance du bâtiment principal. De très modestes dimensions, ils devaient être réservés au maître et à ses proches. Généralement, les bains se constituaient de trois éléments: le caldarium, le tepidarium et le frigidarium, que l’on retrouve également sur le site.

Le caldarium (4,60 m x 2,00 m) est identifiable par sa forme circulaire. Bain chaud, on y passait après s’être livré à des exercices physiques pour accélérer la sudation. Derrière lui, on reconnaît le foyer (praefurnium) formé par de larges briques mises de chant. Groupées quatre par quatre, d’autres briques, dont la disposition au sol affectait un quart de cylindre, ont été trouvées à côté: elles servaient probablement de piliers soutenant le sol du tepidarium. Le tepidarium (4,60m x 2,80 m) est le bain tiède dans lequel on passait après le bain chaud. Dans ces deux pièces, la chaleur était produite par hypocauste: un feu était entretenu au sous-sol dans le praefurnium et la chaleur qui s’en dégageait, circulait à l’intérieur des murs constitués de briques creuses ainsi que sous les sols du caldarium et du tepidarium, chacun d’entre eux reposant sur des piles de briques (seules celles du tepidarium, décrites ci-dessus, ont été retrouvées). Sur la droite de l’étuve et derrière elle, les fouilles ont révélé l’existence d’une piscine en ciment (2,30 m x 1,60 m); un tuyau de plomb y était encore adapté. Cette piscine semble être le frigidarium: le bain froid après lequel on passait au vestiaire pour se rhabiller.

Les thermes étaient l’élément essentiel de la civilisation romaine. Ils sont donc à la fois la preuve de la richesse du maître de la villa et celle de son grand degré de romanisation encore confirmé par les objets retrouvés lors des fouilles de 1897-1898.

 Les autres apports des fouilles

 Tout d’abord ont été retrouvées des traces de conduites d’eau et des canalisations formées de conduits parallèles maçonnés en brique, pouvant, selon M. Thèdenat (dans BACTH de 1898) appartenir à un système d’hypocauste. Ainsi, comme les bains, le reste ou une partie de l’habitation du maître aurait profité de ce système de chauffage par le sol et par les murs, ce qui souligne encore la richesse du domaine. En ce qui concerne les conduites d’eau, ne sachant ni leur direction ni leur localisation, nous ne pouvons tirer aucune conclusion quant à leur utilisation. Cependant, il nous paraît probable qu’elles amenaient l’eau au bâtiment principal pour la redistribuer ensuite à l’intérieur de ce dernier.

Les fouilles ont également révélé des objets peu communs permettant de mesurer la richesse et la romanisation des habitants de la « pars urbana ». Ainsi ont été découvertes deux pièces de bronze, l’une portant au droit une tête surmontée de la corona radiata avec la légende « IMP.C.TETRICUS » et, au revers, une victoire accompagnée de la légende « AUG. » ; l’autre pièce figure la même tête mais la légende est illisible. Bien qu’aucune étude numismatique n’ait été menée pour ces pièces, nous savons grâce à la légende qu’il s’agit de deux deniers de Tetricus. Ces deniers nous permettent de dater les ruines de la villa. Tetricus forma en effet, entre 268 et 274, un empire provincial autonome comprenant les Gaules, l’Espagne et la Bretagne, alors que Claude II gouvernait le reste de l’empire. Ces deniers, ainsi que les ruines de la villa, datent donc de cette période. Nous élargissons la datation des ruines au dernier quart du Même siècle, les deniers pouvant soit appartenir à un trésor, soit circuler encore, bien que Tetricus ne soit plus auguste.

Divers instruments de fer, dont M.Drouault(dans BSAHL 47 de 1899) ne précise ni la description ni l’origine, s’ajoutent à ces pièces; il nous signale cependant que parmi eux se trouvent des ferrements de porte. Les portes sont peu fréquentes dans les villas de cette taille, le passage entre deux pièces se faisait généralement par une simple ouverture dans le mur.

Figure 4

Figure 4

En outre, un élément sculpté de pierre calcaire a été décrit [DROUAULT (R.), dans Monographie du canton de Saint Sulpice les Feuilles, 1961]. Il s’agit d’une tête de femme, nymphe ou déesse (figure 4). D’après les fragments de pierre qui subsistent derrière la tête, nous pouvons conjecturer que ce beau morceau de sculpture de 22 centimètres devait supporter une poutre. La figure d’un ovale fin et délicat est encadrée de larges bandeaux: les cheveux, disposés en deux bandeaux et séparés par une raie, sont terminés en chignon sur la nuque. Cette coiffure était celle des femmes de haut rang. Elle trahit souvent l’arrivée avec quelque retard de la mode romaine. Au début du Ter siècle, la coiffure en bandeaux était portée fréquemment par les femmes à Rome. Elle disparut ensuite à l’époque flavienne au profit de la coiffure en nid d’abeilles pour réapparaître à la fin de cette même époque. La coiffure de cette tête sculptée nous montre ainsi le souci qu’avaient les riches Gallo-Romains de suivre et d’imiter la mode romaine.

Figure 5

Figure 5

Un autre élément sculpté a été décrit par M.Bourdery (dans BACTH de 1898). Il s’agit d’un objet en bronze de 1500 grammes (figure 5). L’aspect grossier -mais non sans caractère- de ce monument dénote une assez basse époque. La pièce, aux parois épaisses, est presque intacte. Le buste d’un personnage barbu accosté de deux ailerons y est sculpté. Cette effigie qui, de prime abord, ne rappelle pas celle d’une divinité païenne pourrait bien être cependant la figure d’un (Hermès Le dictionnaire de M Rich signale deux types très connus de ce dieu, tous deux barbus comme celui-ci et offrant avec lui de grandes similarités) . L’intérieur est creux et forme une sorte de douille à quatre pans faite pour être emmanchée sur une pièce de bois. La tête légèrement aplatie donne à supposer que l’on a frappé violemment à cet endroit pour enfoncer le bois dans sa douille. L’instrument devait surmonter une tige: M.Bourdery voit dans cet objet une hampe, alors que MM.Babelon et Blanchet pensent qu’il s’agirait d’une clé de fontaine qui devait manoeuvrer le robinet d’une des conduites d’eau dont la présence a été signalée dans les fouilles. L’intérieur est évidé avec soin en une douille rectangulaire dont les angles sont bien assurés et bien nets, l’objet s’encastrant ainsi parfaitement sur le dé cubique qui formait la partie supérieure du robinet. Les deux anses, plus épaisses sur la partie supérieure (destinée à supporter l’effort principal), offraient aux mains une prise facile pour imprimer à la clé le mouvement nécessaire. Il faut noter, enfin, l’heureuse adaptation du morceau purement décoratif de l’objet à sa partie utilitaire, du buste à la douille, qui le continue d’une façon si logique qu’elle donne à l’ensemble cet aspect harmonieux où les exigences de la fonction et de l’art reçoivent également satisfaction.

 

Figure 5

 

Enfin, parmi les découvertes qui ont suscité de l’intérêt, il reste à mentionner deux sépultures trouvées dans des conditions singulières. Deux squelettes étaient couchés l’un près de l’autre, orientés la face vers le Levant. Ils reposaient sur une plate-forme de béton uni et étaient recouverts chacun, comme écrasés, par une énorme dalle de granit. On n’a aperçu ni la trace des parois, ni celle des matériaux qui auraient pu supporter les dalles, ce qui donne à supposer que ces sépultures ont été précédemment violées. Il s’agirait donc d’inhumation sans pierre tombale, ce qui indique une date tardive, peut-être postérieure aux invasions.

Un troisième squelette a été retrouvé, gisant plié en deux sur le seuil d’une porte; peut-être un témoin du pillage de la villa.

Ainsi, les fouilles effectuées à la toute fin du siècle dernier, bien que mal menées, peuvent apporter de nombreux éléments de compréhension à l’historien d’aujourd’hui qui travaille en zone rurale. Cependant, la photographie aérienne lui est encore plus utile; nous avons dû malheureusement nous en passer et étudier les parties non fouillées avec le cadastre et les traces que le temps n’a pas effacées. Nous avons ainsi réussi à retracer les grandes caractéristiques de la villa et à montrer l’imprégnation de l’architecture romaine jusque dans cette partie de la Gaule rurale.

La « pars urbana », parce que fouillée, nous a livré de nombreuses indications concernant le mode de vie de ses habitants (thermes, jardins) et la nécessité d’adapter l’architecture au manque de commodité afin de se procurer de la lumière et de l’eau. Cependant, elle garde ses mystères quant à l’utilisation des pièces cimentées qui entourent le jardin.

L’autre partie de la villa, la « pars agraria », n’a été ni fouillée ni prospectée au sol. Si nous pouvons deviner et comprendre sa structure générale, il nous est impossible de la détailler et de décrire son fonctionnement.

La « pars agraria »

Structure générale

La circulation entre la « pars urbana » et la « pars agraria » semble se faire par la maison secondaire découverte lors des fouilles (figure 2). Ce bâtiment se compose d’une large chambre bordée de trois autres pièces longues et étroites. De par sa position, il permettait la surveillance des allées et venues entre la cour agricole et la partie privée. Selon Agache (AGACHE (P.), La somme prè-romaine et romaine), le vilicus (régisseur du domaine) y logeait. Le propriétaire, en excluant le vilicus de son propre logement, tenait probablement à marquer leur différence sociale, le vilicus appartenant à une catégorie sociale inférieure à la sienne. Cependant, l’habitation

supposée du régisseur peut aussi être un reste du phénomène d’absorption des petits domaines par les grands, le bâtiment secondaire étant le bâtiment principal du petit domaine.

Quant aux bâtiments agricoles, il semble qu’ils s’organisaient autour d’une immense cour dont la fonction ne nous est pas connue. Peut-être servait-elle aux charrois nécessités par la rentrée des récoltes , ce qui expliquerait sa taille (330 m x 100 m). Les bâtiments, accolés ou non les uns aux autres, s’appuyaient néanmoins tous sur le mur qui les encadrait. Les pierres retrouvées appartiennent probablement, non seulement au mur d’enceinte, mais aussi à certains bâtiments. En effet, certains pouvaient être construits en matériaux légers (chaume et bois) tandis que d’autres étaient bâtis en matériaux durs. Les pierres et les tuiles retrouvées dans la parcelle 786 du cadastre viennent confirmer cette hypothèse.

Par ailleurs, il nous paraît intéressant de signaler la présence d’une source dans la parcelle 783 (emplacement marqué par la lettre S sur la figure 1), cette source ayant pu être exploitée par les Gallo-Romains. En effet, l’actuel propriétaire, M. Bourry, lorsqu’il l’a captée pour la drainer, a découvert à 90 centimètres de profondeur de nombreuses briques ou tuiles qui semblaient cimentées. Celles-ci formaient peut-être des canalisations qui dirigeaient l’eau vers une fontaine ou une citerne. Cette hypothèse permet d’expliquer la manière dont était alimentée en eau la « pars agraria » ou, tout au moins, l’une de ses parties.

 Les modes de construction

 A l’image de l’habitation du maître, certains bâtiments agricoles étaient recouverts de tuiles. Encore aujourd’hui, on les retrouve en grand nombre dans la parcelle où s ‘étendait cette partie de la villa. Ces tuiles (tegulae) d’argile cuite sont plates et grandes avec des rebords à emboîtement; il en existe de forme courbe appelées imbrices. Nous pouvons, grâce à ces découvertes pourtant banales, connaître la façon dont se présentaient les toitures gallo-romaines. Tegulae et imbrices alternaient: la tuile courbe s’ajustait sur les rebords à emboîtement des deux tuiles plates successives et couvrait le joint qui liait ces dernières (figure 6).

Figure 6

Figure 6

Chaque rangée de tuiles courbes était arrêtée en bout de toit par un moellon sculpté dont quelques exemplaires ont été retrouvés sans être décrits précisément. Ces moellons sont appelés antéfixes et servaient à masquer l’ouverture inesthétique des imbrices à la base du toit. La tuile, comme le mortier, est un apport romain. En effet, les Gaulois ne connaissaient ni l’un ni l’autre, leurs habitations consistaient en de simples huttes de bois couvertes de chaume. Le mortier, comme dans la « pars urbana », se retrouve encore aujourd’hui en grandes plaques. Il devait donc couvrir le sol de certains bâtiments.

 Les bâtiments d’exploitation

 Nous ne pouvons aujourd’hui attribuer aucune fonction à ces bâtiments. Cependant, dans l’angle sud-ouest de la « pars agraria », au milieu des pierres, des plaques de scories sont aujourd’hui encore visibles à fleur de terre (figure 1, emplacement marqué par la lettre F). La scorie est un sous-produit d’opération d’élaboration métallurgique. Le site n’ayant jamais été occupé après le Même siècle, nous pouvons supposer que les Gallo-Romains avaient établi une forge dans ce coin de l’enceinte. Cependant, il est difficile, du fait des travaux agricoles postérieurs, de la localiser précisément. Il est possible qu’elle ait été fondée en dehors de l’enceinte, suivant les conseils des Agronomes, afin de réduire les éventuels risques d’incendie. Le travail de la forge était dur, l’atelier mal éclairé et son installation rudimentaire. Les principaux outils du forgeron consistaient en une enclume, un marteau et une pince à fer. Le dieu protecteur des forgerons était Vulcain, le dieu romain. Le fer s’avérait indispensable à la fabrication d’outils agricoles tels que les dents de herse, les faux, les faucilles et le soc de l’araire (même si ce dernier était le plus souvent en bois), ainsi qu’à l’élaboration d’outils nécessaires à la construction (pinces, truelles) et d’objets de la vie quotidienne (clés, serrures, ferrements de porte). Quant aux autres constructions, elles abritaient probablement d’autres ateliers ─ produisant le nécessaire à la vie quotidienne ─ des entrepôts, les habitations des artisans et des esclaves. Les entrepôts devaient contenir des amphores dont on retrouve, après les labours, de nombreux pieds. D’après la forme de ces pieds, nous pouvons estimer qu’il s’agit essentiellement d’amphores à vin: elles sont plus allongées que celles, rondes et ventrues, qui contenaient de l’huile. L’amphore est un haut vase à deux anses, à col allongé et à base pointue faite pour être fichée dans le sol, certains fragments des anses réapparaissant au fil du temps et des travaux agricoles. Ce récipient, destiné au transport et à la conservation des liquides, était fermé par un bouchon de liège enfoncé dans son col; un disque de terre cuite estampillé et scellé au plâtre maintenait le bouchon à l’extérieur. Par ailleurs, parmi ces bâtiments devaient figurer des hangars de séchage où était engrangée la récolte des grains (blé et autres céréales). Les meules qui réduisaient ces grains en farine sont présentes en grand nombre sur le site de la « pars agraria ». Des fragments ont été retrouvés à divers endroits. Il s’agit d’éléments constituant des meules portatives. Celles-ci sont composées de deux parties: l’une, fixe, appelée meule dormante ou meta, sur laquelle l’autre partie, mobile, appelée catillus, tourne autour d’un axe. La partie dormante est donc bombée alors que la partie mobile est creuse. Les fragments retrouvés appartiennent à cette deuxième partie (figure 7).

Figure 7

Figure 7 (Les dimensions sont exprimées en centimètres)

Ainsi, par la présence de quelques objets, nous pouvons sans mener de fouilles émettre quelques théories quant à l’utilisation de ces bâtiments. Cependant, il nous est difficile de les localiser précisément, nous ne signalons donc que leur emplacement hypothétique.D’autres objets ont été trouvés mais il nous est impossible de connaître leur utilisation: nous nous contenterons de les décrire brièvement.

Quelques découvertes non identifiables

Les travaux agricoles font remonter à la surface de la terre quelques objets et pierres insolites. Parmi eux se trouvent de menus morceaux de céramique sigillée. Il s’agit d’une belle céramique de couleur rouge, façonnée avec un moule ou un tour, dont les motifs géométriques sont gravés en creux avec un poinçon. Cette céramique était souvent utilisé pour la vaisselle, elle témoigne, lorsqu’elle est en grande quantité, de la richesse du lieu. Elle fut peut-être fabriquée à la Gaufresenque, grande officine gallo-romaine de l’Aveyron actuel.Ajoutons qu’une pierre, haute de 130 centimètres et large de 105

Figure 8

Figure 8 (Les dimensions sont exprimées en centimètres)

centimètres à la base pour 43 centimètres en son sommet (figure 8) est apparue dans la parcelle 783 (à l’emplacement marqué par la lettre P).    (dimensions exprimées en centimètres) De même, un morceau de calcaire (figure 9)affectant la forme d’un cylindre de 53

Figure 9

Figure 9 (Les dimensions sont exprimées en centimètres)

centimètres de diamètre et de 32 centimètres de hauteur est sorti de terre dans la parcelle 783 du cadastre (emplacement marqué par la lettre C sur la figure 1). En son centre, un creux apparaît; il semble ne pas se prolonger sur toute la hauteur du morceau retrouvé, mais celui-ci étant très abîmé, nous ne pouvons confirmer cette constatation. Cette pierre ­tout au moins la roche qui la compose- fut certainement importée, le calcaire étant totalement absent du sol de la région. Il s’agit peut-être d’un morceau de colonne mais le trou central va à l’encontre de cette hypothèse.
Figure 10

Figure 10 (Les dimensions sont exprimées en centimètres)

Enfin, à proximité de cet énigmatique morceau de calcaire taillé (emplacement marqué par la lettre B sur la figure 1), on a découvert un bloc de granit imposant (figure 10), lui aussi taillé, comme en témoignent les traces obliques en creux sur ses flancs. Ce bloc présente quelques particularités que nous nous contenterons de décrire, ne sachant pas à quelle fonction le rattacher. Ainsi, sur l’une de ses faces, deux trous de forme cylindrique sont repérables: l’un au milieu de l’une des arêtes à quelques centimètres du bord, l’autre dans l’un des angles. De plus, sur la face opposée apparaissent deux rainures creusées dans la pierre.Comme nous l’avons déjà précisé, nous ne connaissons ni la fonction ni la taille exacte qu’avaient ces blocs de pierre. Le fait qu’ils soient taillés souligne cependant leur utilité pour les habitants de la villa.
La « pars agraria », que nous avons essayé de reconstituer, reste néanmoins mystérieuse. Il nous est, par exemple, impossible de localiser avec précision ses bâtiments même si quelques-uns des objets retrouvés se sont avérés fort utiles pour définir leur fonction. Il nous semble important d’insister à nouveau sur l’étendue de la « pars agraria ». Le personnel qui y logeait, artisans libres et esclaves, devait y être nombreux et ses ateliers variés.Le fonctionnement au quotidien de cette partie reste plus obscur encore que celui de la « pars urbana », notamment parce qu’on ne peut définir les différentes composantes de la société qui y habitait et y travaillait. Moins riche et moins spectaculaire que l’habitation du maître, cette partie a été délaissée. Seule sa structure dans ses grandes lignes se laisse identifier mais elle ne nous livre que quelques maigres secrets. Les conclusions historiques sont donc faibles, mais il est toujours important de rappeler qu’une villa gallo-romaine comporte deux parties et que limiter l’étude de cette structure à la « pars urbana » reviendrait à nier l’originalité de ce couple. « Pars urbana » et « pars agraria » étaient donc astucieusement liées, toute l’exploitation du domaine reposait sur elles. La villa gallo-romaine de la Mazère formait à elle seule ce que l’on appelle aujourd’hui un village avec ses différents corps de métiers comprenant les exploitants agricoles. Par ailleurs, la comparaison semble d’autant plus valide que la communauté de la Mazère possédait son cimetière, situé à quelques 600 mètres de là.

Le cimetière

 Localisation et présentation du matériel
En 1888 est signalée dans la presse (article dans la Gazette du centre du 13 juillet 1888) la découverte de sépultures gallo-romaines au lieu-dit les « Gachés du Paulmet ». En 1909, M.Imbert enquêta sur les lieux et ses notes furent utilisées en 1914 par le Domen-club de Bellac. Le champ des « Gachés » est à 1300 mètres à l’ouest du clocher de Saint Martin Le Mault, à 1400 mètres au sud du village du Paulmet et à 600 mètres à l’ouest-nord-ouest de la villa de la Mazère. Il n’est donc pas impossible que ce petit cimetière des « Gachés » ait dépendu de la villa en question. Le champ domine la rive gauche d’un petit ruisseau qui se jette dans la Benaize à deux kilomètres de là.Trois sépultures ont été retrouvées par M.Imbert mais il en existait beaucoup plus: il est fréquent, encore aujourd’hui, d’en retrouver quelques-unes dans des jardins du Paulmet. Chacune a une forme particulière, ce sont des sépultures à incinération, l’inhumation n’étant réintroduite en Gaule qu’à la fin du IIIèmesiècle. Une sépulture a été découverte dans la haie qui borde le champ; elle est de forme régulière, en granit, longue de 0,78 mètre, large de 0,55 mètre et haute de 0,30 mètre. Creusée en sa partie supérieure d’une cavité ovoïde sans bourrelet de 0,13 mètre de profondeur et 0,20 mètre de diamètre, l’urne a été retrouvée sans couvercle.Deux autres sépultures en granit ont été transportées sans couvercle au Paulmet. L’une est circulaire, son diamètre varie de 0,47 mètre à 0,80 mètre, sa hauteur étant de 0,30 mètre. Sa cavité cylindrique centrale fait 0,20 mètre de diamètre et 0,14 mètre de hauteur.La deuxième sépulture a une forme peu fréquente: celle d’une petite colonne à section

Figure 11

Figure 11

rectangulaire et aux angles arrondis dont le sommet est brisé. Sa hauteur actuelle est de 0,50 mètre, sa longueur de 0,48 mètre et sa largeur de 0,32 mètre. La lèvre de la cavité centrale présentait un bourrelet qui s’encastrait dans le couvercle assurant ainsi l’étanchéité de la fermeture. A l’intérieur, une urne cinéraire en verre a été sommairement décrite par la Gazette du centre. Cette urne, haute de 0,26 mètre a l’aspect d’une bouteille (figure 11) de forme 14 de M.Morin. Un couvercle en terre cuite perdu, bouchait l’orifice de l’urne. Ces découvertes, bien qu’anodines, nous permettent de connaître un peu mieux les rites et les coutumes funéraires.

Les coutumes funéraires 

Les Gallo-Romains croyaient en un monde extra-terrestre, la lune, où allaient les corps après la mort. La vie dans l’au-delà devait être méritée par une vie terrestre laborieuse, courageuse et vertueuse. La sépulture représentait paradoxalement pour eux une demeure d’éternité, ce qui s’oppose à l’idée d’une vie post-mortem sur la lune. Le mort était donc entouré d’objets nécessaires à sa vie future même s’il était incinéré.L’incinération a été renforcée par l’arrivée des Romains jusqu’au IIIe siècle qui a vu réapparaître fréquemment l’inhumation. L’incinération était préférée à l’inhumation car elle assurait la purification et l’hygiène, permettant en outre la séparation radicale de l’âme libérée et du corps détruit. Par ailleurs, le type de sépulture associé à l’incinération prenait peu de place.Avant l’incinération, le défunt était porté sur une civière jusqu’au bûcher où il était placé avec des objets familiers. Le bûcher consumé et refroidi, les proches recueillaient quelques poignées d’ossements qu’ils lavaient dans du lait ou du vin et qu’ils déposaient ensuite dans une urne en verre ou en céramique, à l’image de celle retrouvée aux « Gachés ». Cette urne cinéraire était ensuite protégée par un coffre, souvent en granit, de forme grossièrement cylindrique ou cubique. Autour de ce coffre étaient déposés les objets familiers du défunt ainsi que des denrées périssables. Une pierre, un autel ou un bloc rectangulaire signalait le lieu de la sépulture. Aucun de ces derniers éléments n’a été retrouvé ni même cherché.Ce petit cimetière n’a pas été fouillé, seuls les éléments apparents, ceux qui sortaient de terre, ont été récupérés. Une étude approfondie aurait pu apporter des informations supplémentaires en ce qui concerne les croyances et la vie religieuse dans cet établissement rural, la composition sociale de sa population, son niveau de vie et celui de sa romanisation.  

Conclusion

L’existence d’un petit cimetière, si tant est qu’il soit juste de le rattacher à la villa de La Mazère, semble souligner l’importance et l’étendue de cette dernière. De fait, elle couvre effectivement une surface de neuf hectares. On peut ainsi estimer que son fundus, que les Agronomes voulaient proportionnel à la taille de la villa ( le fundus constituant le domaine dans son entier: villa, bâtiments extérieurs, réseau de chemins, agglomération de petits exploitants), devait lui-même non seulement s’étendre sur une superficie importante, mais aussi représenter une structure économique non négligeable. Rappelons ici que la villa entretenait d’ailleurs probablement avec un centre urbain proche des rapports commerciaux. Les fouilles effectuées sur la « pars urbana » ne sauraient donc rendre compte de ce commerce sans qu’une étude approfondie des alentours ne vienne les compléter et éclairer le mode de fonctionnement de l’économie gallo-romaine. Négliger le fundus revient donc à laisser de côté ce qui fonde la vivacité même d’une société, c’est-à-dire ses rapports économiques et ses moyens de communication. Et les archéologues ou chercheurs contemporains, qui utilisent de plus en plus les informations apportées par la photographie aérienne, le savent bien.La civilisation gallo-romaine semble donc bien s’appuyer sur une organisation sociale et économique fort développée. On ne saurait, par ailleurs, la réduire aux influences romaines certaines qu’elle a subies. Au contraire, les Gallo-Romains ont su s’approprier les éléments de cette culture qu’ils approuvaient (architecture, matériaux de construction, thermes, modes) pour mieux fonder une civilisation nouvelle.Là encore, l’attention particulière portée au début du siècle aux éléments « spectaculaires » de la villa de La Mazère n’a peut-être pas permis de rendre compte de la richesse autre que matérielle de cette civilisation. En effet, la « pars agraria », moins riche que la « pars urbana », méritait sans doute une prospection plus complète qui aurait permis une meilleure compréhension de la vie quotidienne, économique et sociale des habitants de ce domaine. On peut donc se réjouir de la qualité de la recherche et de l’archéologie contemporaines qui savent aujourd’hui s’ouvrir à des travaux dont les objectifs s’avèrent essentiellement scientifiques et culturels, renonçant ainsi à la seule quête, fort présente dans l’inconscient collectif du XIXème siècle, de « trésors cachés ».

Bibliographie

Rapports et documents sur la villa

DROUAULT (R.), dans BSAHL (Bulletin de la Société Archéologique et Historique du Limousin), 47, 1899
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DROUAULT (R.), Monographie du canton de Saint Sulpice Les Feuilles, Verso, 1961
DROUAULT (R.), Plan des fouilles de novembre 1897 et juin 1898
ESPERANDIEU (E.), Recueil, IX
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THEDENAT (H.), dans BACTH(Bulletin Archéologique. Comité des Travaux Historiques et Scientifiques), 1898
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Rapports et documents sur le cimetière
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Ouvrages généraux sur les Gallo-Romains
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DUVAL (P.M.), La vie quotidienne en Gaule pendant la paix romaine (I-IIIe siècles), Paris, Hachette, 1952
Ouvrage spécifique
LEDAY (A.), La campagne à l’époque romaine dans le centre de la Gaule, Oxford, BAR International Series 73 (i), 1980

Annexe 1

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Annexe 2

Annexe 2

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