D’APRÈS LES RECHERCHES DE M. MARTIGNON
Ce souterrain a été visité par les membres de la Société Archéologique du Limousin au cours de l’excursion de 1932.
Il se trouve à 1200 m au nord-ouest de Saint-Sulpice-les-Feuilles, sous le versant Nord-Ouest du promontoire granitique sur lequel est bâti le château de La Vau-Pot, et à 30 mètres environ de ce dernier. Il ne doit pas être confondu avec celui exploré par M. de Beaufort en 1836.
Il y a certes une grande part d’hypothèse dans les identifications que nous proposons pour les divers éléments du souterrain de La Vau-Pot, mais nous pouvons cependant, grâce à ce dernier, nous faire une idée assez exacte de ce qu’était dans nos régions une habitation troglodytique préhistorique.
Nous disons bien une habitation préhistorique, ou tout au moins protohistorique.
Notre souterrain, en effet, comme nous avons déjà eu l’occasion de l’écrire, ne semble pas avoir été véritablement un « souterrain-refuge », c’est-à-dire un abri caché et secret, destiné à servir de refuge éventuel et momentané, car les créateurs d’un tel abri auraient cherché à le rendre invisible d’un ennemi éventuel en réduisant au minimum, comme taille et comme nombre les éléments visibles. Or, nombreuses sont les parties du souterrain qui s’étale à ciel ouvert, telles que l’entrée par plan incliné, précédée d’une tranchée en plein air ; l’entrée par puits, béant au sol par une assez large ouverture ; la citerne, cuvette circulaire à ciel ouvert, etc.
En outre, la fumée qui, provenant de la Salle-foyer, s’échappait à l’extérieur par l’orifice de l’entrée par plan incliné, devait signaler l’habitation de façon particulièrement apparente.
Ce ne fut pas non plus un abri occupé de façon momentanée, car les traces d’usure du tuf et même du granit qui, en certains endroits, atteignent jusqu’à 20 centimètres de profondeur, ainsi que les importantes traces de feu de la salle-foyer et du boyau cheminée, prouvent que le souterrain fut occupé durant une très longue période.
Ce fut donc, à notre avis, une véritable habitation, comme d’ailleurs tous les souterrains de notre région, lesquels, sans cela, ne se seraient pas, semble-t-il, groupés en des sortes de villages. Le souterrain de La Vau-Pot fut, de plus, une habitation préhistorique, ou tout au moins protohistorique, car nous y avons trouvé en bonne place des broyeurs néolithiques ; une lame de silex emmanchée dans une sorte de poignée faite de glaise, trois palettes à fards (?) où se trouvaient encore, desséchées, des couleurs rouge et brune qui, à l’analyse, se sont révélées analogues à celles utilisées pour les peintures rupestres ; deux pointes de pic brisées, etc. Nous pouvons nous faire une idée des conditions de vie de ces antiques troglodytes, ainsi que de leur degré de civilisation. Nous voyons en particulier qu’ils recherchaient un certain confort – confort relatif évidemment, mais confort tout de même – par exemple avec aménagement de la Citerne et du Silo, ainsi que par le système de la Salle-foyer ; et surtout qu’ils avaient une remarquable ingéniosité, particulièrement apparente avec le système de guet, de transmission et de défense.
PLAN GÉNÉRAL DU SOUTERRAIN DE LA VAU-POT
I — Entrée par puits et locaux d’habitation.
II — Entrée par plan incliné et communs.
III — Caveaux cinéraires.
A. — Puits de descente. B. — Boyau d’entrée. C. — Grande salle. D. — Salle foyer. E. — Petite Salle. F. — Petite Salle. G. — Boyau de communication. H. — Corps de garde. I. — Vestibule. J. — Poste de guet. K. — Entrée par plan incliné et couloir. L. — Étable. M. — Citerne. Y. — Silo. O. — Silo. P. — Boyau cheminée. Q. — Tranchée à ciel ouvert. R. — Caveau cinéraire jumelé. S. — Caveau cinéraire jumelé. T. — Palier. U. — Caveau cinéraire isolé. . . . . . . . . . . |
1. — Entailles de la paroi. 2. — Puits de trappe. 3. — Porte en gueule de four. 4. — Petite fenêtre. 5. — Ouverture du plafond. 6. — Porte en gueule de four. 7 — Niche d’écoute. 8. — Arcade de communication. 9. — Conduit d’aération. 10. — Ouverture en gueule de four. 11. — Arcade de communication. 12. — Niche. 13. — Conduit d’aération. 14. — Porte en gueule de four. 15. — Porte en gueule de four 16. — Couloir. 17. — Porte en gueule de four. 18. — Fenêtre circulaire. 19. — Conduit acoustique. 20. — Traces de fermeture extérieure. 21. — Niche de luminaire. 22. — Traces de fermeture intérieure. 23. — Orifice du boyau cheminée. 24. — Trou d’écoulement du silo. 25. — Trou d’écoulement de la Citerne. 26. — Marches basses. 27. — Niche. 28. — Arcade de communication. 29. — Ouverture en gueule de four. 30. — Ouverture en gueule de four. 31. — Ouverture en gueule de four. |
Description su souterrain
Nous diviserons la description du Souterrain de Lavaupot en quatre parties :
– La première comprendra les Locaux d’habitation desservis au moyen d’une entrée par puits.
– La seconde s’occupera des Communs destinés au logement du bétail ainsi qu’à l’emmagasinage des réserves de grains et d’eau, ces Communs étant desservis par une entrée par plan incliné.
– La troisième sera consacrée aux Caveaux cinéraires, sépultures voisines du souterrain.
– La quatrième, enfin, traitera du Mode de construction. Nous nous excusons si, dans le but de nous faire bien comprendre, nous faisons, dans cette description, usage de termes modernes, bien que ces derniers constituent en réalité de choquants anachronismes.
1ère Partie : Locaux d’habitation
Nous examinerons:
– La Hutte, habitation de surface, et l’Entrée par puits.
– La Caverne artificielle, habitation souterraine profonde.
– Le Corps de garde, organe d’observation et de défense, creusé à un étage intermédiaire entre celui de la Caverne et la surface du sol.
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2ème Partie : les communs
C’est la partie du monument destinée à abriter le bétail et à conserver des réserves de grains et d’eau. Nous y examinerons successivement :
– L’entrée par plan incliné et l’étable.
– Les magasins de réserves alimentaires.
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3ème partie : Caveaux cinéraires
Nous examinerons successivement
– Le Caveau Cinéraire isolé (U)
– Les deux Caveaux Cinéraires jumelés (R et S)
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4ème partie : Mode de construction
Après avoir décrit notre monument et ses éléments annexes, tout en cherchant à déterminer les usages auxquels les diverses parties pouvaient être destinées, il nous reste à dire un mot du mode de construction.
Les sillons très apparents sur certaines voûtes ou certaines parois montrent que le rocher (en certains points) et le tuf (en d’autres points) furent attaqués soit par un pic, soit par une hache. D’ailleurs les fragments de deux outils brisés que nous avons trouvés en bas de deux parois et enterrés sous une certaine épaisseur de débris, nous donnent à penser que nos troglodytes s’étaient servis pour cet usage de pics, certains en pierres dures, d’autres en corne de cervidés (On a reconnu, dans certains souterrains-refuges. des sillons tracés d’une part par un pic de bois de cerf, d’autre part, par une hache de pierre).
Quant au processus du creusement de la caverne, nous avons dit, dans une précédente communication (au Comité des Travaux Historiques et Scientifiques du Ministère en décembre 1940), que les indigènes de certaines régions africaines continuaient à construire de nos jours des souterrains semblables aux souterrains fossiles de notre pays, et cela nous permet de connaître le processus probable de cette opération qui est conduite là-bas de façon immuable, presque rituelle.
D’abord, le souterrain, s’établit autant que possible à flanc de coteau, et il débute toujours par le forage de l’entrée par plan incliné.
Arrivés au cœur même de la colline, les ouvriers creusent la pièce centrale de l’habitation, ainsi que ses diverses annexes et les déblais sont évacués à l’extérieur à travers l’issue par plan incliné.
Puis, lorsque les cellules intérieures sont terminées, les constructeurs s’attaquent au puits vertical reliant la caverne avec l’extérieur. Ils l’attaquent de bas en haut, procédé qui a l’avantage de faciliter le transport des déblais, qu’il n’y a pas ainsi à remonter, mais simplement à faire glisser à travers les salles et le corridor d’entrée. Enfin, couronnement du travail, il est procédé à l’édification de la hutte du chef de famille, hutte qui vient coiffer et préserver l’orifice du puits de descente.